L'intelligence artificielle, un outil d'assistance pour les médecins

En cancérologie avec le programme Watson d'IBM ou en gériatrie à Toulouse avec les recherches du laboratoire Laas-CNRS, l'intelligence artificielle permet d'accompagner le personnel de santé en lui apportant des renseignements supplémentaires utiles au diagnostic et au choix des thérapies.
Le programme Watson d'IBM, une intelligence artificielle au service des médecins

"La complexité du cancer et le caractère unique de chaque cellule cancéreuse demandent des capacités de calcul et d'interprétation des données qui dépassent les capacités humaines, analyse Laurent Alexandre, dans son livre La défaite du Cancer. L'intelligence artificielle va révolutionner la cancérologie."

Pour le cofondateur du site internet Doctissimo et actionnaire de La Tribune, "le rôle de l'intelligence artificielle dans la santé va croître de manière exponentielle. Y compris dans la recherche." Un exemple : la startup américaine Berg Pharma a mis au point le BPM 31510, une cancérothérapie pour les tumeurs solides qui a été découverte non pas par des chercheurs, mais bien "par un système expert axé sur l'intelligence artificielle".

Watson, un outil de préconisation de traitements

L'intelligence artificielle au service de la santé ? Pour IBM, l'aventure a commencé en février 2011 lorsque que Watson, son programme phare d'intelligence artificielle remporte l'émission Jéopardy!. Face à des concurrents humains, Watson comprend l'énoncé des questions et y répond en quelques secondes après avoir traité des millions de données grâce à sa dizaine de serveurs.

"Quand ils ont compris que Watson avait trouvé des informations dans des textes non-structurées, des médecins sont venus à nous pour savoir s'il était possible de le transposer à la médecine, raconte Pascal Sempé, responsable du développement de Watson pour IBM France. Après leurs études, les médecins sont très vite dépassés par l'évolution constante de la recherche. Ils n'ont pas le temps de se tenir à jour et de tout lire. Ils ont donc besoin d'un outil qui puisse leur amener des informations et des hypothèses, tout en restant accessible à des non-informaticiens."

En partenariat avec 14 établissements de santé américains dont le Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, IBM a adapté son programme et mis au point Watson Health, un outil de préconisation de traitement capable d'exploiter 400 millions de documents. "Chaque client est impliqué dans la mise en place de Watson car il faut lui apprendre le vocabulaire et le sens des mots de son environnement", explique Pascal Sempé. Watson a la capacité de reconnaître le langage naturel. C'est-à-dire qu'il comprend le sens et le contexte de la question posée. Il ne fait pas une recherche par mot clef comme un moteur de recherche."

Déjà déployé aux États-Unis, Watson n'équipe actuellement aucun établissement de santé français. Deux raisons à cela : la langue et le coût. Watson n'est pas encore disponible en langue française pour la santé. Sa mise en œuvre est de l'ordre de quelques millions d'euros. Des contacts sont cependant établis entre IBM et des agences gouvernementales ainsi que des établissements de santé public et privé.

Toulouse, à la pointe de l'IA pour l'aide à la personne

L'utilisation de l'intelligence artificielle pour la santé n'est pas l'apanage des États-Unis. Quand il s'agit de marier algorithmes complexes et santé, Toulouse n'est pas en reste. Pionnière depuis 15 ans, avec Grenoble et Troyes, dans les recherches sur l'utilisation de l'intelligence artificielle pour l'aide à la personne, la Ville rose compte une dizaine de chercheurs qui étudient le sujet.

Le service de gériatrie du CHU de Toulouse et le Laas-CNRS collaborent par exemple à un dispositif de capteurs implantés dans les semelles de patients pour mesurer les minutes d'activité.

"Toute la difficulté est de faire la distinction entre un inutile piétinement dans la cuisine et une activité de jardinage, constate Antoine Piau, gériatre au CHU de Toulouse. Il ne suffit pas de mettre des capteurs partout, il faut transformer les données récoltées en indicateurs cliniques utiles."

Détecter une situation anormale

Parallèlement à sa collaboration avec le CHU, le Laas travaille également sur un dispositif permettant de détecter des changements dans le comportement d'un patient à son domicile. "Des capteurs mesurent par exemple le temps d'immobilité dans la salle de bain et la chambre d'un patient. Ces données sont enregistrées pendant 15 jours pour modéliser ses habitudes. L'idée est ensuite de comparer ces informations pour détecter une situation anormale comme une dégradation de l'état de santé du patient, s'il se déplace moins vite par exemple", explique Éric Campo, chercheur au Laas-CNRS dans l'équipe dédiée à la nano-ingénierie et à l'intégration des systèmes.

Comme pour Watson, les algorithmes toulousains permettent d'analyser les données statistiques récoltées et de proposer une aide à la décision pour le personnel soignant. Testé dans une maison de retraite, le dispositif a ainsi permis de signaler les promenades nocturnes d'un patient. Cette alerte a poussé le personnel de santé à adapter l'alimentation du résident à cette activité physique jusque-là inconnue pour lui permettre de reprendre du poids.

Favoriser le maintien à domicile

L'objectif de ces recherches est à terme de favoriser le maintien à domicile en mettant en place des moyens de "télésurveillance" selon le chercheur. "Aujourd'hui, il y a la technologie mais peu d'outils. La question est de surveiller de la moins intrusive des façons", conclut Éric Campo.

Fondée en 2013, la startup toulousaine Telegrafik commercialise un système directement inspiré des travaux du Laas. Son produit phare, Otono-me, est un système d'alerte et de monitoring destiné aux personnes fragilisées à domicile. "Nous répondons aux problèmes des médaillons que portent certaines personnes âgées et qui ne fonctionnent que dans 20 % à 30 % des cas, parce qu'ils ne sont pas portés ou parce qu'en cas de chute, les utilisateurs ne parviennent pas à les atteindre", précise Carole Zisa-Garat, la présidente de Telegrafik, qui vise les 100 000 utilisateurs d'ici à trois ans et prépare une levée de 500 000 euros.

Dans la santé, l'intelligence artificielle est encore à ses débuts. "Dans 5 à 10 ans, cela pourrait changer car les assurances, les mutuelles et l'industrie pharmaceutique commencent à s'y intéresser, estime Antoine Piau, du CHU de Toulouse. L'industrie pharmaceutique s'essouffle car on trouve de moins en moins de nouveaux médicaments révolutionnaires, à part pour les niches. La technologie, et donc l'IA, peuvent améliorer tout ce qui est autour du soin." Et engendrer de nouveaux marchés pour les industriels de la santé.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.