Les neurones des abeilles intéressent la robotique

Chercheuse au Centre de recherches sur la cognition animale à Toulouse, Aurore Avarguès-Weber étudie l'intelligence des abeilles. Ses recherches pourraient permettre d'améliorer l'intelligence artificielle. Sélectionnées par le programme l'Oréal-Unesco "pour les femmes et la science", elle est la seule française parmi les 15 lauréates.
Aurore Avargues Weber

Peut-on parler d'intelligence pour les insectes ? Selon Aurore Avarguès-Weber, cela ne fait aucun doute. Chercheuse en neurosciences cognitives, cette jeune femme de 31 ans est une spécialiste du comportement des insectes sociaux. Originaire de Bourgogne, c'est au Centre de recherches sur la cognition animale de Toulouse qu'elle mène ses recherches depuis 2007, après son diplôme en neurosciences à l'école normale supérieure de Cachan.

"Au départ, je voulais savoir ce que pensaient les animaux comme les grands singes ou les dauphins. Mais, après avoir rencontré Martin Giurfa, le directeur du CRCA, je me suis rendue compte des capacités des insectes sociaux comme les abeilles", se rappelle-t-elle.

Sous sa direction, Aurore Avarguès-Weber étudie la capacité des abeilles à comprendre les relations entre les objets.

"Les recherches de Martin Giurfa ont montré que les abeilles avaient des capacités d'abstraction et qu'elles pouvaient apprendre des concepts et des relations entre les objets, explique-t-elle. Ce n'était absolument pas attendu chez les insectes, précise la chercheuse, car c'est une question toujours débattue chez les animaux."

Sur les pas de son mentor, la chercheuse a démontré que les abeilles étaient capables de traitements cognitifs similaires aux mammifères, en dépit d'un cerveau de la taille d'une tête d'épingle. "Le cerveau de l'abeille compte un million de neurones contre 100 milliards pour l'être humain, s'émerveille la scientifique. C'est d'autant plus impressionnant que par comparaison, l'humain a besoin de sept années d'apprentissage pour maitriser cette capacité".

Comment et pourquoi

Les faits étant établis, restent deux questions fondamentales : Comment et pourquoi. "Chez l'homme, on commence seulement à comprendre comment le cerveau fonctionne. Je vais étudier ce processus chez l'abeille. Son cerveau étant beaucoup plus simple cela devrait être plus facile. Mais, je me demande également pourquoi elle dispose de cette capacité. À quoi ça lui sert ? Les fourmis, par exemple, ne semblent pas avoir cette capacité. Pourquoi l'abeille l'a t-elle développée ?"

Pour orienter ses recherches, la scientifique se base sur quelques hypothèses.

"L'abeille peut voler et s'orienter dans un rayon de 10 km de la ruche. Elle utilise notamment des repères visuels et peut-être une sorte de carte cognitive pour se déplacer. Pour cela, elle doit pouvoir coder des notions abstraites telles que "au-dessus", "plus grand", etc. On pensait jusqu'alors qu'elle prend des photos de son environnement pour s'en rappeler ensuite mais un système de carte serait beaucoup plus efficace et prendrait beaucoup moins de place dans sa mémoire."

Quand les abeilles n'hibernent pas (comme c'est le cas actuellement), Aurore Avarguès-Weber multiplie les expériences tous les 15 jours avec ses petites bêtes noires et jaunes. "Cela ne demande pas beaucoup d'investissements, comparé à mes collègues qui étudient les primates et qui réalisent une expérience en conditions réelles après de longues années de préparation et d'approche de leur sujet d'étude."

Selon une méthode qu'elle a elle-même mis au point, Aurore Avarguès-Weber présente à une abeille un choix entre différentes images, et place une goutte d'eau sucrée sur l'une d'entre elles. Ensuite, les images changent mais celles proposant du sucre conserve toujours un critère commun entre elles, par exemple le même nombre d'objets. "D'instinct, elle va chercher des liens entre les images pour comprendre la règle à suivre et obtenir la récompense à coup sûr, assure la chercheuse. Le processus d'apprentissage prend deux heures. C'est beaucoup plus rapide que chez les primates."

Abeilles et intelligence artificielle

Dans le monde, seules trois personnes travaillent à plein temps sur l'intelligence des abeilles. Bien qu'elles pourraient passer pour anecdotiques, ces recherches dépassent le simple cadre de l'éthologie.

"Comprendre les mécanismes neurobiologiques précis de l'intelligence des abeilles  permettra de comprendre par comparaison comme cela s'est développé de façon plus complexe chez l'homme", argue la chercheuse.

Autre intérêt, et pas des moindres, ces recherches pourraient servir aux disciplines liées à l'intelligence artificielle. "Actuellement, les algorithmes sont des usines à gaz très complexes. En se basant sur le fonctionnement des abeilles, on pourrait en élaborer des plus simples et plus efficaces", imagine Aurore Avarguès-Weber. Encore à l'état d'échanges et de discussions, ces rapprochements entre la chercheuse toulousaine et la communauté robotique, pourraient à l'avenir déboucher sur des projets plus concrets.

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Commentaire 1
à écrit le 06/08/2017 à 15:32
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Super! Mais elle a intérêt à se dépêcher, les monsanto, bayer et compagnie font tout ce qu'ils peuvent pour éradiquer ces abeilles avec leurs poisons.

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