French Tech Toulouse : quels résultats un an après ?

French Tech Toulouse fête, en toute discrétion, son premier anniversaire. Ce label, identifiant la métropole comme une place forte du numérique en France, devrait être reconduit en 2016. Néanmoins, tous les objectifs n'ont pas été atteints et, si la dynamique existe, elle souffre d'un manque de communication. 2016 devrait être l'année de la (nécessaire) montée en puissance.
Le logo de la French Tech.

Flashback

12 novembre 2014 : Toulouse obtient le label French Tech et intègre le top 9 des métropoles numériques.

17 novembre 2014 : les porteurs du dossier réunissent la presse pour annoncer les actions concrètes qui seront menées durant la première année de labellisation : des "Road Show Investisseurs" pour faire venir des investisseurs nationaux et internationaux à Toulouse, la mise en place du Pass French Tech pour les entreprises en hyper-croissance, l'instauration au niveau local de Jeudigital (des sessions de pitchs devant des investisseurs) et l'organisation d'un "guichet d'expérimentation" pour les startups, notamment. À ce moment-là, une échéance est donnée : "Dans un an, les services de la mission French Tech au niveau national viendront voir où nous en sommes, il ne faudra pas les décevoir."

Fin novembre 2015 : "Un an plus tard, force est de constater que 100 % des objectifs n'ont pas été atteints", concède le directeur délégué French Tech Toulouse Philippe Coste, "mais la dynamique est remarquable. Nous devons nous obstiner", sourit-il.

Cet inébranlable optimiste, par ailleurs directeur d'Epitech Toulouse, va devoir répandre la bonne parole : dans les rangs des ambassadeurs French Tech (des chefs d'entreprise impliqués dans le projet), on se félicite d'avoir mis tout le monde autour de la table pour obtenir le label, mais on pointe sans conteste les failles de French Tech Toulouse.

La plus belle réussite : se parler

À l'unanimité, avoir mis autour d'une même table Toulouse Métropole, le Sicoval, La Mêlée, Digital Place, Ekito, l'IoT Valley, startups, PME et grands groupes, est en soit une performance.

"C'est une première en termes de collaboration entre Toulouse Métropole, La Région et le Sicoval sur un projet lié au numérique. Même les clusters et associations pourtant 'concurrents' s'investissent ensemble !", remarque Aurélie Tible, directrice marketing chez Lyra Network, entreprise "ambassadrice" de la French Tech.

"On a réussi à faire s'asseoir autour d'une même table des acteurs qui ne se parlaient pas. Toulouse est faite de plusieurs réseaux officieux et on est vite exclu si on n'en fait pas partie. La French Tech a permis de faire entendre les gens qui n'appartiennent pas aux réseaux", remarque de son côté Frédéric Jourdan, président de la PME Snootlab, également ambassadeur French Tech.

"Il y a beaucoup d'égos autour de cette table (le comité de pilotage, NDLR), complète Benjamin Böhle-Roitelet, fondateur d'Ekito. Mais je crois que beaucoup de personnes sensées ont compris qu'il fallait mettre les égos de côté pour travailler pour l'écosystème. L'enjeu de la French Tech n'est pas toulousain. Il est national et international."

Résultat : un dialogue accru entre startups et grands groupes et entre startups et étudiants, mais aussi une véritable visibilité pour l'écosystème numérique toulousain, davantage mis en avant par les pouvoirs publics. "Les élus comprennent que la création de startups et ce type d'entrepreneuriat sont bons pour l'économie", analyse Philippe Coste. "En un an, nous avons fait bouger les lignes", confirme Frédéric Jourdan.

La French Tech Toulouse a également l'avantage d'évoluer dans le sillage d'une société dont la croissance en France et à l'international est remarquable : Sigfox. L'entreprise de Ludovic Le Moan (par ailleurs président de l'IoT Valley) crée autour d'elle un écosystème dont plusieurs startups bénéficient actuellement.

Au niveau national et international, la French Tech est une réussite. Par exemple, sur le salon CES Las Vegas 2015, la France représentait le plus grand stand après les États-Unis.  Emmanuel Macron et Axelle Lemaire s'y sont rendus. Des "French Tech hubs" sont même nés à New York et à Tokyo, par exemple. "Les business angels de Californie connaissent la French Tech, à ce niveau-là, c'est une réussite", se félicite Daniel Benchimol, président de Digital Place (opérateur du Pass French Tech).

Les chiffres officiels en janvier

Côté chiffres concrets (embauches et chiffre d'affaires générés par la French Tech), aucune donnée n'est disponible pour le moment. Les services de David Monteau (en charge de la French Tech au secrétariat d'état au Numérique) sont, comme prévu, venus faire un audit au mois d'octobre, mais ne laissent rien filtrer de ce rendez-vous :

"Nous sommes dans un processus de discussion et de co-construction avec toutes les métropoles French Tech. Dès lors, nos préconisations n'ont pas encore été formulées et ces éléments de travail, au final, n'auront de toute façon pas vocation à être diffusées. Néanmoins, nous diffuserons, en début d'année prochaine a priori, des éléments chiffrés de bilan pour chacune des métropoles", explique le service communication.

Si des rumeurs donnent à penser que cet audit a été l'occasion de "remonter les bretelles" des porteurs de projet, plusieurs membres du comité de pilotage démentent catégoriquement. "La reconduction du label en 2016 ne fait pas de doute", assurent-ils.

"Il faut reconnaître que nous avons peu d'entreprises de plus de 50 salariés, et pour les grosses levées de fonds, les investisseurs ne sont pas locaux", regrette cependant Éric Charpentier, fondateur de la société Payname et ambassadeur French Tech.

Pour Philippe Coste, les éléments de bilan ne manquent pas :

"Nous avons contribué à donner de l'ampleur à plus de dix dans l'année, et réalisé vingt vidéos de présentation d'entreprises. Nous avons conduit plus de vingt expérimentations concrètes à destination de startups, avec Ekito, au sein de Toulouse Métropole et au cœur du Laboratoire des Usages.

Nous avons favorisé la commande publique auprès des startups dans le cadre de la nouvelle Charte de Toulouse Métropole, soutenu des actions d'acculturation des étudiants à ce monde entrepreneurial.

Avant la fin de l'année, nous organisons une semaine d'accélération de projets de dix startups locales avec Google et une quarantaine de mentors nationaux et locaux, et nous organisons la rencontre de dix pépites avec plus de vingt investisseurs internationaux durant le Venture Point EmTech."

Des "coffee-camps" ont également été organisés avec des étudiants par Le Camping et, officiellement, trois entreprises ont obtenu le Pass French Tech (Delair-Tech, Audiogaming et Adveez). "Il y en aurait même quatre a priori", souffle Daniel Benchimol, qui souhaite garder secret le nom de la nouvelle lauréate.

Une vingtaine d'entreprises a participé au Mobile World Congress de Barcelone, mais moins de cinq au CES de Las Vegas. La duplication de "Jeudigital" au niveau local et les rencontres avec les acheteurs publics n'ont en revanche pas pu se faire.

Le manque de communication, talon d'Achille de French Tech Toulouse

La grande victoire de French Tech Toulouse est d'avoir su créer de la communication entre les différents acteurs du numérique à Toulouse. Reste désormais à communiquer vers l'extérieur. "Nous devons faire mieux connaître nos actions, diffuser notre connaissance de l'écosystème et faciliter la mise en relation des entreprises. C'est l'un de nos challenges 2016", assure Aurélie Tible.

En la matière, Bordeaux et Montpellier ont pris de l'avance, et la communication passe parfois par des détails. En effet, pour le premier anniversaire de la French Tech bordelaise (qui vient de lancer un site internet), les acteurs de l'écosystème se sont réunis pour une grande fête et une photo a circulé sur les réseaux sociaux (partagée 68 fois) :

À Toulouse, pas de fête, pas de tweet, et une page Facebook inactive. "Les événements EmTech et GoogleLaunchPad, pourraient symboliser cet anniversaire, veut rassurer Benjamin Böhle-Roitelet. Mais il est certain que certains écosystèmes sont meilleurs que nous sur ce type de communication."

"Peut-être qu'à Toulouse, nous n'avions pas forcément la tête à faire une grosse fête. Mais c'est vrai que cela manque. Cette photo faite à Bordeaux claque vraiment, on aurait pu faire la même, reconnaît Éric Charpentier. On regrette aussi de ne pas voir plus souvent Axelle Lemaire (la secrétaire d'État est venue une fois, NDLR)".

Montpellier, de son côté, a déjà communiqué sur le fait qu'elle allait tester l'extension du Pass French Tech au secteur des biotechs et medtechs. "Nous suivrons attentivement cette expérimentation", assure le directeur délégué French Tech de Toulouse.

"J'arrive à Toulouse, je veux monter une boîte, je fais quoi ? Je vois qui ? Est-ce que tout ça est clair ? Je ne suis pas sûr", s'interroge Éric Charpentier.

"C'est notre gros chantier du moment", répond Philippe Coste, assurant "que beaucoup de moyens sont déployés pour la communication", sans souhaiter en dire davantage.

"La réflexion sur un bâtiment totem et le futur déménagement de La Mêlée au Quai des Savoirs sont une bonne chose, tempère Frédéric Jourdan. La Mêlée organise beaucoup d'événements, c'est logique qu'ils soient dans le bâtiment totem. Pour le coup, c'est un signe clair et intelligible."

2016, année de l'accélération

Pour French Tech Toulouse, 2016 sera une année cruciale, celle de la montée en puissance. Sébastien Guérémy est chef du service Développement industriel, technologique et international à la Direccte Midi-Pyrénées (et représentant de Bercy en région). Pour cet expert, qui suit le dossier au niveau des services de l'État, "il faudra prendre du poids en 2016" et plusieurs axes sont déjà définis.

"En 2016 sera mis en place le French Tech Ticket pour accueillir des entrepreneurs étrangers sur le territoire. C'est notre gros chantier. Nous travaillons déjà avec les services du ministère de l'Intérieur, en relation avec les services de l'immigration pour voir comment ces étrangers peuvent venir s'installer ici le plus simplement possible. Nous ne démarrons pas de zéro. Ekito, le BizLab et l'IoT Valley accueillent déjà des startups étrangères."

Autre objectif pour l'année à venir : accompagner les entreprises vers l'hyper-croissance. "Aujourd'hui, le Pass French Tech aide les entreprises qui sont déjà en hyper-croissance. Pour en avoir davantage, il faut les aider avant même ce stade, de façon à les y conduire. Nous souhaitons en compter une dizaine par an", affirme Sébastien Guérémy.

Pour Daniel Benchimol, il y a une faiblesse au niveau du "sourcing", qui est un "point d'amélioration" pour l'année prochaine :

"Je ne suis pas sûr que l'on ratisse à mailles fines toutes les startups éligibles au Pass French Tech. On ne voit que celles qui se montrent. Dans toutes celles que l'on ne voit pas encore, il y a probablement des pépites."

En 2016, un projet sera également monté autour de la thématique du retail, mi-2016 :

"C'est un projet en cours dans lequel La French Tech s'investit avec des startups et des PME sur la 'New shopping Experience'. L'idée étant de réaliser un magasin connecté dans une version showroom, qui serait une vitrine des compétences technologiques du territoire", explique Aurélie Tible, de Lyra Network.

Philippe Coste souhaite aussi en 2016 faciliter l'accès aux financeurs, notamment avec un événement comme le Google Launchpad.

Une association et un budget ?

Si la feuille de route précise pour 2016 est en cours d'élaboration (elle sera rendue publique début janvier), une question cruciale se pose déjà : celle de la structuration et du budget de French Tech Toulouse. Sur ce point, les avis divergent.

Pour Benjamin Böhle-Roitelet, il est temps de structurer French Tech Toulouse : "Pour ma part, pour aller plus loin, je ressens la nécessité de créer une structure dédiée avec sa ligne de budget, et d'avoir une vraie gouvernance opérationnelle. Je pousse donc en ce sens."

Plus facile à dire qu'à faire, selon Frédéric Jourdan :

"French Tech Toulouse, ce n'est pas non plus le monde de oui-oui. Il y a en son sein des entités dont les intérêts divergent ou qui sont en concurrence. Personne ne veut être chapeauté par une association ou une scop, chacun veut garder son indépendance.

Mais il y a une vraie question au sujet du budget. Aujourd'hui, il n'y a pas d'argent fléché pour la French Tech Toulouse, tout simplement parce que pour permettre cela, il faudrait une structure juridique qui n'existe pas actuellement. Il y a donc seulement des contributions en nature des différents participants. Cette question est en débat depuis un an."

Daniel Benchimol, président de Digital Place, place la question du budget avant celle des moyens :

"Une association est un moyen, pas une fin. Si davantage de budget il y a, il peut être versé à Digital Place ou à un autre opérateur, là n'est pas la question. Ce qui est certain, c'est que pour que French Tech Toulouse rentre dans une phase plus proactive, il lui faut davantage de moyens, ce qui n'est pas prévu à ma connaissance."

Pour le directeur délégué Philippe Coste, il n'y a pas d'urgence : "Ce n'est pas la structure ou l'argent qui compte, ce sont les idées et notre mobilisation. Créer une structure viendrait en frottement avec ce qui existe déjà, nous n'en avons pas besoin."

Le débat pourrait se poursuivre encore l'année prochaine.

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