Y a-t-il trop d'accélérateurs de startups ?

L'explosion du nombre d'accélérateurs et d'incubateurs de startups est-elle menacée par une nouvelle bulle internet ? Quels sont les modèles économiques de ces structures ? Éléments de réponses à l'occasion d'une conférence organisée le 5 novembre dernier en simultané à Toulouse et Paris, à laquelle participait notamment le Bizlab d'Airbus.
Bruno Gutierres, le directeur de l'Airbus Bizlab, et Fabrice Brégier, dirigeant d'Airbus.

En mars dernier, Airbus lançait le Bizlab, son accélérateur de startups dédié à l'innovation dans l'industrie aéronautique et spatiale. En janvier prochain, la SNCF lancera à son tour le 574, un incubateur interne dédié à l'Internet des objets. Parallèlement, le Connected Camp, l'accélérateur de l'IoT Valley, présentera sa première promotion tournée vers les objets connectés. Ces trois exemples montrent l'engouement autour des structures d'accompagnement des startups. Cette tendance se vérifie aussi bien à Toulouse qu'à Paris ou aux États-Unis. À tel point que certains commencent à craindre aujourd'hui une nouvelle bulle internet qui pourrait bientôt exploser. Cette interrogation a émergé en 2012, quand Facebook arrive sur le marché boursier. De nombreux actionnaires ont porté plainte contre le Nasdaq pour avoir surévalué la valeur des actions du réseau social. Plusieurs experts appréhendent un effondrement des investissements autour des startups.

Faut-il craindre ce phénomène ? Et quel est le modèle économique de ces nouvelles structures? Ces interrogations étaient au cœur de la conférence organisée le 5 novembre par HEC Alumni en simultané à Paris et Toulouse en présence de dirigeants d'incubateurs et d'accélérateurs.

Différents modèles économiques

"Il faut distinguer trois modèles économiques très différents", estime Jean-François Galloüin, directeur général de Paris and Co, un incubateur financé en partie par la Ville de Paris :

"Les incubateurs corporate, adossés à une entreprise, permettent aux grands groupes de lancer une démarche d'Open innovation (une entreprise cherche à faire émerger des technologies à l'extérieur de l'entreprise pour enrichir ses propres processus d'innovation, NDLR). Ensuite, il existe des accélérateurs qui prennent des parts dans les startups à l'image de Techstars aux États-Unis ou de The Family à Paris. Enfin, il existe des incubateurs publics tels que Paris and Co, visant la création d'emplois dans une région".

Mais une fois ces trois grandes catégories dessinées, les modèles économiques varient très fortement d'une structure à l'autre. "Chez OrangeFab, note Marielle Chapin, chef de projet de la structure, l'objectif est de signer, au terme des trois mois d'accélération, des partenariats commerciaux entre les startups et Orange."

De son côté, Airbus Bizlab accueille à la fois des porteurs de projet internes et externes pendant 6 mois. "L'accélérateur se rémunèrera sur la levée de fonds des startups car si nous faisons bien notre travail, les startups que nous accompagnons doivent réussir une levée de fonds", avance Bruno Gutierres, le directeur de la structure. De son côté, Paris and Co fait payer aux startups un loyer et un coût d'utilisation des prestations d'accompagnement.

La crainte de l'éclatement
d'une nouvelle bulle internet

Ces sources de revenus suffiront-elles à ces structures pour perdurer ? Les acteurs du secteur se rejoignent sur un point : toutes les structures ne survivront pas. Certaines ont d'ailleurs déjà fermé.

"Dans les années 90, on a vu émerger des corporate venture (investissement en capital-risque, NDLR). Après l'éclatement de la bulle internet, ils ont disparu. On peut penser que les incubateurs corporate subiront le même sort si une nouvelle bulle internet éclate. Ensuite, les accélérateurs qui prennent des parts dans les startups, type Techstars, investissent au moment le plus risqué. Leur performance moyenne est égale à 0. Plusieurs Techstars sont sur le point de fermer aux États-Unis. Cette fragilité a poussé la Ville de Paris à continuer à soutenir Paris and Co", estime Jean-François Galloüin, qui craint l'éclatement de cette nouvelle bulle internet.

Pour assurer leur succès, certaines structures s'avèrent de plus en plus sélectives à l'entrée de la phase d'incubation. Ainsi "Le Hub, l'incubateur de la banque publique d'investissement (Bpifrance) sélectionne les startups à un stade de maturité déjà avancé avec au minimum 1 million d'euros de chiffre d'affaires ou ayant déjà levé 3 ou 4 millions d'euros concernant les startups biotech", explique Céline Brosset qui dirige la structure.

Vers une concentration
et une structuration des incubateurs ?

De son côté, Paris and Co a décidé progressivement de se concentrer sur les thématiques qui intéressent la ville de Paris (mobilité, smart city) et compte fermer son accélérateur dédié aux jeux vidéos. Se pose en creux la question de l'indépendance des accélérateurs et des porteurs face aux intérêts des groupes ou des collectivités qui financent les structures. Pour Bruno Gutierres, le patronage d'un grand groupe est surtout une garantie : "Aujourd'hui, il serait impossible pour les startups d'un accélérateur indépendant de pénétrer le marché aéronautique, les partenariats avec un industriel sont indispensables".

"Pour être plus fort, il faudrait se structurer, estime pour sa part Éric Tardy, le fondateur d'Axandus, l'incubateur du groupe EFI Automotive. Aujourd'hui, chaque structure a un modèle très différent et cela rajoute du flou. Les startups ont dû mal à se repérer entre les pépinières, les incubateurs, les accélérateurs... À l'heure actuelle, je rencontre davantage de gens qui veulent monter leur accélérateur que de startuppeurs pour les intégrer".

Éric Tardy suggère également des partenariats entre les différents accélérateurs spécialisés dans un secteur dans une même région pour faire émerger de plus grands acteurs, plus visibles.

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