
"Est-ce qu'il est trop tard pour se préoccuper de l'avenir de ce que nous aurons à traiter ?", s'interroge le président-fondateur de la société DSI, Jean-Louis Ribes, en parlant des masques chirurgicaux qui sont jetés chaque jour par des millions de citoyens depuis le début de la pandémie de la Covid-19. Ceux-ci finissent au mieux à l'incinérateur, et au pire dans les océans, alors qu'ils sont pourtant polluants puisque constitués de plastique.
Partant de ce constat et alors qu'une hausse des besoins en produits sanitaires et médicaux s'est faite sentir tout au long de l'année 2020, le consortium Santé-Masques-Cellulose (créé sous l'impulsion du CESER, de la région Occitanie et de la préfecture de région) entend anticiper la réponse industrielle à de futurs besoins en repensant la production française de masques aux niveaux régional et national. Pour cela, cette organisation prévoit la mise en production d'un masque 100% biodégradable en cellulose transformée d'ici 2022.
Un masque écologique plein de promesses
"Imperméable", "respirable", "confortable"... Les adjectifs employés par les dirigeants du consortium qui est derrière cette initiative ne manquent pas. Pourtant, l'élaboration de ce masque "parfait" reste pour l'heure au stade de projet. Effectivement, cette alliance occitane base tous ses espoirs de réussite industrielle sur des projets-pilotes effectués par des entreprises canadiennes et coréennes, en partant du même brevet (déposé par le CNRS).
"À petite échelle, cela marche parfaitement. Maintenant, il nous faut inventer la machine qui nous permettra de le faire à grande échelle", explique Alain Radigales, vice-président du CESER Occitanie.
Cette machine, qui servira au traitement physico-chimique biodégradable de ces masques, permettra de modifier le PH du papier tout en conservant les avantages de confort des masques actuels, que l'on devait porter obligatoirement en extérieur il y a peu encore. Le président de DSI y voit aussi une opportunité de ne plus revivre une situation semblable à celle du début de la pandémie en France, où les masques manquaient à l'appel du fait d'une demande mondiale en explosion.
"Pour construire les masques actuels, il faut faire appel au pétrole, il y a donc une difficulté sur les approvisionnements. Nous proposons donc d'avoir une matière complète, inépuisable, avec de la cellulose transformée, et manufacturée par cette machine sur laquelle DSI s'engage à mener une phase de recherche et développement (R&D)", explique Jean-Louis Ribes, fondateur de la société DSI.
Raison pour laquelle le groupement d'acteurs indique être à la recherche de 400.000 euros pour mener à bien cette phase de R&D, qui ne sera pas externalisée et devrait durer 18 mois. Elle consistera, entre autres, à la création de la machine permettant un traitement du papier à grande échelle. Un à deux millions d'euros seront ensuite nécessaires au développement et à la commercialisation de la solution.
"Il n'y a pas de raison que l'on ne soit pas compétitifs"
Alors que beaucoup d'industriels français ont déjà ralenti voire arrêté la production de masques en anticipation de l'arrêt de son port obligatoire ou en raison de la concurrence asiatique, les occitans, eux, pensent trouver leur place sur ce marché.
"Je pense très sincèrement que le marché est très important à partir du moment où c'est une offre unique. Bien qu'il soit difficile de s'imposer sur le marché industriel, je pense que si l'ensemble des partenaires de ce projet s'y mettent, nous aurons des choses à faire valoir. D'autant que ce sont des thèmes d'actualité : fabrication française, compétitivité, création d'emplois", défend Jean-Louis Ribes, dirigeant de DSI.
Et la fin du port du masque par tout un chacun d'ici à ce que cette innovation soit commercialisée n'effraie pas l'homme d'affaires.
"Cette période nous a permis de nous rendre compte que les gestes barrières permettent d'éviter un certain nombre de pathologies infectieuses. L'utilisation de ces produits va donc s'accélérer, alors que l'on ne sait pas les dégrader. Pour ces raisons, non, je ne pense pas qu'il soit trop tard", complète-t-il.
Un constat partagé par le directeur du développement "Forêt-Bois" de Fibre Excellence, pour qui le prix final n'est presque pas un sujet, du fait d'une compétitivité jugée importante grâce à un coût de la matière première faible et à une réduction des dépenses réalisée grâce au circuit-court.
"Lorsque le premier pilote de ce projet a été lancé il y a un an, nous avons vu que nous avions des coûts de production de l'ordre de quelques centimes qui étaient tout à fait compétitifs avec ce qu'il se faisait déjà sur le marché", raconte le dirigeant Thomas Petreault.
Il indique par ailleurs que les deux premières briques de ce projet sont calibrées et existantes. "C'est sur la troisième brique que nous devrons avoir des capacités d'investissement, et cela constitue une force" pour convaincre les investisseurs, fait-il savoir.
10 emplois nouveaux générés
Car les membres du consortium se sont déjà répartis les tâches. Au premier maillon de la chaîne de production, Fibre Excellence (producteur de pâte à papier) utilisera son usine de Saint-Gaudens pour fabriquer la pâte de cellulose, tandis que les papeteries Léon Martin se chargeront de sa transformation en papier nécessaire à la confection des masques. Une confection à la charge de DSI, qui traitera dans son usine de Carbonne le fameux papier en cellulose, avant de le façonner.
Ainsi, cette combinaison d'acteurs décrite comme "un cercle vertueux d'acteurs régionaux" garanti l'indépendance des porteurs du projet tout en permettant une maîtrise totale de la chaîne d'approvisionnement, de production et de transformation, selon le consortium. À la clé, une dizaine d'emplois pourraient être créés.
Pour mener à bien le projet, le président du CESER Occitanie, Jean-Louis Chauzy, explique qu'il tente de mobiliser les acteurs publics : un dossier READYNOV a été déposé auprès de la région Occitanie, la ministre de l'industrie a été contactée et celle de la Transition Écologique pourrait l'être à l'avenir.
Les acteurs derrière cette initiative indiquent par ailleurs qu'une fois la preuve de concept achevée, ils seront en capacité d'utiliser cette technologie pour d'autres produits médicaux, comme des blouses et des surblouses, mais aussi pour des médicaments. Enfin, des discussions sont en cours avec la société Pylote, à l'origine d'un procédé virucide innovant, afin de proposer une gamme complémentaire aux masques 100% biodégradables.
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