L’alimentation spatiale pour l’exploration lunaire pousse à Toulouse

Une multitude d'acteurs - dont le chef Thierry Marx, la biotech Orius, le Min de Toulouse et le Cnes - viennent d'officialiser un partenariat autour du space farming (agriculture spatiale). L'objectif est de mettre au point un procédé technologique et culinaire qui alimentera les astronautes sur la future base de vie prévue sur la Lune dans le cadre de la mission Artémis. Les détails.
Les astronautes, de futurs cuisiniers sur la Lune grâce à une technologie née à Toulouse ?
Les astronautes, de futurs cuisiniers sur la Lune grâce à une technologie née à Toulouse ? (Crédits : Rémi Benoit)

Les tickets pour aller sur la Lune avec le programme Artémis seront chers, et pas seulement pour les astronautes européens qui partagent cette ambition. Il faudra aussi jouer des coudes concernant les technologies qui composeront la future base lunaire, avec pour objectif d'avoir une présence durable de l'Homme sur notre satellite naturel. "Il y aura aussi une concurrence entre tous les pays européens et autres partenaires de la Nasa, à l'origine du programme Artemis, sur les équipements. Il faudra donc être parfait et incontournable sur tous les points", témoigne Paul-Hector Oliver, le CEO de la startup toulousaine Orius.

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Orius

Avec leur bioréacteur, les trois co-fondateurs d'Orius franchissent un cap dans leur collaboration étroite avec le Cnes (Crédits : Rémi Benoit).

Dans cet esprit, la biotech est à l'origine d'un vaste partenariat et consortium qui a été dévoilé à la mi-novembre à Toulouse, capitale du spatiale. Celui-ci englobe une multitude d'acteurs aux profils bien différents. En plus d'Orius, le Marché d'intérêt national de Toulouse (Min) fait partie du voyage, tout comme le Cnes, l'école d'ingénieur de Toulouse-Purpan, l'université Paris-Saclay et sa chaire de recherche sur l'alimentation du futur, le chef français Thierry Marx et son école "Cuisine Mode d'Emploi(s)". Du beau monde pour un objectif bien défini : concevoir l'alimentation spatiale des astronautes qui iront sur la Lune demain.

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"Intellectuellement excitant"

L'enjeu de ce consortium inédit est simple : tout faire pour que le pays mondialement reconnu pour sa gastronomie soit celui qui alimentera les astronautes qui iront et vivront sur la Lune à terme. "Pour parvenir à cet objectif, nous étions dans l'obligation d'élargir au maximum le partenariat afin de toucher toutes les parties du sujet", justifie Paul-Hector Oliver.

Pour mémoire, tout a commencé au sein de l'incubateur Tech The Moon, dédié exclusivement à l'économie lunaire et dont le Cnes en a la propriété. Dans la promotion 2021, qui était la première de ce nouvel organisme, figurait alors Orius qui a été incubée pendant une année. Cela lui a permis d'adapter les bioréacteurs qu'elle commercialise pour l'alimentation spatiale. Cette machine permet, de manière naturelle et sans produit chimique, de favoriser la culture d'aliments boostés en reproduisant à la demande n'importe quel climat.

"La Lune sera une base intermédiaire pour aller vers Mars. Donc il nous faut sur la Lune une base de vie pour travailler et s'alimenter. Dans ce contexte, nous avons donc contracté un contrat de R&D avec Orius pour voir quelle alimentation spatiale nous pourrions créer sur place. Et ce qui nous intéresse particulièrement avec cette biotech c'est le faible impact énergétique de ses machines quand on sait que dans une mission lunaire tout est rationné", explique Caroline Laurent, la directrice des systèmes orbitaux et opérations au Cnes.

Quant au Min de Toulouse, au-delà d'être une source d'approvisionnement en matières premières pour ce consortium, l'établissement compte également créer un FabLab autour de l'alimentation de demain en s'appuyant sur les travaux menés pour l'exploration lunaire. "C'est intellectuellement excitant d'être associé à un tel projet", se réjouit la patronne des lieux, Maguelone Pontier, qui accueille déjà une cinquantaine de jeunes entreprises sur divers sujets.

Alimentation spatiale

Toutes les parties prenantes du projet étaient réunies à Toulouse, au sein du Min, à la mi-novembre, pour officialiser leur partenariat (Crédits : Rémi Benoit).

Pour ce qui est du tissu scientifique, l'école d'ingénierie de Toulouse-Purpan va par exemple fournir des stagiaires à Orius pour avancer sur ce projet, tandis que la chaire de recherche de Paris-Saclay pilotée par le chef Thierry Marx va mener certains travaux et aussi mettre à disposition ses ressources humaines.

L'enjeu de l'intérêt culinaire

Au-delà de faire bonne figure auprès de l'ESA et de la NASA en associant un maximum de partenaires sur ce projet afin d'être le plus complet possible, ce collectif tient vraiment à obtenir des résultats concrets rapidement. "Nous avons deux années devant nous pouvoir avoir des résultats", souligne Thierry Marx. "Bien que cette coopération soit récente, nous sommes déjà au travail et nous avons eu plusieurs réunions", tient à rassurer Maguelone Pontier.

Thierry Marx

Le chef Thierry Marx compte bien utiliser la cuisine moléculaire dans ce projet (Crédits : Rémi Benoit).

"L'objectif de ce partenariat est de rapprocher la recherche, l'innovation, la médiation scientifique, les producteurs locaux, les chefs et les élèves de lycées et d'écoles d'ingénieurs autour de projets innovants au service de l'alimentation dans l'espace. Du choix de la variété à l'élaboration des recettes en passant par le procédé de production, ce partenariat s'attachera à développer et mener des essais concrets pour concevoir une alimentation à destination des astronautes présents sur le sol lunaire", précise le collectif dans un communiqué commun.

Si Orius a mis au point le procédé technologique pour faire pousser des aliments dans l'espace en collaboration avec le CNES, et certaines recettes, il reste un challenge sur le matériel en tant que tel. "Nous ne pouvons pas emmener sur la Lune 300 kilos d'aluminium. Nous devons alléger notre machine", fait savoir Paul-Hector Oliver. Un point crucial qui explique en partie la présence du Cnes dans le partenariat. Par ailleurs, la forme des repas travaillés aura une place majeure dans le programme de recherche. "Nous, nous savons faire pousser des plantes alimentaires, mais l'alimentation n'est pas notre marché premier. Nous comptons donc sur les professionnels de la restauration pour apporter l'intérêt culinaire et le goût à nos recettes pour les astronautes", poursuit l'entrepreneur. Aujourd'hui, les voyageurs de l'espace embarquent avec eux à chaque lancement de mission leur alimentation déjà prête et sous vide. Avec l'ambition de produire en terrain "hostile" de la nourriture, autrement dit le space farming, c'est donc une véritable révolution dans l'alimentation spatiale qui se prépare à Toulouse.

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