« Nous avons tous les trois un point de vue sur la question citoyenne du climat et de l'écologie. Tout part de l'idée selon laquelle chaque secteur d'activité doit prendre en compte l'enjeu climatique et écologique », explique Julien Grandchamp, cofondateur de la boutique d'optique Origine, située au 12 rue Bayard à Toulouse, à La Tribune.

Avec Caroline Gelinier et Bastien Picot, ils ont ouvert en juillet 2022 le premier commerce en France qui est consacré à la vente de lunettes écoresponsables et presqu'exclusivement fabriquées en France. Les trois professionnels de la monture se sont rencontrés à l'Institut Supérieur d'Optique de Toulouse durant leurs études. Il se trouve que l'établissement est toujours situé dans la même rue que leur commerce, une coïncidence qui les faits sourire.

Forts de leurs expériences passées, marquées par la grande distribution optique et des boutiques indépendantes, ils ont pris la décision de s'associer en fin d'année dernière pour ouvrir une boutique qui leur permette d'allier rentabilité et mise en oeuvre de leurs valeurs écologiques. Une démarche qui surprend une partie de leur clientèle, puisque ce secteur d'activité communique peu sur son impact environnemental.

Une première à l'échelle nationale

La boutique a été réalisée par le studio d'architecture toulousain Adekwat Achitecture (Crédits : Rémi Benoit).

Pour montrer l'exemple à ses confrères et convaincre de sa bonne volonté, le commerce a été réfléchi dès sa conception pour que sa promesse de vente s'accompagne de symboles forts.

Le lieu a par exemple été aménagé de sorte à ce qu'il soit approvisionné en énergies renouvelables, les plans de travail ont été fabriqués en bouchons de bouteille recyclés, et les anciennes montures des clients peuvent être confiées à Origine pour connaître une seconde vie. Quant aux lunettes neuves, celles-ci sont fabriquées avec des matériaux biosourcés comme le bois, les coquillages ou la fibre de coton.

Pour accroître leur capacité de différenciation et d'exemplarité, les trois dirigeants ont aussi fait le choix de s'équiper du système de filtration d'eau pour meuleuse d'opticien NeimO, fabriqué en Normandie. Un opticien consommerait effectivement entre 20 et 30 litres d'eau pour meuler les verres d'une paire de lunettes, cela afin de les refroidir.

Pour 4.000 euros, l'entreprise peut désormais se targuer de réutiliser de l'eau usagée, et d'économiser de cette façon jusqu'à 100.000 litres d'eau par an, sur une moyenne de dix montages par jour. « C'est un investissement rentable pour la planète, mais qui ne l'est pas économiquement. L'idée était de démontrer notre engagement, et de convaincre les autres opticiens de s'y intéresser », explique le commerçant, qui redoutait d'être accusé de green-washing (image trompeuse de responsabilité écologique) avant l'ouverture de l'enseigne.

Origine France Garantie, des lunettes jusqu'aux verres

Excepté une collection, toutes les marques commercialisées par Origine fabriquent leurs produits en France (Crédits : Rémi Benoit).

Cette inquiétude a aussi nourri la volonté de promouvoir l'artisanat français, à travers des collections certifiées « Origine France Garantie ». Ce label certifie que la fabrication du produit a été effectuée en France, et que les caractéristiques essentielles du produit sont issues du territoire.

Sur les onze marques vendues chez Origine, dix en sont titulaire. C'est notamment le cas de l'entreprise toulousaine « La Brique et la Violette », que le commerce de la rue Bayard affectionne tout particulièrement.

« Le choix des marques que nous commercialisons a été assez facile parce qu'il n'y a pas beaucoup d'artisans qui fabriquent en France dans notre secteur d'activité. Un opticien 'classique' met en vente des produits presqu'exclusivement fabriqués en Chine. Cela n'a pas d'intérêt de fabriquer des montures avec du plastique écosourçé si c'est pour fabriquer en Asie [...] En lunetterie aussi, on peut faire des choix responsables ! », défend Julien Grandchamp.

Ainsi, seule la collection italienne 'Sea 2 See', qui a pour spécificité l'utilisation de plastique repêché en Méditerranée, fait office d'exception. Pour ce qui est des verres, Origine fait appel au verrier Novacel, situé dans l'Aisne, y compris pour les verres progressifs et unifocaux, habituellement fabriqués à l'étranger.

Un investissement de 200.000 euros

Ces nombreux engagements en faveur de l'environnement et de l'artisanat français viennent sans surprise alourdir les investissements dégagés pour l'ouverture du commerce, de l'ordre de 200.000 euros. D'après Caroline Gelinier et Julien Grandchamp, Origine aurait eu un coût 10 à 15 % moins élevé sans son positionnement écoresponsable. Pour autant, ses résultats financiers pour les mois de juillet, août et septembre 2022 sont encourageants.

« Nous avons atteint notre point mort en juillet et en août alors que ce sont des petits mois et que le commerce vient d'ouvrir. Nous avions atteints ce même palier au 15 du mois de septembre. Nous sommes donc très satisfaits de ces premiers résultats, puisque c'est une aventure émouvante dans laquelle nous risquons de l'argent, et nos carrières. C'est rassurant ! », se réjouit le cofondateur.

Origine se fixe pour objectif d'atteindre un chiffre d'affaires annuel de 240.000 euros dès 2023. Si le commerce atteint ce résultat, les trois amis n'excluent pas l'ouverture d'une autre boutique Origine, et à terme, le lancement de leur propre gamme de lunettes. Ecoresponsables et made in France, bien sûr !