Octavie, nom de code pour une révolution des trajectoires aériennes ?

Sept partenaires, dont Thales et deux PME toulousaines, se sont associés dans le projet Octavie, qui consiste à façonner un système d'information et de communication avec pour objectif d'optimiser les opérations aériennes et réduire leur empreinte environnementale. Récemment, deux vols Paris-Toulouse d'Air France ont testé cette technologie, avec des "résultats prometteurs", selon le collectif. Les détails.
Avec le projet Octavie, les deux pilotes retrouvent une certaine responsabilité dans la gestion du vol.
Avec le projet Octavie, les deux pilotes retrouvent une certaine responsabilité dans la gestion du vol. (Crédits : <small>DR</small>)

"Nous devons rendre l'avion encore plus acceptable socialement et pour cela, on doit le décarboner", sait pertinemment Yannick Assouad, l'ancienne directrice générale de Latécoère et nouvelle directrice adjointe des activités Avioniques de Thales.

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Au-delà des SAFE, des nouveaux moteurs ou encore des futurs avions annoncés comme bas carbone, le nouvel employeur de Yannick Assouad mise ainsi sur l'optimisation des opérations aériennes. "En jouant sur celle-ci, nous pouvons gagner jusqu'à 10% sur notre consommation de carburant et donc autant de rejets d'émissions de CO2 en moins, sans oublier les gains sur les effets non-CO2 comme les traînées de condensation formées au passage des avions dans le ciel", poursuit la dirigeante.

Le sous-traitant aéronautique, qui vient d'annoncer 4.000 recrutements en France en 2022, a ainsi formé il y a quelques temps un consortium autour d'un projet dénommé Octavie. En 15 mois de recherche, celui-ci, d'un montant total de 1,4 million d'euros (dont 50% apportés par le conseil régional d'Occitanie sous forme de subvention), doit permettre une véritable révolution de l'espace aérien européen. Une somme minime face à l'enjeu semble-t-il, mais avec lesquelles des premières avancées sont au rendez-vous.

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Des PME toulousaines à la manoeuvre

Alors qu'il y a encore pas longtemps, l'écosystème se permettait d'imaginer des vols avec un seul pilote à bord et non plus deux, imaginez un processus qui redonne pleinement du sens à leurs expertises. Imaginez un processus, qui repose sur des moyens de communication digitaux, dans lequel les pilotes proposent des opérations d'optimisation de vol afin d'atténuer l'empreinte environnementale du vol dont ils ont la responsabilité. Au tour ensuite des opérateurs chargés de la gestion du trafic aérien (ATM) d'accepter ces suggestions reçues, totalement ou en partie, en tenant compte du trafic ou de la météo, afin que les pilotes puissent modifier leur plan de vol en tenant compte de ces autorisations. Puis, par exemple, le duo de pilotes d'un vol pourra opérer une descente continue à l'approche de l'aéroport d'arrivée plutôt qu'une descente hachée, moins génératrice d'émissions polluantes.

"L'origine de cette volonté c'est la double crise covid-19 et climatique. Pour ce faire, nous allons utiliser des technologies que nous maîtrisons déjà. Ces 10% d'économies en émissions de CO2 sont à portée de mains et nous allons optimiser les opérations aériennes grâce à une meilleure coordination entre tous les acteurs avec des moyens digitaux", explique Denis Bonnet, directeur de l'innovation pour les activités avioniques de Thales.

Tout d'abord, le projet Octavie - pour Optimisation Collaborative du Transport aérien vis-à-vis de l'Environnement - repose sur Flight Footprint, un outil de mesure des polluants d'un vol imaginé par Thales en étroite collaboration avec le laboratoire DLR, l'équivalent allemand de l'Onera, et le soutien de la fondation Solar Impulse. "L'idée est de savoir d'où nous partons et observer quels effets ont nos futures stratégies d'optimisation de vol", commente Yann Meyer, le responsable de l'équipe "Green Aviation" chez Thales.

Par ailleurs, CGX Aéro, une PME toulousaine impliquée dans le projet et spécialisée dans le développement de solutions pour les systèmes d'information géographique dans l'aéronautique, a mis au point un nouveau logiciel de gestion de l'espace aérien permettant ces optimisations et consistant à la matérialisation du concept "Green Flag".

"Le concept Green Flag, élaboré par Thales, la DSNA et Air France dans le cadre de l'étude Provert, consiste pour une autorité de contrôle aérien à classifier certains espaces aériens comme "Green Flag" en période de trafic modéré. En coordination avec le contrôle aérien, les pilotes empruntant ces espaces peuvent pleinement exploiter les pratiques d'éco-pilotage, consistant à optimiser les paramètres du vol (route, altitude, vitesse) pour limiter au maximum la consommation de carburant, et donc les émissions de gaz à effet de serre", explique le consortium dans une communication commune.

"Des résultats prometteurs" sur deux vols Paris-Toulouse

Dans le cadre du projet Octavie, le logiciel développé par CGX Aéro se matérialise par des cartes avec des zones vertes, dans lesquelles les opérations d'optimisation de vol sont possibles, et des zones rouges dans lesquelles cela est impossible. La présentation est similaire à l'échelle de créneaux horaires et jours afin d'identifier les périodes de trafic modéré qui permettent de telles initiatives afin de maintenir les distances de sécurité nécessaires avec les aéronefs environnants. Un autre écran permet de recenser toutes les demandes d'optimisation de vols de la part des pilotes. De plus, une autre PME toulousaine, Atmosphère, spécialisée par les communications satellites, a mis au point un système de communication sol-air autonome pour véhiculer ces informations dans le cadre de cette expérimentation. "Tout l'enjeu d'un tel outil est tout d'abord de ne pas alourdir la charge de travail des contrôleurs aériens", tient à souligner Marc Chiesa, le patron de CGX Aéro.

Pour le vérifier, et grâce à la présence de la compagnie Air France dans le consortium d'Octavie, ce système d'optimisation des vols et ses outils digitaux ont pu être testés sur deux vols Toulouse - Paris Orly le 29 mars et le 4 avril.

"Ces vols ont démontré la pertinence du concept Green Flag avec une réduction effective de l'empreinte environnementale tout en maintenant des altitudes et des distances géographiques optimales. L'échange facilité d'informations au cours des vols a permis aux contrôleurs aériens de maintenir plus longuement les appareils en croisière et aux équipages de préparer au mieux leurs approches en descente continue pour réduire la consommation des moteurs. Les résultats prometteurs de cette première expérimentation en vol, nécessitent d'être consolidés afin d'intégrer Green Flag de manière pérenne et à grande échelle, dans un contexte de trafic dense, dans les processus et solutions digitales des contrôleurs aériens", fait savoir le consortium français.

Sans pour autant préciser la réduction des émissions polluantes sur ces deux vols, ce groupement - composé de Thales, Air France, Atmosphère, CGX Aéro, le Cerfacs, DSNA et l'Onera - pense déjà à l'étape d'après avec une expérimentation à l'échelle européenne de ce logiciel d'optimisation des opérations aériennes.

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