Exclusif. Qu'est-ce-que l'écotrain, prochainement testé à Albi ?

EXCLU LA TRIBUNE. Accompagné financièrement par le plan France 2030, le projet "Écotrain" pourrait être la solution technologique pour relancer l'exploitation des petites lignes ferroviaires désaffectées. Mené par un consortium d'industriels, ce projet se présente comme un petit train léger, autonome et électrique, capable de transporter des voyageurs tout comme du fret. La technologie va être testée en Occitanie et plus précisément sur une ligne pilote entre Albi, Saint-Juéry et Puygouzon (Tarn).
Le projet Écotrain, du nom de ce train léger, autonome et électrique, va voir le jour à Albi.
Le projet "Écotrain", du nom de ce train léger, autonome et électrique, va voir le jour à Albi. (Crédits : DR)

Et si la révolution du transport ferroviaire n'était en réalité pas le train à hydrogène, ou encore moins le train hybride ? Mais plutôt des trains au design totalement repensé, à l'image de ce que l'avionneur Airbus avait présenté en 2020, avec son concept d'aile volante ? L'idée semble faire son chemin avec le projet "Écotrain", né en 2018.

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Dans les faits, cette appellation cache un petit train de 14 mètres de long, d'une largeur de 2,65 mètres et d'une hauteur quasiment similaire. Cette navette sur rail sera ainsi capable de transporter simultanément 32 personnes assises, à une vitesse de 70 à 100 km/h. L'Écotrain aura également une version "microfret", capable de transporter jusqu'à cinq tonnes de marchandises par véhicule. Aussi bien en version fret, que transport de voyageurs, le voyage sera totalement décarboné.

"Chaque écotrain sera totalement électrique et alimenté par des batteries. Surtout, l'idée est d'avoir un réseau autonome sur le plan énergétique avec des points d'arrêt équipés, chacun, d'un hangar photovoltaïque pour assurer cette alimentation en énergie", présente à La Tribune Philippe Bourguignon, le porteur de projet, notamment passé par Engie au cours de sa carrière et aujourd'hui également impliqué au sein de Railcoop.

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"L'idée est d'avoir une technologie frugale", ajoute Norbert Feraud, le coordinateur scientifique du projet "Écotrain" et le directeur adjoint Recherche et Innovation de l'école IMT-Mines d'Albi, associée au projet. Équipé de radars, caméras et caméras thermiques, ce nouveau mode de transport autonome (et donc sans chauffeur) promet un rejet de seulement deux grammes de CO2, par kilomètre et par voyageur, contre 180 pour la voiture thermique ou cinq grammes pour le TGV. "Dans le monde, il n'y a aucun transport moins polluant", assure même Philippe Bourguignon.

Des coûts de maintenance plus faibles ?

Au-delà de son aspect écologique, ce futur mode de transport se démarque par son poids. Selon le porteur de projet, "une rame Écotrain ne pèsera que 14 tonnes contre 63 pour une rame ferroviaire classique". Et c'est bien là l'un des aspects clés de ce concept. "Son poids relativement minime par rapport aux autres modes de transport ferroviaire permettra de réduire de manière colossale les investissements de maintenance sur les lignes", promet Philippe Bourguignon. Un tel écart de poids permettra d'éviter, ou dans le pire des cas retarder, certaines opérations de maintenance très coûteuses notamment au niveau des ouvrages d'arts, allongeant ainsi de fait la durée de vie des lignes ferroviaires sans opération d'entretien.

"Cette technologie vise à réduire les coûts d'entretien et de remise en état des lignes ferroviaires par le recours à des matériels roulants plus légers. Les infrastructures ne nécessiteraient que peu d'investissements supplémentaires en matière d'automatisation de conduite, l'ensemble des systèmes, dispositifs et capteurs étant embarqués au sein des véhicules eux-mêmes. Enfin, avec un prix d'acquisition attendu des véhicules très significativement inférieur à ceux des matériels ferroviaires classiques et un coût marginal de circulation très faible, ces solutions proposent un modèle économique permettraient de concilier un coût de fonctionnement faible et une offre ferroviaire dense et de qualité", résume le conseil régional d'Occitanie sollicitée par La Tribune, associée au projet "Écotrain" et qui a même voté en fin d'année 2021 une résolution de soutien en ce sens.

Si la collectivité s'est positionnée sur le projet, c'est qu'elle y voit un moyen technologique de relancer l'exploitation des dessertes ferroviaires fines désaffectées de son territoire, plus communément appelées les "petites lignes". En Occitanie, le "marché" des petites lignes désaffectées est évalué à 2.900 kilomètres. "Un tiers est fermé, un autre est déféré mais réaménageable et un dernier tiers a été transformé en route ou voie verte. Nous, avec l'écotrain, nous visons le premier tiers, qui représente des voies peu ou mal utilisées", précise Philippe Bourguignon. Autre point aspect technique qui justifie ce positionnement, ce concept de train léger ne peut circuler sur les grandes lignes du réseau ferroviaire national car l'Ecotrain fonctionnera en s'appuyant sur des règles de sécurité comparables à celles du tramway. Celles-ci ne lui permettent pas, pour le moment, d'emprunter les grandes lignes du réseau.

D'autres projets en concurrence

Devant tant de promesses technologiques, le gouvernement a décidé de soutenir le projet à travers l'appel à manifestation d'intérêt "Digitalisation et Décarbonation du Transport Ferroviaire", organisé dans le cadre du plan France 2030. Ainsi, le consortium mené par les sociétés Stratiforme et Socofer - mais également composé de Clearsy, Celad, Syntony, l'école IMT Mines d'Albi, Arcadis, la région Occitanie et le groupe La Poste - a obtenu huit millions d'euros de subventions grâce à cette marque d'intérêt gouvernementale. "Il nous faut une trentaine de millions d'euros d'investissement au total pour financer le développement du véhicule et ce budget n'est pas encore totalement bouclé", fait savoir Michel Colombié, un entrepreneur régional associé au projet écotrain, très impliqué sur les questions de transport et notamment à la tête de l'Observatoire régional des transports (ORT) en Occitanie.

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Dans le cadre de l'AMI de France 2030, qui a rendu son verdict à la mi-mars d'autres projets similaires ont également bénéficié du soutien du gouvernement pour un montant de 75 millions d'euros, en l'échange d'un total de 185 millions d'euros d'investissement par les cinq lauréats. Parmi eux, en plus de l'écotrain, le groupe SNCF a par exemple été retenu pour son projet "Draisy", mené dans les régions Grand-Est et Hauts-de-France avec l'industriel Lohr mais aussi des PME comme IBS. Électriques et destinés à des lignes ferroviaires de moins de 100 kilomètres, ces trains moins imposants que les TER, mais pas autonomes contrairement à l'écotrain, se rechargeront eux aussi en gare, tout en offrant une capacité de 80 places dont 30 assises. La SNCF a également été retenue pour le projet "Flexy", qui se présente comme une voiture de neuf places capable de circuler à la fois sur route et sur rail, avec un lancement de service prévu en 2026. En attendant, cette technologie, qui doit avoir une ligne pilote dès 2024, fera l'objet de divers tests et essais sur le ferrocampus de Saintes (Charente-Maritime).

Jusqu'à 5.000 voyageurs par jour et par ligne

Pour ce qui est de l'écotrain, celui-ci fera ses gammes en Occitanie, et plus particulièrement sur le territoire d'Albi, qui élabore actuellement son futur centre européen des mobilités nouvelles dont ce projet de train léger en sera une pierre angulaire.

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"La technologie va être testée sur les lignes Albi-Ville - Saint-Juéry  et Albi-Ville - Puygouzon. Aujourd'hui, ces lignes sont complètement désaffectées et mènent d'un côté au bout d'une voie verte, qui pourra nous permettre de tester de la multimodalité", présente Michel Colombié.

Dans les faits, le conseil régional d'Occitanie va financer la remise en état, au niveau des infrastructures, de ces deux petites lignes. La première citée, de onze kilomètres,  permettra de tester et certifier l'exploitation de l'écotrain, tandis que la seconde, de quatre kilomètres qui mène à une piste cyclable, accueillera le centre de tests sur son tracé.

Par ailleurs, les avantages de cette ligne ferroviaire est qu'elle se situe à proximité immédiate de l'école IMT Mines d'Albi, point important pour l'établissement qui a à sa charge la coordination scientifique du projet. De plus, une réserve foncière sur le tracé a été repérée et cédée par la CCI du Tarn et celle-ci accueillera le futur centre de déverminage (centre de tests). Si tout se passe comme prévu par les porteurs de projet, les premiers tests en conditions réelles devraient avoir lieu sur cette ligne avant 2025 voire 2024, pour une commercialisation en 2026.

Dans l'esprit du consortium "Écotrain", ce futur train léger devra ainsi circuler de manière autonome de 6 heures à 23 heures, avec une navette toutes les 30 minutes dans les deux sens de circulation, mais sur voie unique avec un croisement tous les 12 kilomètres. Ce qui pourrait permettre de transporter entre 500 et 5.000 voyageurs par jour sur chaque desserte fine équipée de cette technologie. En plus de certaines régions françaises et quelques villes étrangères qui ont partagé leurs intérêts, le gestionnaire du réseau ferroviaire en Belgique, Infrabel, se montre aussi très intéressé par le développement du train léger occitan.

Un autre projet de train léger en Occitanie

Bien qu'engagé pleinement dans le projet "Écotrain", le conseil régional d'Occitanie soutient également un autre projet de train léger et innovant sur son territoire, "Flexmove". Celui-ci est mené par AKKA Technologies et la SICEF (Société d'Ingénierie, de Construction et d'Exploitation de la Ferromobile), avec des partenaires industriels dont Alstom et Systra, et l'Université Gustave Eiffel. Également soutenu par l'AMI France 2030 du gouvernement, comme l'Écotrain, "Flexmove" se présente comme une voiture capable de circuler sur route et rail. L'engin pourrait être testé entre Limoux et Carcassonne.

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