"En France, 40 % de l'eau utilisée dans un foyer est dédiée à la douche et seulement 1 % pour boire", déplore Simon Buoro. À partir de ce constat, il fonde, en 2018 avec Antoine Escande, la startup Ilya ("Il y a un monde meilleur à bâtir"), qui met au point des solutions réduisant l'impact environnemental des gestes du quotidien. La première problématique sur laquelle se sont penchés ces deux ingénieurs diplômés de l'INSA de Toulouse est la forte consommation d'eau et d'énergie de la douche.
Cycle vertueux
Dans un système de douche classique, l'eau est pompée dans un premier temps puis acheminée jusqu'à la maison où elle est chauffée à une température de 40 °C et évacuée dans les égouts après un passage de quelques secondes sur le corps, alors qu'elle est très peu polluée. La "douche cyclique", mise au point par la startup toulousaine, va récupérer l'eau avant son évacuation dans les égouts grâce à une pompe, la filtrer, la stériliser et la réchauffer à une température ambiante pour la réintroduire dans le système de douche. En clair, la même quantité d'eau est utilisée en boucle et recyclée au fur et à mesure que l'usager prend sa douche.
"À la fin de la douche, l'eau est définitivement évacuée. Le fait d'avoir une eau qui est toujours en mouvement évite d'avoir une cuve de stockage sur le système et limite la propagation de champignons et bactéries. Cela a aussi un impact sur le frein psychologique de l'utilisateur, qui pourrait hésiter à se doucher avec l'eau de la veille ou d'un autre", explique Simon Buoro, co-fondateur d'Ilya.
Cette innovation permet de faire des économies non-négligeables. La douche cyclique nécessite cinq à dix litres d'eau par douche contre "60 à 80 litres" consommés lors d'une douche classique d'une vingtaine de minutes, ce qui représente une économie de près de 90 % d'eau. Une économie de 80 % d'énergie est également réalisée lors du réchauffage de l'eau.
Une date de commercialisation incertaine
Pour l'instant, l'outil est en phase de prototypage. Les deux concepteurs effectuent des tests en laboratoire notamment pour trouver un filtre capable d'éliminer tous les résidus, mais aussi pour réduire la taille et le coût du dispositif. "Lors des essais, nous prévoyons de tester notre filtre sur de l'eau très sale qui pourrait contenir de l'urine, du sang ou de la boue", précise le co-créateur de la douche cyclique. La date de commercialisation ne sera connue qu'à la fin de ces essais.
"Nous voulons être sûrs que l'impact global, de la fabrication au recyclage en passant par l'utilisation, soit réellement positif pour l'environnement. Le prix sera fixé selon la technologie et l'amortissement permis au fil du temps. Il ne doit pas être plus élevé que la consommation classique d'une douche."
Une fois au point, Ilya envisage de vendre son système à des professionnels tels que des hôtels, campings ou salles de sport où la consommation en eau due aux douches est très élevée. La jeune pousse n'exclut cependant pas l'idée de proposer, un jour, la douche cyclique à des particuliers.
Afin de commercialiser au plus vite sa solution, Ilya devrait effectuer une levée de fonds dans un futur proche. Jusqu'à présent, la R&D a pu être financée grâce à des concours ou des subventions.
"Les fonds que l'instant vont forcement s'épuiser. Nous recherchons des partenaires sur les parties compétences, hébergement des essais et financements qui pourront avoir un apport technique, intellectuel ou matériel", évoque Simon Buoro.
Afin d'accéder plus vite au marché, financer la recherche et développement et se faire connaître des utilisateurs, la jeune entreprise toulousaine prévoit de commercialiser dés 2020 un système qui permet de mesurer la consommation en eau et énergie d'une douche.
"C'est un capteur qui est installé près du mitigeur de la douche et qui va sensibiliser l'utilisateur sur sa consommation. Contrairement à la douche qui est plus complexe en termes réglementaires et techniques, ce système est beaucoup plus simple et rapide à fabriquer et lancer sur le marché", ajoute Simon Buoro.
Une préoccupation gouvernementale
Ces premiers projets devraient être facilités par le plan national pour encourager les économies d'eau, dévoilé le 1er juillet par le gouvernement. "L'eau, c'est l'un des combats prioritaires dans l'action écologique", avait alors déclaré l'ancien ministre de la Transition écologique, François de Rugy, lors de la présentation de mesures censées permettre une meilleure gestion de l'eau, en évitant notamment le gaspillage. L'une d'elles veut notamment inciter les collectivités à mettre en place une tarification modulée de l'eau où les gros consommateurs paieront plus.
"Nous nous dirigeons vers une période où l'eau sera une denrée précieuse. Cela va obliger le gouvernement à prendre des mesures pour faciliter l'accès à des solutions comme la nôtre et peut-être assouplir la réglementation. En juillet, nous avons été en alerte sécheresse en Occitanie et plus les années vont passer plus les sécheresses seront importantes. Il ne faut pas attendre dans 10 ans lorsqu'il faudra se limiter à 20 litres d'eau par personne pour se poser la question", espère le jeune entrepreneur.
À terme, Ilya a la volonté de proposer plusieurs solutions sur des problématiques climatiques et environnementales telles que les déplacements ou la consommation d'énergies non-renouvelables et rares.
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