Intelligence Artificielle : Caly, le robot semi-humanoïde testé dans une banque à Toulouse

Pour une durée de six mois, l’agence Jeanne d’Arc du Crédit Agricole 31 sera équipée de Caly, un robot féminin doté des reconnaissances vocale et faciale capable de répondre aux questions des clients : Comment déposer un chèque ? Comment modifier son plafond de carte bancaire ? Nous avons pu tester ce robot. Décryptage.
Caly est dotée de la reconnaissance faciale ainsi que la reconnaissance et la synthèse vocales.
Caly est dotée de la reconnaissance faciale ainsi que la reconnaissance et la synthèse vocales. (Crédits : Rémi Benoit)

"Bonjour, je suis Caly un robot expérimental là pour répondre à vos questions. Quelle est votre question ?" Il s'agit d'une première en France. Depuis le 5 avril dernier, les clients de l'agence Jeanne d'Arc du Crédit Agricole 31, située Place Wilson à Toulouse, sont accueillis par Caly, un robot féminin.

Du haut de ses 1,40 m, elle détecte les visages des visiteurs présents autour d'elle grâce à des capteurs placés au niveau de ses yeux et entre en contact visuel avec eux et se lance dans une conversation. Elle est dotée de trois mécanismes de l'intelligence artificielle, à savoir, la reconnaissance faciale ainsi que la reconnaissance et la synthèse vocales. Elle est ainsi capable de comprendre et de répondre de vive voix à des questions assez récurrentes au sein d'une banque telles que la commande de chéquier, l'augmentation du plafond de sa carte bleue, le dépôt de chèques, la déclaration de perte ou de vol de sa carte bancaire, l'ouverture d'un compte bancaire, etc.

Caly est dotée de la reconnaissance faciale ainsi que la reconnaissance et la synthèse vocales

Depuis le 5 avril dernier, les clients de l'agence Jeanne d'Arc du Crédit Agricole 31, située Place Wilson à Toulouse, sont accueillis par Caly (Crédits : Rémi Benoit).

Nous avons pu tester ce robot. Quand un client lui indique qu'il a rendez-vous avec un conseiller : "Avec qui avez-vous rendez-vous ?", lui répond Caly. "Julie", lui indique le client. zIl y a deux Julie dans cette agence, quel est le nom de famille de votre conseillère ?" Lorsque le client lui indique le nom de famille de sa conseillère, Caly envoie une alerte de présence à celle-ci. "Très bien, votre conseillère a été prévenue de votre arrivée et va bientôt vous recevoir, vous pouvez patienter dans la salle d'attente. Voulez-vous savoir autre chose ?", conclut le robot.

Presque comme un humain, le robot dispose d'un langage corporel et bouge les bras quand il s'adresse à quelqu'un tout en le suivant du regard. "Je ne vous vois plus", indique Caly quand elle perd de vue son interlocuteur. "Je ne crois pas avoir compris votre question, vous pouvez la répéter s'il vous plaît ?", demande-t-elle lorsqu'elle n'arrive pas à déchiffrer une phrase. Quand c'est l'humain qui n'arrive pas à comprendre, il peut également lui demander de répéter une information.

Lorsque Caly est incapable de répondre à une question ou de fournir une information complémentaire, elle redirige son interlocuteur vers un conseiller bancaire. Contrairement à d'autres robots, elle ne fait pas appel à une tablette tactile comme mode d'interaction, mais seulement au langage 100 % vocal.

Une expérimentation de six mois

Ce robot semi-humanoïde (se rapprochant de l'apparence humaine) a été conçu par le dévelopeur de chatbots toulousain, Inbenta France, et par Cyberdroid, une société basée à Limoges spécialisée dans la fabrication de robots humanoïdes.

Caly est dotée de la reconnaissance faciale ainsi que la reconnaissance et la synthèse vocales

Sébastien Devaux, directeur de groupe au Crédit Agricole 31 et Luc Truntzler, fondateur d'Inbenta France autour du robot. (Crédits : Rémi Benoit).

Objectif de cette expérimentation : mesurer l'acceptabilité des robots auprès du grand public, et tester Caly dans un environnement de la vie réelle en dehors des laboratoires. Son coût de fabrication s'élève à 25 000 euros, une somme prise en charge à 50 % par la Région Occitanie.

"C'est une expérimentation qui va durer six mois et qui a pour but de tester trois grandes dimensions. Tout d'abord, l'acceptabilité qui est l'axe le plus important. Si Caly n'est pas acceptée cela ne sert à rien d'aller plus loin. Un chercheur, Didier Tsala, vient faire régulièrement des observations, passer des entretiens avec les visiteurs et les conseillers pour palper ce niveau d'acceptabilité.

Ensuite, il y a une dimension technique. Cela intéresse la communauté scientifique de savoir si nous sommes bons sur toutes les disciplines de l'IA. Enfin, le troisième point est de savoir si dans le cadre de l'agence, Caly apporte ou pas de la valeur ajoutée", explique Luc Truntzler, fondateur d'Inbenta France.

Des fonctions pas totalement abouties

Tous les échanges de Caly sont enregistrés et étudiés par le CeReS (Centre de recherche sémiotiques) et des équipes d'Inbenta, afin d'appliquer les correctifs issus de leurs observations autour de ces trois axes forts. Bien qu'elle ne les réclame pas, si une personne lui communique ses données personnelles de type numéro de carte bancaire ou encore numéro de compte, elle ne les stocke pas. À la fin de l'expérimentation, l'ensemble des données recueillies seront analysées.

"Il y a déjà des conséquences qui ont pu être tirées. Sur la partie de valeur ajoutée, nous avons identifié un cas que nous avions pas anticipé au début : l'annonce de rendez-vous. C'est le service le plus utilisé aujourd'hui par les clients qui s'adressent à Caly au lieu de faire la queue. On s'est rendu compte que selon la météo, la luminosité changeait ce qui rendait la reconnaissance faciale difficile. Par rapport à la reconnaissance vocale, on a dû faire des adaptations par rapport à l'ambiance sonore de l'agence et dans la compréhension de certains noms. Sur la reconnaissance vocale et le traitement d'image, tout ne fonctionne pas parfaitement.

Récemment, il y a eu un problème de manque de contenu, un client a demandé 'Est-ce que mon conseiller est là ?' Et Caly a réagi en précisant : 'Je peux annoncer votre arrivée à votre conseiller'. Sauf que la personne n'avait pas rendez-vous et demandait seulement un renseignement. C'est à partir de certains échecs que nous avons pu progresser. Ce sont ces choses que l'on identifie sur le terrain et pas en laboratoire et qui nous permettent d'imaginer quels seront les usages de cette technologie demain", admet Luc Truntzler.

Un soutien pour l'humain

Durant cette expérience, le premier but de la machine n'est pas de remplacer les conseillers financiers, mais de les épauler dans certaines tâches notamment en cas de forte affluence. De par son emplacement l'agence Jeanne d'Arc connaît un fort trafic et Caly ne passe pas inaperçue. Quel que soit leur âge, les réactions des clients sont souvent les mêmes, amusement et surprise se lisent sur leurs visages lorsqu'ils l'aperçoivent ou entendent sa voix. Souvent, curieux, ils se dirigent vers elle pour entamer une conversation. "La semaine dernière, j'ai eu trois personnes qui ont demandé à faire un selfie avec elle", confie une employée de la banque.

"Par rapport aux clients, il y a deux types de contacts. Certains sont dans la défiance par rapport à l'utilité et à la menace des emplois. Aujourd'hui sur notre périmètre, Toulouse 31, nous engageons entre 20-25 collaborateurs en plus par an. Sur cette agence, nous avons eu un collaborateur en plus cette année, nous sommes 18. On met plus d'humain au contact du client, ce qui fait la différence. D'autres y voient un intérêt et un côté ludique. Ce n'est pas un outil au détriment de l'humain, mais au service de l'humain", explique Sébastien Devaux, directeur de groupe au Crédit Agricole 31.

Une suite incertaine

Caly n'est en effet présente en agence que deux heures par demi-journée, quatre jours par semaine. Son temps d'activité sera augmenté crescendo au fil de l'avancée de l'expérience. Si aujourd'hui elle est immobile, elle verra au fur et à mesure monter ses compétences. Connaissant les locaux et équipée de roues, elle sera capable de se déplacer en autonomie vers le client pour l'accueillir ainsi que l'accompagner lors de certaines procédures comme les dépôts de chèques. Elle pourra également indiquer les différents lieux à l'aide de ses bras.

"L'idée est de tendre petit à petit vers de nouvelles options, notamment les déplacements et la gestuelle. De ce fait, si quelque chose ne fonctionne pas, on sait de quoi il s'agit et on se concentre dessus pour le résoudre. Là, nous avons rajouté le mode selfie par exemple. Le but n'est pas de se surcharger dès le début, mais de faire en fonction des demandes du terrain. Il y avait un risque d'imaginer tout ce que l'on pouvait faire et travailler des heures sur des choses qui ne seraient jamais utilisées en agence", raconte le directeur d'Inbenta France.

Aujourd'hui, la startup ne sait l'usage qu'elle fera de Caly une fois l'expérimentation terminée, et se concentre sur le "bon déroulement" de celle-ci. Spécialisée dans les solutions d'intelligence artificielle, notamment des robots de conversation pour les sites web, Inbenta France a réalisé un chiffre d'affaires de 2,8 millions d'euros en 2018. Cette conception de robot capable de converser à l'oral est une première pour cette entreprise fondée en 2012.

"L'idée est d'être parmi les premiers à vivre ce genre d'expérimentation pour ne pas avoir à les subir demain et anticiper quels sont les bons usages", conclut Luc Truntzler.

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