Horizon Europe : "les sciences ne concernent pas seulement les institutions", plaide Carlos Moedas

La Commission européenne a présenté en mai dernier Horizon Europe, un programme d'un budget de 100 milliards d'euros en faveur de la recherche et de l’innovation, destiné à remettre l’excellence scientifique européenne au centre des préoccupations. L’Esof 2018 (EuroScience Open Forum), la plus grande rencontre sur la science et l’innovation en Europe, qui se déroule en ce moment ( du 9 au 14 juillet) à Toulouse a été l’une des premières occasions publiques de discuter de la proposition, notamment avec l’intervention de Carlos Moeda, mardi 10 juillet. Ce commissaire européen à la recherche, la science et l’innovation est l’un des principaux protagonistes du programme Horizon Europe.
Carlos Moedas, commissaire européen à la recherche, la science et l’innovation est à la tête du programme Horizon Europe.
Carlos Moedas, commissaire européen à la recherche, la science et l’innovation est à la tête du programme Horizon Europe. (Crédits : Commission européenne)

Le 2 mai dernier, la Commission européenne a annoncé, à Bruxelles, Horizon Europe, un programme pour la recherche et l'innovation, pour lequel une enveloppe de 100 milliards d'euros sur une période de 7 ans, comprise entre 2021-2027, a été proposée.

"Au niveau européen, il s'agit du plus grand budget de recherche jamais présenté", atteste Carlos Moedas, commissaire européen à la recherche, la science et l'innovation. 

L'objectif d'Horizon Europe sera de s'assurer que le continent maintienne un niveau scientifique de classe mondiale qui stimule sa croissance économique. Outre le soutien à l'excellence scientifique, le programme vise à renforcer l'attractivité et la compétitivité de l'espace européen de la recherche et de l'innovation dans un environnement international en constante évolution.

"Cela signifie également plus de possibilités pour les régions de tirer le meilleur parti de leur potentiel de recherche et d'innovation. Le programme les aidera à combiner les sources de financement de l'UE pour financer des projets innovants. Les sciences ont besoin d'argent car nous vivons dans un monde où les changements sont permis par la science", avance Carlos Moedas.

"Changer les choses que nous ne faisons pas très bien"

Le programme prévu est structuré autour de trois piliers : la science ouverte, les défis mondiaux et la compétitivité industrielle et enfin, l'innovation ouverte. Le premier pilier comprend le financement de la recherche fondamentale et des subventions pour la mobilité et l'infrastructure de la recherche. Le deuxième pilier regroupe la recherche sur les cinq domaines que sont  : la santé ; la société inclusive et sûre ; le numérique et industrie ; le climat, l'énergie et la mobilité ; et enfin, l'alimentation et les ressources naturelles. Le troisième pilier vise quant à lui à améliorer la production de l'innovation en Europe.

"Nous voulons changer les choses que nous ne faisons pas très bien tout en conservant les choses dans lesquelles nous excellons. Par exemple, nous sommes les meilleurs au monde en matière de recherche fondamentale cela doit donc continuer voire même augmenter. Par contre, nous devons changer la façon dont dont nous finançons l'investissement. Nous ne devons plus financer en fonction de nos attentes mais plutôt des besoins des chercheurs."

Intégrer le public dans la science

Afin que ce futur cadre européen pour la recherche et l'innovation fonctionne, il est essentiel, selon Carlos Moedas, de commencer par ingérer l'ensemble des acteurs, des scientifiques aux gouvernements en passant par les citoyens et simplifier l'explication des "missions" afin d'en augmenter l'impact.

"Nous devons repenser le contrat social que nous avons entre les citoyens, le gouvernement et la science. Les sciences ne concernent pas seulement les institutions. De plus, nous devons lier ce que nous faisons aux gens et créer des moyens pour mieux communiquer aux gens ce que nous faisons dans la science et la recherche européenne. Par exemple, au lieu de dire que nous allons cartographier le cerveau et parler uniquement du procédé, nous pouvons dire que notre mission est de guérir certaines maladies comme la démence ou encore Alzheimer".

L'ouverture et l'accès libre pour éviter une certaine défiance

De plus, il existerait une rupture de confiance de la part de certains États et du public vis-à-vis de la science. Le fait que le gouvernement de Donald Trump n'ait pas nommé de scientifique pour diriger le bureau de la politique scientifique et technologique de la Maison Blanche, traditionnellement la source de conseils scientifiques pour le président, et ait laissé d'autres postes scientifiques clés sans personnel en serait le reflet.

"Cette méfiance constante de la science dont nous sommes témoins ces jours-ci est quelque chose que je n'aurais jamais cru voir. Le gouvernement du pays le plus puissant au monde refuse de nommer un conseiller scientifique en chef. C'est très sérieux", a déclaré le commissaire européen à la recherche, la science et l'innovation aux public de l'Esof 2018.

La ligne de démarcation entre la vérité et le mensonge serait en train de disparaître. 

"Dans la rue, les gens se fichent de savoir si quelque chose est vraie. Ils ne s'en soucient plus. Confondre ce qui est vrai et ce qui n'est pas vrai est probablement l'une des choses les plus dangereuses de la vie", a-t-il déploré.

Face à l'érosion de la confiance, la science doit répondre en devenant plus ouverte et plus convaincante. 

"L'édition scientifique bénéficie d'un système de paiement dans lequel l'Etat finance la plupart des recherches et doit ensuite racheter le produit fini sous forme de revues et d'accès aux bases de données. C'est scandaleux, a déclaré le commissaire. Je veux que la science soit libre d'accès et gratuite pour le lecteur."

Face à la résistance et mécontentement de certains face à l'ouverture au public des résultats scientifiques, Carlos Moedas a annoncé que la Commission européenne  proposera prochainement aux chercheurs et scientifiques de nouveaux modèles commerciaux. Des recommandations et idées seront d'ailleurs en libre accès dans un rapport rédigé par l'ancien directeur général de la DG Recherche, Robert-Jan Smits.

La science ouverte n'est pas le seule solution. Aujourd'hui plus que jamais, il n'a jamais été aussi nécessaire de présenter la science de manière passionnante et imaginative ainsi que de valoriser les personnes derrière les projets et les découvertes avec pour objectif final l'excellence européenne.

"Les équipes de scientifiques doivent être les principaux protagonistes. Si vous êtes un scientifique, vous devez être l'histoire. Le premier vol à charge solaire ne serait rien sans Bertrand Piccard. À travers Horizon Europe, nous voulons rapprocher les européens de la science et faire en sorte qu'ils en soient fiers", a annoncé Carlos Moedas.

Un programme qui débute en janvier 2021

Le début du programme Horizon Europe débutera officiellement le 1er janvier 2021 après l'acheminement de plusieurs étapes. Pour l'instant seule la proposition d'un budget de 100 milliards détaillé qui précise la ventilation des financements du programme leur répartition au sein de chaque pilier a été faite le 7 juin dernier. Horizon Europe concerne les 27 pays membres de l'Union européenne hors Royaume-Uni qui fait face au Brexit. 

Sur la totalité de la somme, 97,6 milliards d'euros proviennent du programme en lui même et les 2,4 milliards d'euros restant du d'Euratom (Communauté européenne de l'énergie atomique). Cette proposition de budget sera négociée durant l'un des nombreux rendez-vous de l'agenda d'Horizon Europe par le Conseil et le Parlement européen.

Calendrier Horizon Europe

Calendrier officiel des différentes étapes du programme Horizon Europe (Source : Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation)

Il est également à noter que ce budget pourrait être revu à la hausse en fonction de la possible intégration d'autres pays au programme. Par ailleurs, malgré le contexte du Brexit, le Royaume-Uni a manifesté son intérêt à faire partie des pays qui participeront à Horizon Europe, une souhait qui pourrait se réaliser.

"Nous essaierons d'être le plus ouvert possible pour avoir des pays associés qui peuvent participer. Nous avons donc défini, ou redéfini un peu, nos règles en termes de pays tiers y compris bien sûr le Royaume-Uni, qui est un excellent partenaire et j'espère que nous pourrons trouver une solution. Mais l'accord est clair : tout pays doit d'abord avoir un accord global avec l'UE. C'est donc la possibilité d'avoir plus d'alliés dans nos projets de recherche et d'innovation", conclut Carlos Moedas.

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