Pierre Moscovici : " Les entreprises du numérique bénéficient de passoires juridiques "

La taxation des entreprises numériques, notamment les GAFA (pour Google, Apple, Facebook et Amazon, nldr), est une ambition européenne de longue date, mais aussi une forte demande de l’opinion publique. En visite à Toulouse lundi 26 février, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et à l’Union douanière, Pierre Moscovici, présentera un projet législatif en ce sens le 21 mars. Il revient pour La Tribune Toulouse sur l’intérêt d’une telle loi. Entretien.
Pierre Moscovici veut que la directive européenne entre en place avant la fin de son mandat en 2019.
Pierre Moscovici veut que la directive européenne entre en place avant la fin de son mandat en 2019. (Crédits : Rémi Benoit)

Pourquoi une loi mettant en place la taxation des entreprises du numérique est réclamée depuis de nombreuses années par l'opinion publique et certains dirigeants politiques de premier plan ?

Pierre Moscovici : Nombreuses sont les entreprises multinationales à bénéficier d'une armée de conseillers juridiques en tout genre et qui bénéficient également de passoires juridiques. L'opinion publique en a assez que ces entreprises ne paient pas d'impôts là où elles créent de la richesse et de la valeur ajoutée. Je souhaite donc que l'on puisse taxer l'économie du numérique à l'échelle des profits qu'elles génèrent.

Où en sommes-nous aujourd'hui dans l'avancée de ce projet législatif ?

Nous en sommes à l'étape de finalisation d'une proposition législative qui sera présentée le 21 mars, qui portera sur ce qu'on appelle la présence numérique, qui consiste à déterminer ce que font les entreprises du numérique sur notre territoire. L'objectif est de trouver un moyen de consolider le prélèvement sur les entreprises européennes sur la base d'une assiette commune. Nous réfléchissons également à des mesures plus ciblées sur telle ou telle partie du chiffre d'affaires de ces entreprises du numérique pour générer des revenus plus rapidement. La finalité recherchée est que ces entreprises numériques payent leurs impôts comme toutes les autres entreprises.

Selon vous, les entreprises du numérique ont un taux d'imposition de 9 % contre 23 % pour les entreprises des autres secteurs. Comment peut-on expliquer une telle différence ?

C'est simplement dû au fait que notre fiscalité des sociétés a été conçue il y a près de 100 ans pour des entreprises qui étaient matérielles, industrielles pour l'essentiel, nationales et localisées. Les entreprises du numérique n'ont aucune de ces caractéristiques. Elles sont globales, mondiales, délocalisées et dématérialisées. Nous n'arrivons pas à identifier là où se trouve l'établissement permanent. Nous devons donc adapter notre fiscalité à cette nouvelle donne économique mondiale.

Pouvons-nous qualifier ces comportements de fraude fiscale, l'un de vos combats prioritaires ?

Non je ne parlerais pas de fraude fiscale, mais il peut y avoir de l'optimisation fiscale avec des législations qui ne sont pas adaptées. C'est pour cette raison que l'on doit se doter d'une législation capable d'appréhender ces flux et de les taxer, taxer ces profits et la valeur de ces entreprises là où elle est créée.

Une fois le projet législatif présenté le 21 mars. Vous entrerez dans un processus de négociation avec les entreprises concernées ? Quel va être le calendrier de mise en œuvre de cette directive européenne ?

Nous travaillons déjà avec les entreprises du numérique dans le cadre de ce projet législatif. Une consultation publique est lancée, j'ai rencontré beaucoup de géants du Net. Ce n'est pas quelque chose que l'on fait dans l'heure. Mais elles ont tout intérêt à participer à ce processus. Ensuite, les États membres devront parvenir à un accord à l'unanimité sur la base des propositions que la Commission fera et que je rendrai publique dans quelques semaines. Je souhaite qu'ils y parviennent vite parce qu'il faut être conscient qu'il y a une pression citoyenne et politique très forte à ce sujet. Je serai très heureux que ce travail s'achève avant la fin du mandat de cette Commission, qui s'achève en 2019.

Comment jugez-vous l'écosystème toulousain sur le numérique ? Vous avez notamment visité le CEA Tech et l'IOT Valley, qui sont des exemples concrets de cet environnement.

Nous sommes ici dans l'un des fleurons industriels français qui valorisent tout particulièrement l'innovation. En ce qui concerne les objets connectés et l'Iot Valley de Labège, c'est une création de valeur massive pour l'avenir. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne encourage ce projet.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.