Startup : Intuilab, ou comment créer une application sans développeur

Basée à Labège, la startup IntuiLab développe et commercialise IntuiFace, une plateforme de création et de diffusion d’applications à destination des non-informaticiens. Vincent Encontre, son PDG veut poursuivre son développement à l’international. Interview.
Vincent Encontre, le PDG d'IntuiLab depuis 2006.
Vincent Encontre, le PDG d'IntuiLab depuis 2006. (Crédits : DR)

Qu'est-ce que la plateforme IntuiFace que vous commercialisez ?

Pour comprendre, nous devons revenir en arrière dans l'histoire d'IntuiLab. À sa naissance en 2002, c'est une entreprise de services, spécialisée dans le développement d'applications IHM (interactions homme-machine) pour le compte de grands groupes, notamment dans l'aéronautique. En 2005, soit deux années avant la sortie du premier modèle Iphone d'Apple, la startup se lance dans la R&D sur le tactile. Je suis arrivé un an plus tard à la tête de la société et j'ai regardé ce qu'on pouvait faire pour démocratiser le développement d'applications numériques, pour tout type de support. En effet, créer une application est un processus qui nécessite toujours d'avoir une équipe de développeurs et d'ingénieurs expérimentés derrière soi. À partir de 2010, IntuiLab a commencé à travailler sur un produit logiciel qui permet à toute personne qui souhaite créer des applications numériques modernes et efficaces, de le faire sans avoir besoin d'une équipe de développeurs. Ce produit deviendra par la suite la plateforme IntuiFace.

Vous soulignez que votre entreprise a lancé son programme de recherche et de développement sur le tactile deux ans avant la sortie du premier Iphone, événement qui va entamer la démocratisation du tactile. Ce changement d'activité chez IntuiLab est donc un pari à l'époque ?

Oui, c'est un pari. En 2005, le tactile et le multi-tactile (aussi appelé le multi-touch) ne sont pas présents dans notre quotidien (vie professionnelle et privée), comme ils le sont aujourd'hui. Nous sommes passés d'un IntuiLab V.1, qui était une entreprise de services, à un IntuiLab V.2, éditeur de logiciels qui a connu ses premiers revenus à ce titre en 2011. Dans le langage des startups, on a réalisé ce qu'on appelle un pivot complet. Ce changement coïncide avec l'entrée à notre capital de deux investisseurs, qui sont Wiseed à la fin de l'année 2010 et Midi Capital au début de l'année suivante, toujours parmi nous aujourd'hui. BPiFrance fait également partie de nos soutiens financiers.

Que permet concrètement de faire la plateforme logiciel IntuiFace?

La force de ce produit est que nous pouvons réaliser beaucoup de choses avec. C'est le client qui s'approprie le produit à sa façon et selon ses besoins. Vous pouvez créer une véritable présentation, très poussée, très interactive avec votre public, beaucoup plus sophistiquée que le PowerPoint. Vous pouvez également concevoir une application d'e-commerce. Tout cela sans écrire une seule ligne de codes, ce langage informatique maîtrisé par les développeurs généralement. La plateforme s'adresse donc à des non-informaticiens qui vont pouvoir créer, sans programmer, des applications numériques interactives multi-supports.

Quelle clientèle visez-vous ?

Aujourd'hui, 50 % de notre clientèle sont des agences numériques (agences de communication et de design), qui se servent de notre produit principalement pour présenter des projets à leurs clients. Nous comptons également parmi nos clients 30 musées comme le Harvard Museum, le Museum d'Arts Modernes de San Francisco, ou bien encore le musée du phare du Cap-Ferret, qui peuvent apporter un supplément à leurs expositions et présenter des œuvres qui ne sont pas dans leurs galeries grâce à notre outil. Des studios de télévisions se servent également d'IntuiFace, pour présenter des informations à leurs téléspectateurs. Enfin, plus surprenant pour nous les Français, une quinzaine d'églises américaines utilisent notre plateforme pour réaliser des présentations elles aussi. Mais cette diversité dans notre clientèle est un choix et elle représente également la diversité des utilisations possibles dont dispose la plateforme. Dès le lancement d'IntuiFace, nous avons voulu ne pas nous cantonner à un seul marché ou une seule industrie.

Combien de clients comptez-vous aujourd'hui et quel est votre chiffre d'affaires ?

Aujourd'hui, IntuiLab compte 1 200 clients. Un chiffre très satisfaisant, pour un revenu récurrent annualisé (ARR) de 2 millions d'euros prévus en 2016. Il faut savoir que l'ARR est la mesure du chiffre d'affaires pour un modèle par abonnement comme le nôtre (chiffre d'affaires du mois de décembre multiplié par le nombre de mois dans l'année).

Quels sont les objectifs fixés en termes de croissance de la clientèle ?

Pour l'année en cours, nous devrions terminer avec une croissance de 60% de notre clientèle et nous tablons sur une croissance similaire en 2017.

À ce sujet, seulement 7% de votre clientèle est française. Comment l'expliquez-vous ?

Dès le début de sa conception, j'ai souhaité un produit à vocation internationale (la majeure partie de notre communication est en anglais) et dans notre domaine, international signifie États-Unis. Cependant, nous nous adressons au monde entier. Mais vous savez, moi j'ai une règle qui dit : si un produit naît à Toulouse, pour s'en sortir et tirer son épingle du jeu en B to B, il faut de suite l'internationaliser (le rendre accessible au monde entier). Toulouse est un très petit marché. Nous serions à Paris, les choses auraient été différentes certainement.

Deuxième particularité, notre clientèle vient par le web. Notre marketing et notre communication sont faits pour que les personnes et donc nos potentiels clients viennent directement sur notre site et achètent notre produit. C'est pour cette raison que nos revenus proviennent entre 85 et 90 % de notre site web, via un achat par carte de crédit. C'est un modèle qui marche très bien, mais qui internationalise forcément notre clientèle et qui donc réduit la part de la clientèle française.

IntuiLab dispose d'une filiale à Boston (États-Unis). Est-il prévu d'en ouvrir d'autres ?

Cette filiale est composée seulement d'une personne (IntuiLab compte aujourd'hui 20 salariés au total, NDLR), qu'on peut qualifier de relais de notre savoir-faire. Mais nous allons à terme développer une importante filiale commerciale aux États-Unis pour creuser plus fortement notre sillon (la clientèle de l'entreprise est à 50% américaine, NDLR). J'apprécie énormément la culture business américaine, qui est basée sur la découverte et l'essai avant de juger, culture que j'ai du mal à retrouver dans d'autres pays.

Y-a-t-il des pays que vous ciblez à l'avenir hormis les États-Unis ?

On aimerait tout d'abord s'ouvrir encore plus à l'Europe et notamment en France. Après, nous sommes très peu présents sur le continent asiatique où nous sommes confrontés à des barrières techniques et culturelles et on aimerait changer cela à moyen terme. Si nous arrivons à s'insérer sur ce marché, il y a là un très fort potentiel.

Vous avez levé 1,3 millions d'euros entre 2011 et 2014. Une nouvelle levée de fonds est à l'ordre du jour ?

Je n'aime pas me projeter à ce sujet tant que cela n'est pas concret. On le voit, les chefs d'entreprises qui disent "on veut lever tant de millions d'euros avant telle date", ne réalisent pas leur souhait dans 60 % des cas. Mais bien sûr, pour nous déployer en Asie et investir dans une filiale commerciale importante aux États-Unis, de nouveaux fonds seront nécessaires.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.