Le numérique va-t-il amoindrir les capacités de lecture des élèves ?

Le numérique n'est pas en train d'appauvrir les compétences des élèves. Beaucoup d'entre eux n'ont jamais autant lu que depuis l'arrivée du numérique. Seulement, il ne faut pas restreindre la lecture au roman, les élèves lisent aussi des commentaires sur Facebook.

Ainsi, sur internet, la navigation n'est pas linéaire et on s'aperçoit que les élèves développent de nouvelles stratégies et de nouvelles compétences. Cela passe par la planification, par exemple. En parcourant plusieurs sites web, pour éviter d'être perdu, je vais devoir mettre des signets, éviter d'ouvrir plus de 4 onglets en même temps... Ce sont des compétences métacognitives, puisque j'apprends à réguler mon activité. Ce n'est pas inné, cela se construit, c'est une compétence typiquement liée au numérique.

Que peuvent apporter les vidéos ou les animations sur tablette dans l'apprentissage ?

Le multimédia peut aider à mieux se représenter un processus dynamique. Mais c'est à double tranchant car cela peut surcharger la mémoire de la personne et aller au-delà de ses capacités attentionnelles : parfois, je ne me souviens plus de ce que j'ai vu précédemment or j'en ai besoin pour comprendre le mécanisme.

Depuis une quinzaine d'années, des chercheurs se penchent sur cette question. Ils constatent qu'en segmentant l'information, en faisant des pauses à certains endroits clés, l'intégration des savoirs se fait mieux. C'est difficile de traiter de l'information en continu pendant 5 minutes, de la comprendre et de s'en souvenir. Ce n'est pas tellement une question de temps mais plutôt une question de découpage qui a du sens pour la compréhension. On va décomposer le processus en sous-étapes qui méritent une consolidation en mémoire.

Vous citez également une étude menée à Lyon montrant que le numérique apporte des solutions encourageantes pour les personnes dyslexiques...

Les personnes dyslexiques ou souffrant d'autres formes de handicap peuvent rencontrer certaines difficultés par rapport à certaines tâches traditionnelles comme l'écriture ou la lecture. Et c'est vrai que le numérique peut proposer des nouveaux formats qui permettent parfois d'éviter les activités qui sont problématiques.

L'apparition du clavier ou l'interaction vocale est également intéressante pour dépasser certaines difficultés psychomotrices. C'est une voie pour le vieillissement. Quand on parle apprentissage, on pense moins aux personnes âgées mais il y a certaines fonctions cognitives qui ne fonctionnent plus correctement avec l'âge. Le numérique sera un outil pour accompagner ces nouvelles contraintes cognitives.

Les robots ou les tutoriels intelligents peuvent-ils remplacer les professeurs?

Les tutoriels intelligents ne marchent pas très bien car l'activité humaine est complexe. Nous mêmes, en psychologie, nous avons du mal à modéliser l'activité humaine. Ce qui marche pour le moment ce sont les QCM. La machine est capable de dire si l'élève a répondu juste ou faux. Le numérique ne va pas venir supplanter l'enseignant, c'est un outil complémentaire puisque les études montrent l'importance du tuteur. Nous le voyons très bien avec l'enseignement à distance à l'université. Il existe des ressources numériques mais les élèves ont besoin aussi de feedback humain et de reconnaissance humaine.