"Les femmes figurent au premier plan de l'information dans seulement 25% des cas"

Les femmes ne sont pas assez représentées dans les médias, elles ont souvent des rôles sexués et les organigrammes des rédactions restent très déséquilibrés. Voici certains des enseignements tirés par le Club de la presse Occitanie à l'occasion d'une étude inédite. Pour remédier à ces inégalités de genre, un annuaire régional des expertes sera dévoilé à Toulouse le 7 décembre lors de l'événement "Elles font l'actu".
La journaliste Catherine Stern est l'une des initiatrices de l'annuaire des expertes.
La journaliste Catherine Stern est l'une des initiatrices de l'annuaire des expertes. (Crédits : Rémi Benoit)

N'importe qui peut le constater en lisant la presse ou en regardant la TV : les femmes sont bien moins représentées que les hommes dans les actualités. Mais l'étude qui vient d'être dévoilée par le Club de la presse Occitanie interroge par l'ampleur des écarts. "Les femmes figurent au premier plan de l'information dans seulement 25% des cas", pointe l'enquête. Dans les 75% restants se sont donc les hommes qui sont mis en avant.

"Par ailleurs, sur 186 photos étudiées, les femmes seules apparaissaient dans seulement 13% des cas contre 40% pour les hommes. Le restant des photos illustrait soit des sujets neutres (un objet par exemple) ou des sujets mixtes (femmes et hommes)", relève Cathy Soun, journaliste à Midi Libre et membre du Club de la presse Occitanie.

Pour parvenir à ces résultats, Hélène Gargallo, étudiante à l'université Jean-Jaurès a analysé au printemps 2017 les publications de quotidiens (20 minutes, La Dépêche Toulouse, la Dépêche Cahors) pendant trois jours, mais aussi l'hebdomadaire Actu Toulouse sur trois semaines, ainsi que plusieurs éditions de France Bleu Toulouse et de France 3 Occitanie. À titre de comparaison, l'étude internationale GMMP (Global Media Monitoring Project) recensait des résultats similaires avec une présence des femmes dans les médias dans 24% des cas.

femmes médias

Des temps de parole déséquilibrés

Le corpus montre aussi que lorsqu'il s'agit de faire appel à un expert, les médias sollicitent une femme dans seulement 17% des cas. Le plus frappant est de comparer les temps de parole dans les médias audiovisuels : les femmes interviennent à peine 16 secondes, contre 27 minutes et 45 secondes pour les experts masculins.

Le temps de parole est beaucoup plus équilibré quand il s'agit d'interroger un simple citoyen (dans un micro-trottoir, par exemple) : 3 minutes 47 pour les femmes et 4 minutes 3 pour les hommes.

temps de parole

Les publications ont été également utilisées pour une observation secteur par secteur de la représentation des femmes. Sur les 23 domaines recensés, "nous pouvons remarquer que les femmes sont absentes de quatre thèmes (culture, solidarité, technologie et société) soit finalement 20% des thèmes de l'actualité", relate l'enquête. Elles sont davantage présentes dans les contenus ayant trait aux thèmes du social, des faits divers et de la sécurité. Le seul domaine où elles sont plus représentées que les hommes est celui de la santé.

Ces disparités sont parfois le reflet de la société, à savoir que les professions d'infirmières ou d'aide-soignantes sont fortement féminisées et qu'inversement les hommes sont beaucoup plus nombreux à devenir ingénieur ou à lancer leur startup.

L'homme "affirme", la femme "raconte en larmes"

L'autre enseignement est que le champ lexical diffère suivant le genre évoqué. "Lorsque les hommes sont introduits, nous remarquons un champ lexical faisant apparaître de l'assurance avec notamment 'indique' ou encore 'assure'. Les termes 'reconnaître','écume' ou encore 'espérer' apportent davantage d'émotion dans l'introduction de l'interview contrairement au lexique qui introduit les femmes", constate l'étude. De même, les journalistes utilisent les verbes "raconter en larmes" ou "répondre simplement" pour les intervenantes féminines.

nuage de mots

nuage de mots

Par ailleurs, sur la base de l'annuaire du club de la presse 2017 (1 200 journalistes recensés), il ressort que seuls 17% des postes de direction en Occitanie sont occupés par des femmes. À noter qu'au poste d'adjointe, le pourcentage grimpe à 32%.

Un annuaire de 420 expertes en Occitanie

Pour remédier aux inégalités de représentativité, 21 journalistes du Club de la presse Occitanie et de l'AJT-R ont planché pendant un an et demi sur la confection d'un annuaires des expertes de la région. L'ouvrage regroupe 420 noms de femmes prêtes à répondre aux sollicitations des médias dans leur domaine de compétence.

"Les journalistes ont tendance à s'appuyer sur leur réseau de contacts, ce guide est un outil pour les aider à sortir de ce réseau habituel", note Céline Cammarata, présidente du Club de la presse Occitanie.

À noter que l'initiative occitane intéresse fortement d'autres réseaux de journalistes et pourrait à terme être décliné dans les régions Hauts-de-France et Val-de-Loire.

L'annuaire sera présenté et distribué à l'occasion de la soirée Elles font l'actu organisée le 7 décembre au cinéma Gaumont Wilson à Toulouse. Au cours de l'événement, interviendront notamment la directrice de la rédaction de BFM TV Céline Pigalle (marraine de la soirée), la créatrice du podcast à succès "Les couilles sur la table" Victoire Tuaillon, le rédacteur en chef de Slate Christophe Carron ainsi que la pigiste de la Tribune Toulouse Israa Lizati, auteure d'un mémoire sur les parcours professionnels des femmes journalistes. Les chercheuses Audrey Dussutour et Marine Gauss seront également entendues. Inscriptions ici.

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