Quand les citoyens prennent en main la transition énergétique

Devenir producteur d'énergies renouvelables en plaçant son argent dans des coopératives citoyennes, en France l'idée séduit et est en plein essor. Dans l'agglomération toulousaine, deux collectifs ont décidé de mettre en place cette initiative en finançant l'installation de panneaux photovoltaïques sur des bâtiments publics.
Le 11 juin prochain, Icea inaugurera sa première centrale photovoltaïque installée sur le gymnase de Donneville.
Le 11 juin prochain, Icea inaugurera sa première centrale photovoltaïque installée sur le gymnase de Donneville. (Crédits : DR)

Utiliser son épargne pour développer des coopératives qui produisent et vendent de l'électricité issue des énergies renouvelables...au pays du nucléaire, l'idée interpelle. Car en matière d'énergie atomique, la France est une championne. En 2017, d'après les données publiées par le Réseau de transport électrique (RTE), 71% de la production d'électricité proviendrait des centrales nucléaires. Celle issue des énergies renouvelables est de son côté bien plus modeste : 18,4% mais partout dans l'Hexagone essaiment des collectifs qui oeuvrent pour faire augmenter cette part dans le mix énergétique français. "Je m'intéressais à la transition énergétique, alors quand des élus de la communauté d'agglomération du Sicoval (située dans le sud-est toulousain, elle regroupe 36 communes ndlr) ont lancé des ateliers de réflexion pour favoriser l'émergence de structures sur les énergies renouvelables, j'y ai tout de suite participé", se remémore Jean-Paul Gardette lorsqu'il évoque les débuts d'Icea (Initiative citoyenne pour une énergie alternative).

Energie citoyenne

Icea vient de fêter ses un an (Crédits : DR)

Cette Scic (société coopérative d'intérêt collectif) dont il est le président, fête tout juste ses un an d'existence. L'idée de la structure : le pilotage par un groupe de citoyens du financement, de la pose et de la maintenance d'installations photovoltaïques pour produire de l'électricité et la vendre. Des citoyens qui comme Jean-Paul Gardette, ancien chef de projet en électronique sont bien souvent novices dans le domaine.

"Le but d'Icea est de montrer que les citoyens peuvent se prendre en charge et ont un rôle à jouer dans la transition énergétique", commente le président, bénévole comme les treize autres membres actifs de la Scic.

Le 11 juin prochain, Icea inaugurera sa première centrale photovoltaïque à Donneville. L'installation de 6 kilowatts-crêtes sur le toit du complexe sportif de cette commune de Haute-Garonne n'est que la première pierre des douze installations prévues au total par Icea dans le département. Ainsi, trois autres installations de panneaux photovoltaïques à Aureville, Labège et Ayguesvives, chacune d'une puissance de 9 kilowatts-crêtes ont déjà été finalisées et sont en cours de raccordement. Six autres devraient suivre entre la fin 2018 et l'année 2019 pour une puissance allant de 9 kilowatts-crêtes à 36. Écoles, crèche, centre social ou encore gymnase, toutes les réalisations concernent des bâtiments publics du Sicoval.

Des citoyens investisseurs

Revendue à EDF, car seule structure capable pour le moment d'investir à tarif subventionné sur des petits projets, l'énergie produite par Icea coûte entre 23 centimes/kw et 19 centimes/kw. Une production rendue possible grâce à des fonds publics, des emprunts à la Nef, une banque solidaire, mais aussi par le biais de l'investissement citoyen. Au moment de sa création, 47 sociétaires achètent des parts sociales dans la Scic, avec comme montant de départ, la somme de 50 euros. Aujourd'hui, ils sont 134 citoyens à avoir investi dans la coopérative, quatre communes du Sicoval ont aussi acheté des parts, ce qui a permis à Icea de récolter un peu plus de 62 000 euros... avec un retour sur investissement pour les sociétaires.

"Quand on achète des parts sociales, l'idée ce n'est pas de partir l'année d'après. Le but de l'opération, ce n'est pas la lucrativité mais à long terme, nous souhaitons que cet investissement soit rémunéré à hauteur de 2%", explique le président de la coopérative.

Un mix entre fonds publics et investissements citoyens, c'est aussi ce qu'a choisi Citoy'enR. Cette Scic de l'agglomération toulousaine créée il y a près d'un an sous l'impulsion de l'association Les Amis de la Terre et de Toulouse en transition, lançait le 23 mai dernier sa première installation : 50 m2 de panneaux photovoltaïques dans une école maternelle de la ville de Tournefeuille.

Energie Citoyenne

Inauguration des panneaux photovoltaïques de l'école maternelle de Tournefeuille (Crédits : DR)

 À l'image d'Icea, Citoy'enR étudie, finance, installe et gère la maintenance d'installations photovoltaïques de bâtiments publics. Elle aussi est soutenue par des structures engagées dans les énergies renouvelables comme l'Ademe ou Enercoop, la petite coopérative devenue grande mais aussi par d'autres réseaux. Le national "Energie partagée" qui aide financièrement les coopératives de ce type et leur délivre des formations ou encore le réseau "Ec-lr", qui lui aussi fédère ces initiatives mais au niveau régional. Et comme Icea, la coopérative fait aussi la part belle au financement citoyen.

"Le fait d'être une Scic vous amène à mettre en réserve 60% de vos bénéfices pour investir dans de nouveaux projets. Sur ces recettes, on espère dégager suffisamment de marge pour rémunérer nos sociétaires. L'objet de Citoyen'R c'est de faciliter la transition énergétique mais nous sommes conscients que pour fédérer, nous ne pouvons pas demander aux gens de l'argent sans aucun retour", avance Aurore Lopez. Ingénieure en environnement, elle fait partie des membres fondateurs de Citoy'enR.

La formule qui offre - comme pour toutes les Scic - aux sociétaires de participer à toutes les décisions prises par la structure sous le modèle d'une personne = une voix, promet aussi un rendement supérieur au livret A. Depuis sa création, 243 sociétaires ont déjà investi dans cette Scic. Parmi eux, des citoyens, quelques entreprises et deux communes, celle de l'Union et de Tournefeuille. Au total, 80 700 euros ont été récoltés par ce biais. "Cette somme nous a permis d'obtenir un prêt bancaire qui est en cours de signature", se réjouit Aurore Lopez.

Le circuit court mis en avant

Après l'école de Tournefeuille, Citoyen'R devrait mettre en place des installations de panneaux photovoltaïques à l'Union, Fonsorbes et Muret courant août. Proposer leurs services à des communes des alentours, pour les deux Scic, la démarche témoigne de l'esprit de circuit court qu'elles veulent insuffler. Chacune a par exemple choisie de travailler avec un installateur local pour poser ses panneaux photovoltaïques. L'entreprise Autan solaire à Deyme dans l'agglomération toulousaine pour Icea et la tarnaise Courant naturel pour Citoy'enR.

Rester local tout en développant leurs activités, c'est aujourd'hui le but des deux coopératives. Une ambition qui pourrait trouver écho auprès de la Région Occitanie. Les deux Scic sont lauréates d'un appel à projet lancé par la Région en faveur de la transition énergétique. Cette dernière s'est engagée à leur verser 100 000 euros chacune dès lors qu'elles atteignaient cette somme à travers leurs levées de fond avant fin 2019.

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