AéroForum : la consolidation dans l'industrie aéronautique, un dilemme devenu une obligation ?

À l'occasion de l'AéroForum de La Tribune qui s'est tenu il y a quelques jours, nouvelle formule des Trophées de l'Aéronautique, les intervenants ont tenté de démontrer tout l'intérêt d'une consolidation de la filière dans les mois et années à venir. Pourquoi ? Comment ? Que retenir des premières expériences en la matière ? Les réponses.
La consolidation de la filière aéronautique, seule réponse face à la crise ?
La consolidation de la filière aéronautique, seule réponse face à la crise ? (Crédits : Rémi Benoit)

Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, l'industrie aéronautique est à l'arrêt. Aussi bien sur le plan de la productivité, que sur celui du business. Avant ce séisme, une bataille dans les coulisses faisait rage pour une réduction du nombre d'acteurs dans la supply chain (sous la volonté des grands donneurs d'ordres) afin de répondre à une croissance des cadences de production.

Appelées consolidations, "ces opérations sont gelées depuis le mois de mars sauf dans deux cas. Le premier survient quand il faut un rachat ou sinon c'est la mort de la société. Le deuxième cas de figure concerne le segment militaire, le seul segment qui résiste", expliquait tout récemment dans une interview accordée à La Tribune Raphaël Petit, cofondateur du bureau toulousain de la banque de conseil en fusions-acquisitions Oaklins. Et malgré la réticence de certains acteurs dans la filière à voir leur(s) entreprise(s) au profit d'un regroupement, d'autres ne regrettent pas ce choix comme la société Tecalemit, qui a doublé de taille ces dernières années en rachetant fin 2018 un site de Daher qui employait 153 personnes dans la Sarthe.

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"C'est un engagement que nous défendons avec beaucoup de vigueur car nous avons pu en mesurer l'ensemble des apports. Par ce doublement de taille et l'atteinte d'une taille dite critique, nous avons bénéficié d'expertises beaucoup plus larges et attiré des talents impossibles à recruter auparavant. Nous avons pu débloquer des moyens plus importants et ouvrir une filiale au Canada. Pour nous, dans cette phase de ralentissement, la consolidation nous a aussi donné les moyens d'être résilient. Tout d'abord en étant autonome, notamment sur nos matières premières, en ayant la capacité de gérer nous-même la variation des besoins. Aussi, nous pouvons utiliser le levier de la rationalisation et l'optimisation de nos sites industrielles, qui nous permet d'avoir une robustesse supplémentaire en ces temps de crise", a témoigné son président-fondateur Franck Colcombet, lors de l'AéroForum 2020 de La Tribune.

Deux fonds pour faire des "champions" de l'aéronautique

Désormais, le concepteur et fabricant de canalisations, dédié totalement à l'aéronautique, la défense et le spatial, pourrait être suivi par d'autres homologues. Par exemple, le sous-traitant aéronautique de rang 1 Figeac Aéro a ouvertement annoncé dans les colonnes de La Tribune réfléchir à une fusion, face aux difficultés économiques engendrées par la crise sanitaire. "Le manque de consolidation est un facteur de fragilité, comme a pu le montrer cette crise. Il est important de faire cette mutation industrielle pour se rapprocher de ce que l'on peut voir aux Etats-Unis avec les sous-traitants de rang 1 atteignant le milliard de chiffre d'affaires", poursuit Raphaël Petit.

Pour y parvenir, le gouvernement, dans son plan de relance sectoriel de 15 milliards d'euros dédié à l'aéronautique, a mis sur pied sur le fonds ACE Aero Partners, confié à la société ACE Management.

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"Depuis 15 ans, nous faisons des investissements dans l'aéronautique. L'idée est de soutenir le passage de PME au grade d'ETI, mais aussi d'accompagner les efforts de consolidation dans la supply chain afin de créer des super champions de l'aéronautique et les rendre beaucoup plus résiliants. Pour ce nouveau fonds ACE Aero Partners, la feuille de route demeure la même. Nous devons nous adresser à des PME et ETI qui ont des savoir-faire spécifiques et une place particulière dans la supply chain aéronautique pour s'assurer de les pérenniser et de pouvoir les retrouver quand le marché aéronautique va retrouver son dynamisme tel qu'il le connaissait il y a encore quelques mois. D'autre part, nous voulons aborder le sujet en nous tournant vers des gros acteurs de la filière aéronautique qui peuvent se placer en consolidateur de la supply chain", a expliqué Julien Gomis, directeur chez ACE Management, à l'occasion de l'AéroForum de La Tribune.

Doté de 630 millions d'euros, avec une taille cible d'un milliard, celui-ci a été notamment abondé par l'État via BPI France, mais surtout par Airbus, Thales, Dassault et Safran qui, plus que jamais, attendent beaucoup de ce phénomène de concentration. En complémentarité de ce dispositif, le conseil régional d'Occitanie, en plus d'un "Plan Ader exceptionnel" de 100 millions d'euros, a confié un "fonds Impulsion" de 50 millions d'euros à Irdi Soridec Gestion, un investisseur régional.

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"Il était nécessaire d'avoir un fonds régional en complément du fonds Aéro Partenaires géré par ACE Management car celui-ci est davantage destiné aux grandes entreprises et aux gros projets de consolidation et de diversification dans l'aéronautique. Il était donc indispensable d'avoir une approche complémentaire qui s'adresse davantage à l'ensemble de la supply chain", justifiait récemment Carole Delga, la présidente socialiste de la région Occitanie.

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La diversification, une solution de court terme ?

Avec ce dispositif, la collectivité espère accompagner au moins 25 entreprises régionales. Pour d'autres, elles misent sur la résilience et la diversification pour passer la crise, dans un premier temps, comme l'ont démontré les interventions réalisées au cours de l'AéroForum.

Par exemple, l'entreprise de services du numérique (ESN) CGI a lancé une filiale du nom CGI Business Consulting, tout en se dotant d'une force commerciale pour obtenir des marchés en dehors de l'industrie. Même stratégie du côté d'Accenture, qui a redéployé ses forces vives dans le conseil notamment sur des projets de production de respirateurs en série en Grande-Bretagne au plus fort de la crise et en réponse à la baisse de l'activité aéronautique. À une plus petite échelle, la société tarbaise Adhetec, spécialisée dans le film adhésif industriel, s'est associée à la startup toulousaine Pylote pour mettre au point un film anti-bactérien et donc anti Covid-19. Ou encore Caillau, une société bretonne 100% dédiée à l'industrie et qui vient de décrocher un marché important avec un donneur d'ordres dans le marché des énergies... Pour accompagner ces mutations, certaines entreprises ont quand même besoin d'un soutien financier pour espérer passer l'année 2021 sans trop d'encombres.

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"Le PGE est le premier outil que nous avons pu mettre en place pour accompagner les entreprises dans cette crise. À l'échelle du CIC Sud-Ouest, c'est plus de 1,3 milliard d'euros qui a été débloqué. Et rien que sur les 150 startups que nous accompagnons au quotidien, ce sont 10 millions d'euros de PGE qui ont été mis en place. Plus de 98% des demandes de ce type de dossiers ont été accordées au total", témoigne Romain Laques, le responsable de la filière innovation du CIC Sud-Ouest.

À l'échelle de la région Occitanie, les acteurs bancaires ont débloqué pour 8,5 milliards d'euros de PGE.

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