Face à la baisse des dotations de l'État, Aerospace Valley se tourne vers le privé

Face à la baisse des dotations de l'État, le pôle de compétitivité Aerospace Valley veut augmenter la part du financement privé et envisage de lancer des prestations payantes. Une stratégie confirmée le 1er octobre dernier à l'occasion de l'assemblée générale d'Aerospace Valley. Le pôle de compétitivité a également créé BSI, une société pour accompagner les PME dans la commercialisation de leurs produits. Antoine Jouin est le vice-président d'Aerospace Valley. Interview.
Antoine Jouin est vice-président d'Aerospace Valley et président de Continental Automotive France.

Le pôle Aerospace Valley fête ses 10 ans, quel bilan tirez-vous ?
Les pôles de compétitivité sont en support des filières. Dans nos régions, nous avons la chance d'avoir des filières aéronautique, espace, systèmes embarqués. Le pôle a réussi à faire le pont entre les grands donneurs d'ordre et les PME, pour faire émerger des projets labellisés puis un business et enfin des emplois. Avec 850 adhérents, dont plus de 500 PME, Aerospace Valley est l'un des plus grands pôles de France.

L'État a diminué de 15 % les dotations accordées aux pôles en 2015. Or, ces financements publics représentent 41 % du budget d'Aerospace Valley. Comment comptez-vous faire face à la baisse des dotations ?
Les pôles de compétitivité fêtent leur 10 ans, ils arrivent à un stade de maturité. L'État a annoncé qu'il souhaitait diminuer son soutien à ces pôles. De son côté, Aerospace Valley est sous l'égide de la DGA (Direction générale de l'armement) au niveau des financements publics et cette dernière a confirmé la stabilité de sa dotation en 2016 (500 000 euros en 2015, NDLR). Ceci étant, nous devons préparer l'avenir et augmenter la part d'autofinancement ou de financements privés. Aujourd'hui, beaucoup de PME nous demandent des prestations, notamment pour les accompagner dans leur plan de financement mais nous n'arrivons pas à faire face à toutes ces demandes. Pour répondre à ces besoins, nous pensons mettre en place des prestations ciblées payantes au sein du pôle.

Les fonds européens peuvent-ils constituer une piste ?
C'est clair qu'il s'agit de l'un de nos objectifs puisque, jusqu'à présent, nous percevions plutôt des subventions du FUI (Fonds universel interministériel) et nous voulons augmenter notre part de projets européens (22 depuis la création, NDLR).

Bercy demande également aux pôles d'axer leurs efforts sur des projets rentables pour créer un maximum d'emploi. Le pôle Agri Sud Ouest Innovation a conclu un partenariat avec TSE pour mieux calculer les retombées du pôle de compétitivité. Êtes-vous aussi dans cette démarche ?
Tout à fait. Cela fait partie des discussions pour trouver les moyens de mesurer notre action. Depuis 2005, nous avons labellisé 871 projets qui ont permis à des PME ou des ETI de continuer à se développer. Nous nous apercevons qu'il s'agit de projets à long terme. Il est clair que l'ère 3 de notre pôle va consister à se focaliser sur la transformation de produits en projets à emploi et à création de valeur ajoutée. Et nous sommes bien déterminés à montrer que nous arrivons à créer ces emplois. C'est délicat, car nous appartenons à un écosystème avec des grands groupes, donc il ne faut pas s'approprier directement la réussite des entreprises. Nous devons savoir où l'emploi est créé, quels types de produits sont mis sur le marché et si des services ou des usages associés sont générés. Nous avons déjà quelques outils en interne que nous devons industrialiser.

Comment appréhendez-vous la fusion des régions ?
Le périmètre de la nouvelle région est à la fois une force et un défi, puisqu'il faudra assurer la proximité avec les PME que l'on va repérer. Nous sommes en train de regarder comment gérer ce nouveau territoire qui correspond à 4 anciennes régions (Aerospace Valley est aussi présent en Aquitaine, NDLR). Nous avons déjà des contacts avec plusieurs sociétés de Languedoc-Roussillon qui travaillent avec des donneurs d'ordres de Midi-Pyrénées et ils ont besoin d'être proches de cet écosystème. Bien avant la réforme territoriale, nous avions déjà 11 conventions signées avec d'autres pôles de compétitivité, comme par exemple Pégase à Marseille (pôle aéronautique) mais aussi avec des agences de développement.

Vous êtes également en phase de rapprochement avec l'IRT Saint-Exupéry, l'institut de recherche technologique.
Oui, nous nous sommes déjà rapprochés physiquement puisque nous sommes désormais dans les mêmes locaux que l'IRT à Toulouse. Les gouvernances restent différentes, car nous n'avons pas les mêmes priorités. Mais nous essayons d'éviter les doublons et de travailler ensemble là où cela fait sens : permettre à l'IRT d'accéder à notre réseau de PME et, dans l'autre sens, repérer les projets de recherche de l'IRT qui peuvent déboucher sur un produit. L'IRT n'avait pas de compétences en interne, par exemple, au niveau de l'Europe ou de la communication. Au lieu de dupliquer les moyens, il vaut mieux leur donner accès plus facilement à ces ressources, leur permettre de se développer plus vite. Tout le monde est gagnant.

Vous avez annoncé lors du Salon du Bourget en juin dernier, la création de BSI (Business success initiative), une société pour accompagner les jeunes entreprises. Quel en est l'objectif ?
Les sociétés sont souvent confrontées à une vallée de la mort entre la conception du prototype et sa mise sur le marché. Cette phase nécessite des compétences très différentes de la capacité technologique du départ, ne serait-ce que pour définir le prix par exemple. La BSI se destine à transformer ces projets en produits à succès avec du chiffre d'affaires et fournir aux entreprises un accompagnement ciblé pour compléter leur portefeuille de compétences. L'accompagnement sera limité à deux ans car si la mise sur le marché tarde, le risque est d'être dépassé par les nouvelles technologies.

Quel sera le profil des entreprises accompagnées ?
Nous allons cibler les entreprises qui ont déjà des succès, avec un peu de chiffre d'affaires mais qui n'ont pas les moyens pour développer leurs futurs prototypes. La structure est ouverte à d'autres filières : santé, agriculture... Pour entrer à BSI, les entreprises doivent investir 20 000 euros et devenir actionnaire de la structure. Si leur projet est commercialisé, elles reverseront un pourcentage de leur chiffre d'affaires à BSI. Cette somme servira à financer la structure et notamment les projets qui n'auront pas réussi car, malheureusement, nous ne pensons pas avoir 100 % de réussite.

Les premières 12 PME qui ont intégré la structure ont mis 700 000 euros sur la table mais ce sont des PME établies qui n'ont pas besoin de l'accompagnement. Un deuxième tour de table avec 20 PME devrait réunir 400 000 euros supplémentaires. Au total, 80 entreprises se sont dites intéressées, un comité va devoir les sélectionner.

Aerospace Valley

Présidente : Agnès Paillard

Date de création : 2005

Nombre de projets labellisés : 861

Nombre de projets de recherche : 452 projets de recherche financés

Nombre d'adhérents : 852 dont 500 PME

Dotations publiques : 462 millions d'euros depuis la création

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