Grande région : quelles conséquences pour les vins du Sud-Ouest ?

Coincés entre les vins de Bordeaux et ceux de Languedoc-Roussillon, les vins du Sud-Ouest ont entamé depuis plusieurs années un long processus pour créer une identité. La volonté affichée par Damien Alary, président de la Région Languedoc-Roussillon, de conserver la marque Sud de France pour les produits de la nouvelle région pourrait remettre en cause ce travail. Qu'en pensent les principaux acteurs de la filière vitivinicole en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ? Décryptage.

Le 21 mai dernier, à l'occasion du conseil de bassin viticole Sud-Ouest, qu'il préside, le préfet de Midi-Pyrénées et préfet préfigurateur de la nouvelle région Pascal Mailhos a confirmé "que le bassin Sud-Ouest sera bien maintenu dans la future première région viticole de France". Ce conseil, qui regroupe toutes les administrations et les organismes professionnels, établit la politique de la filière au niveau régional. Pour Paul Fabre, directeur de l'Interprofession des vins du Sud-Ouest (IVSO), "maintenir les deux bassins viticoles dans la nouvelle région est un acte politique fort" en pleine fusion des régions. La nouvelle région compterait donc deux bassins, dont un à cheval sur une autre région, l'Aquitaine.

Dans le même temps, Damien Alary, président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, souhaite imposer la marque Sud de France pour la nouvelle région, alors même que les vins du Sud-Ouest profitent aujourd'hui de la bannière Sud-Ouest France mise en place par les Régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. Une confusion que craignent les acteurs de la filière en Midi-Pyrénées. D'autant que "de nombreux appels d'offres pour l'export, notamment au Canada ou en Scandinavie, ont pour objet des vins identifiés Sud-Ouest. Il y a une réalité économique à préserver", comme le rappelle Paul Fabre.

Des spécificités à conserver

En effet, dans le domaine du vin comme dans de nombreux autres secteurs, la fusion des régions devra tenir compte des spécificités et des réalités économiques. Damien Alary avance des solutions.

"La marque Sud-Ouest France pourra être gardée en tant que dénomination, mais la seule marque ombrelle de la nouvelle région devra être Sud de France", a insisté le président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon lors des Rencontres de la nouvelle région, organisées par La Tribune-Objectif News et Objectif Languedoc-Roussillon.

Une proposition à laquelle semble s'être également rallié Martin Malvy, président de la Région Midi-Pyrénées. "À titre personnel, je pense que la marque Sud de France devrait être reprise et couvrir l'ensemble du territoire. Nous sommes le Sud de la France. C'est comme cela que l'on nous voit à Lille ou à Brest, justifie Martin Malvy. Et c'est comme cela que l'on nous identifie aussi bien en Europe qu'ailleurs."

Joël Boueilh, président de Plaimont Producteurs, refuse de son côté cette assimilation, qu'il juge "contre-productive". "Nous n'avons pas d'intérêt à être noyé sous une bannière Sud de France, assure-t-il. Il y a plusieurs années que le Sud-Ouest travaille pour construire une identité. L'interprofession s'est engagée pour avoir un rayon Sud-Ouest en grande distribution alors que nous sommes coincés entre deux poids lourds, Bordeaux et Languedoc-Roussillon. Comment ne pas perdre les consommateurs alors qu'on leur explique depuis des années que nos vins sont différents des vins du Languedoc-Roussillon ? Nous avons une identité propre."

Même son de cloche du côté de l'interprofession des vins du Sud-Ouest.

"Les vins de Languedoc-Roussillon ont une influence méditerranéenne alors que les vins du Sud-Ouest subissent davantage l'influence océanique et celle des Pyrénées", rappelle Paul Fabre.

Pour le directeur de l'IVSO, plusieurs éléments confortent le maintien de l'appellation vins du Sud-Ouest : "Regrouper tous les acteurs a été un long travail. Aujourd'hui, nous avons une interprofession. Le terme Sud-Ouest est inscrit dans le cahier des charges de tous nos vins. Et nous avons beaucoup travaillé au niveau du marketing et de l'identité."

Du côté de Sud de France, on se veut rassurant. François Fourrier, directeur général de Sud de France Développement, avoue comprendre ces inquiétudes ,"même si nous ne les partageons pas entièrement", précise-t-il. "Sud-Ouest s'est construit, notamment à l'export, sur la renommée des vins de Bordeaux, donc sur cette question précise il ne sera pas possible de continuer ainsi. C'est la limite du dispositif d'une marque partagée entre deux régions. Sur cette problématique, les acteurs interprofessionnels du Languedoc-Roussillon, mais aussi du bassin viticole de Midi-Pyrénées, sont d'accord."

Quelle articulation avec Sud de France ?

En dépit des frilosités de certains acteurs midi-pyrénéens, comment s'organiserait une fusion entre les deux appellations ? Sur ce point-là, la réponse de Sud de France est pour l'instant assez claire.

"Nous pouvons intégrer l'offre de Sud-Ouest à l'intérieur de Sud de France sans qu'ils perdent leur identité, car leur offre est complémentaire à la nôtre, assure François Fourrier, directeur général de Sud de France Développement. C'est ce que fait la marque aujourd'hui sur les quatre catégories régionales : appellations du Languedoc, appellations du Roussillon, IGP d'Oc et IGP de Territoire. La définition marketing d'une marque ombrelle comme Sud de France est d'abriter plusieurs familles de produits."

"Complémentarité", un terme qui plaît à Joël Boueilh, pour qui "il est plus facile pour les vins du Sud-Ouest de se différencier des vins du Languedoc-Roussillon que du Bordeaux." Mais il souhaite pour cela que Sud-Ouest existe "à côté de la marque Sud de France".

"De leur côté, les responsables interprofessionnels nous ont fait savoir qu'ils souhaitaient intégrer la marque et surtout le dispositif qui a permis au Languedoc-Roussillon de devenir le premier vignoble à l'export. Donc nous sommes optimistes", ajoute quant à lui François Fourrier, qui rappelle cependant que, pour l'instant, rien n'est décidé. "Il va falloir que les choses soient clarifiées. C'est aux deux régions de s'entendre, mais aussi et surtout aux interprofessions de se positionner."

L'IVSO est, elle, dans l'attente. "Il y a un enjeu économique fort. Il faut prendre le temps de la discussion", insiste Paul Fabre. Le prochain conseil d'administration de l'interprofession a lieu le 3 juin. La question sera certainement à l'ordre du jour.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.