Les coopératives à la rescousse des entreprises en liquidation

Transformer en coopérative une société en difficulté financière, l'idée a le vent en poupe. À l'instar de la Fabrique du Sud, une coopérative reprise par ses salariés à Carcassonne et visitée mardi 19 mai par François Hollande, de nombreux employés font ce choix pour sauvegarder leurs emplois. Loin d'être une recette miracle, la réussite d'une reprise en coopérative dépend du projet et de la motivation des futurs associés.

Le 19 mai dernier, François Hollande visitait la Fabrique du Sud, un producteur de glace repris en scop par ses salariés à Carcassonne. Par sa visite, le président de la République voulait mettre en avant "une belle aventure humaine qui a conduit des hommes et des femmes à se saisir de leur outil de production" et "qui a connu en un an des résultats au-dessus de ce qui était prévu". La Fabrique du Sud, ex-Pilpa, avait été créée en avril 2014 à la suite de la fermeture du site en juillet 2012 par son propriétaire le groupe R&R.

Dans la région, les exemples ne manquent pas d'entreprises fermées pour diverses raisons, puis renaissantes sous la forme de coopératives. En automne dernier, la Fonderie Gillet, la plus ancienne de France, a ainsi été reprise par ses salariés à Albi (Tarn). Le 18 mai dernier, c'est la société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) D'Artagnan, ex-Canard de France, qui a redémarré son activité après une fermeture en mai 2014.

"Après la liquidation, nous avons voulu redémarrer notre outil de travail et réunir les anciens salariés, explique Nadia Prudhomme, l'une des salariés à l'origine de la coopérative. Tous ont investi 5 000 euros. Des clients, des entreprises et des bénévoles sont également devenus sociétaires. Nous avons actuellement 34 associés pour 7 salariés dans l'entreprise."

Après la création de la coopérative, de longs mois de "démarches laborieuses" et de travaux de remise en état des locaux de l'ancienne entreprise ont retardé son entrée en activité. "Pour reprendre à la barre du tribunal, il faut s'accrocher et croire en son projet, reconnaît l'associée. Mais c'est payant au final. Les anciens salariés sont plus motivés aujourd'hui. Nous travaillons pour nous et nous faisons des heures en plus et des sacrifices pour améliorer nos objectifs."

Des travailleurs plus motivés ? C'est ce que confirme Philippe Nojac, ancien juge au tribunal de commerce et gérant de CSPL, une société spécialisée dans la carrosserie, à Lespinasse en Haute-Garonne. En difficulté financière, le carrossier a relancé son entreprise en y associant ses 9 employés au printemps 2014 et en recentrant son activité sur les véhicules spécialisés (alimentaires ou scientifiques, par exemple). "La coopérative fluidifie le fonctionnement. Les relations sont plus transparentes. Le personnel s'implique davantage pour comprendre les enjeux, assure l'ancien patron ré-élu à la tête de la scop. Commercialement, nous bénéficions d'une image positive auprès des clients, même si ce sont avant tout la prestation et les prix qui font le reste."

Pour le moment, la jeune coopérative suit sa feuille de route et prévoit un chiffre d'affaires de 1,2 million d'euros cette année. Une situation "pas encore confortable" mais qui se passe "comme prévu", selon le gérant qui conclut :

"Les fondamentaux restent les mêmes que pour toute autre entreprise, il faut satisfaire les clients. La forme coopérative n'est pas un miracle, mais c'est un bon outil de motivation."

Une formule à la mode

Bien souvent, en effet, les salariés qui découvrent au dernier moment l'état de leur entreprise et sa fermeture prochaine imaginent qu'une reprise en coopérative est la formule miracle pour sauver leurs emplois. "La reprise par les salariés est à la mode mais ce n'est pas la solution à tous les problèmes, prévient Cyrille Rocher, délégué régional des scop de Midi-Pyrénées, chargé de la création et de l'assistance financière. Selon les enjeux, la reprise en scop n'est pas toujours possible ou souhaitable. Certaines entreprises sont naturellement en fin de vie car obsolètes."

En 2014, sur 50 dossiers de passage en scop, Cyrille Rocher en a soutenu 7. Un ratio de 10-15 % similaire à 2013. "Si l'Union des scop décide de soutenir un projet, malgré une défaillance, c'est que nous estimons que c'est jouable à condition d'une réorganisation, assure-t-il. Si c'est pour donner de faux espoirs aux salariés et se retrouver en liquidation 6 mois plus tard, ce n'est pas la peine."

Pour obtenir le soutien de l'Union des scop de Midi-Pyrénées, le projet de reprise doit être porté par une "une équipe dynamique et disposer de fonds rapidement mobilisable", car "le tribunal de commerce se prononce en fonction de l'intérêt général et de la sauvegarde des emplois. Il lui faut une offre sérieuse et non émotive."

Les avantages de la coopérative

Malgré les contraintes inhérentes à la reprise d'une société en difficultés économiques, Cyrille Rocher est convaincu des avantages de la forme coopérative sur les autres formes d'entreprises.

"C'est une meilleure solution car les fonds mobilisés coutent moins cher, explique-t-il. Un investissement doit avoir un rendement de 10 à 15 % rapidement. En scop, on évite l'excessive rémunération du capital au détriment de la sauvegarde de l'entreprise. Si on dépasse les 3 % de rentabilité, c'est cher."

De plus, la loi impose que 16 % des résultats d'une coopérative soient mis en réserve pour augmenter les fonds propres de l'entreprise. "Cela fait rentrer les sociétés dans un cercle vertueux où l'argent restent dans l'entreprise ou va chez les co-entrepreneurs", remarque Cyrille Rocher.

Enfin, d'après l'Union des scop de Midi-Pyrénées, sur 3 ans, 65 à 70 % des scop existent toujours contre 50 % pour les boîtes classiques. "Les gens font plus pour sauver leur entreprise car c'est la leur, estime Cyrille Rocher. Associés ou non, ils récupèrent 25 % des résultats nets. Cet intérêt non négligeable les pousse à s'impliquer davantage."

Des financements difficiles à trouver

La principale difficulté des scop réside dans leur avantage. "Si l'équipe se fissure et qu'il y a des divergences, tout peut s'écrouler, souligne Cyrille Rocher. Mais la législation prévoit la sortie de scop. On entre et on sort avec la même part sociale. Pas de risque de mettre en danger la société avec un actionnaire qui veut sa part avant de partir."

Autre limite : l'accès aux financements. Faute de fonds disponibles, les entreprises très capitalistiques, par exemple, ne peuvent être reprises en coopérative. "Une petite activité industrielle comme la nôtre n'attire pas les financiers car cela n'est pas rentable, constate Philippe Nojac, de CSPL. Dans le cadre de la sauvegarde de notre société, nous étions dans l'incapacité de trouver des financements, il a fallu passer par le Crédit coopératif et des investissements privés." Une situation corroborée par Cyrille Rocher : "Seule BPIFrance, 1er partenaire financier avec sa mécanique de garantie, le Crédit coopératif, ainsi que France Active, nous soutiennent."

Enfin, si le nombre de dossiers de reprise en coopérative augmente, les tribunaux de commerce ne seraient pas des plus ouverts. Le récent refus du tribunal de commerce de Foix pour l'offre de reprise de la société SCE par ses salariés en témoigne. "Nous souffrons aussi d'une incompréhension des tribunaux qui nous reprochent nos offres de reprises trop basses, déplore Cyrille Rocher. Ils ne se rendent pas compte que les ouvriers s'endettent pour reprendre leurs sociétés. Ils ne voient pas que l'entreprise reprise en scop entre dans un domaine impartageable car la scop ne peut être vendue ou délocalisée par la suite. J'ai encore du travail d'information à faire."

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.