Le mentorat, une solution pour pérenniser les talents ?

Dans un marché de l'emploi très tendu, les entreprises rivalisent d'imagination pour recruter. Le groupe Derichebourg a mis en place du mentorat avec des jeunes des quartiers prioritaires pour élargir ses profils de candidats. Chez Capgemini, un vaste programme de mentorat vise à maintenir les femmes dans l'entreprise et les faire progresser tout au long de leur carrière.
(Crédits : Rémi Benoit)

Anabelle Nyamekye s'est retrouvée bien dépourvue au terme de son cursus en école de commerce n 2020 en plein Covid. « Il y avait très peu d'opportunités d'emploi pour les jeunes diplômés et encore moins dans la RSE », se remémore-t-elle. La jeune femme se tourne alors vers l'association Nos quartiers ont du talent qui met en relation les diplômés avec des professionnels qui donnent de leur temps pour accompagner les jeunes vers un emploi. Sa mentor est directrice RSE de Derichebourg Multi-Services. « Je venais assez régulièrement au siège pour la rencontrer, pour parler de mon parcours et de mes recherches. Elle me donnait des noms des entreprises qui recrutent, m'expliquait comment faire différemment si ça ne fonctionne pas et puis elle me partageait son réseau. Le réseau, c'est vraiment la clé de tout », raconte Anabelle Nyamekye. Quelques mois plus tard, elle est embauchée au sein d'une filiale du groupe comme coordinatrice RSE.

Diversifier le recrutement

Dans un marché de l'emploi très tendu, les entreprises doivent rivaliser d'imagination pour recruter. La diffusion d'ores d'emploi et les job-datings ne su sent plus. « Il faut diversifier les canaux de recrutement », confirme-t-elle. Pour le groupe Derichebourg, à la recherche rien qu'à Toulouse de 700 personnes pour l'aéronautique, le mentorat fait partie des pistes alternatives pour recruter autrement. « Il faut diversifier les canaux de recrutement. L'entreprise dispose dans toute la France de parrains et marraines qui donnent de leur temps pour du coup accompagner des jeunes qui sont à la recherche d'un stage, d'une alternance ou alors un premier emploi », explique Anabelle Nyamekye.

L'accompagnement peut être individuel ou par petits groupes. Au-delà du réseau, durant ces temps d'échanges, les mentors donnent des clés aux candidats pour maîtriser les codes implicites de la recherche d'emploi. « Cela peut être comment se vendre en entretien, détecter les codes d'une entreprise (tutoiement ou vouvoiement, le code vestimentaire...) et avoir la bonne attitude lors des échanges », développe la coordinatrice RSE de Derichebourg.

Chez Capgemini, le mentorat a une autre vocation. « Le programme de mentorat est né dans le sillage du mouvement Women at CapGemini puisque nous nous sommes rendu compte du besoin de rétention de nos populations féminines. Vers 35 ans, quand les femmes ont atteint une petite dizaine d'années d'expérience, il devient très compliqué pour elles de gérer leur parentalité, la charge mentale et leur carrière. Nous avons constaté une perte importante de la population féminine parmi nos effectifs. Le programme de mentorat est une action volontariste pour favoriser l'évolution des femmes », retrace Patrick Masseglia, co-leader du mouvement Women at Capgemini.

Maintenir les femmes dans l'entreprise

En dix ans, le groupe d'ingénierie a vu progresser la part des femmes au sein de ses effectifs de 24 à 30 % et vise un à deux points supplémentaires cette année. Expérimenté pendant dix mois, le programme de mentorat a permis d'accompagner plus d'une centaine de salariés, en grande majorité des femmes. Le dispositif prévoit un rendez-vous mensuel avec un ou une mentor issu de tous les services et tous les sites du groupe en France. « Pour ne pas créer de conflit d'intérêt avec la hiérarchie, les binômes de mentorat ne travaillent pas dans la même entité. Le mentor, c'est vraiment quelqu'un qui a un regard extérieur, qui n'a aucun jugement et qui n'est absolument pas partie prenante dans l'évaluation du salarié. Il va réaliser une écoute active et donner des clés, partager son réseau pour guider la mentorée », précise Patrick Masseglia.

De quoi proposer aux femmes des moyens d'accéder à une progression verticale (vers des postes de management par exemple) ou horizontale (en développant certaines compétences). « Tous ces codes du pouvoir, du temps qu'on passe à faire du marketing personnel, cela ne fait pas partie de l'ADN des femmes. Cela paraît parfois inaccessible quand on a un agenda personnel et professionnel très chargé. Parfois, nous pouvons montrer qu'il est possible de travailler un peu son réseau même à un moment crucial de sa carrière avec un agenda personnel très important », fait valoir Valérie Masson-Cabanac, executive sponsor de Women at Capgemini. Le programme de mentorat s'adresse aussi aux femmes qui après avoir ralenti leur progression veulent prendre des responsabilités une fois par exemple leurs enfants devenus adolescents.

Pour Valérie Masson-Cabanac, l'existence de ce programme de mentorat pour les femmes constitue « un argument de recrutement » qui rend le groupe « d'autant plus attractif ». Dès cette année, Capgemini compte étendre le mentorat à 800 salariés.

Des retraités pour mentorer les jeunes recrues

Et si l'on faisait appel à de jeunes retraités pour mentorer de jeunes recrues ? C'est l'idée qu'a eue l'agence d'intérim toulousaine Taman. « C'est donner l'occasion à des personnes qui ont ni leur carrière de pouvoir continuer de former et d'informer les jeunes sur leur métier et aussi de permettre aux entreprises de ne pas impacter leur productivité directe sur le temps de formation de nouveaux embauchés », avance Charles- Henri Cazac, directeur business development chez Taman.

L'agence imagine un processus de transition à raison de deux jours par semaine pendant trois mois. Un dispositif qui pourrait coûter entre 10.000 à 15.000 euros pour l'entreprise, un investissement largement compensé d'après Taman par les gains de productivité grâce au mentorat. De son côté, le retraité pourrait toucher 500 euros par journée d'accompagnement. Pour le moment, aucune entreprise n'a franchi le cap de ce mentorat intergénérationnel même si Taman croit dur comme fer dans le bien-fondé d'une telle initiative, notamment dans les métiers manuels de la filière aéronautique. La crise et les plans sociaux ont généré des pertes de compétences dans les entreprises qui mettent à mal les recrutements pour la remontée des cadences.

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