Toulouse : Specialisterne facilite le recrutement des profils neuroatypiques (autisme, DYS, TDAH)

Le groupe international Specialisterne a ouvert depuis deux ans une antenne en France à Toulouse pour accompagner le recrutement de profils neuroatypiques (autisme, DYS, TDAH). Exit le CV et l'entretien, l'entreprise propose des parcours d'immersion pour préparer à la fois des adultes autistes au poste ouvert mais aussi sensibiliser leurs futurs collègues et managers à la neurodiversité. Specialisterne vient d'engager un programme d'inclusion avec le groupe Deloitte et d'autres partenariats devraient suivre.
La série Atypical (Netflix) montre le quotidien d'un ado autiste qui mène sa scolarité et un petit boulot.
La série Atypical (Netflix) montre le quotidien d'un ado autiste qui mène sa scolarité et un petit boulot. (Crédits : Netflix)

Entre Good doctor qui met en scène un interne en chirurgie atteint du syndrome d'Asperger, Atypical diffusée Netflix montrant le quotidien d'un lycéen autiste ou encore The A World sur Disney+... les séries mettant en avant (avec plus ou moins de réalisme) des personnes autistes se sont multipliées ces dernières années sur le petit écran. Pourtant, l'insertion professionnelle de ces personnes neuroatypiques reste encore aujourd'hui très complexe.

Des compétences spécifiques décelées sans entretien d'embauche

« Les personnes autistes ne sont pas des petits génies, c'est un raccourci contre lequel nous luttons. Par contre, 70 % des adultes autistes ont soit une intelligence moyenne et quelques-uns sont en effet brillants et ont une intelligence supérieure à la moyenne. Et c'est dommage que des personnes avec une telle rigueur, une droiture, cette endurance, cette mémoire et ce sens du détail se retrouvent des années au chômage. De telles compétences pourraient être très utiles dans une équipe », plaide Gabrielle Blinet.

Cette Toulousaine a elle-même parmi ses proches et ses amis des adultes neuroatypiques, autrement dit qui présentent un style cognitif différent comme les autistes, les dyslexiques ou les personnes avec un trouble du déficit de l'attention avec/sans hyperactivité (TDAH). Avec Pascale Marchal, Gabrielle Blinet a créé en 2021 dans la Ville rose une antenne française de l'entreprise sociale internationale Specialisterne.

« C'est un mot danois qui signifie les spécialistes. L'entreprise a été créée en 2004 au Danemark par Thorkil Sonne, papa d'un enfant autiste qui a été le premier entrepreneur social au monde à envisager l'autisme comme une richesse pour le monde du travail. Il a mis au point une innovation qui consiste à mettre en évidence les forces cognitives des personnes autistes sans passer par un entretien d'embauche », retrace Gabrielle Blinet.

En 19 ans d'existence, Specialisterne a permis le recrutement de 10.000 adultes neuroatypiques dans 14 pays dans le monde, la France étant le dernier pays européen ouvert.

Des profils pénalisés par les procédures classiques de recrutement

Dans l'Hexagone, Specialisterne vient d'annoncer le lancement d'un programme d'inclusion avec le groupe Deloitte pour recruter trois auditeurs de comptes. Exit le CV et l'entretien, l'entreprise mise sur des parcours d'immersion pour préparer à la fois les adultes autistes au poste ouvert mais aussi sensibiliser leurs futurs collègues et managers à la neurodiversité.

« Les entretiens d'embauche servent à évaluer si le candidat est sympathique et les questions peuvent inclure beaucoup d'implicite, de second degré. Certaines personnes autistes peuvent avoir des difficultés à exprimer leurs émotions, ne voient pas forcément le besoin d'entrer dans ces jeux sociaux ou cela leur demande beaucoup d'énergie », analyse Gabrielle Blinet. La cofondatrice de la branche française de Specialisterne fait aussi remarquer que les personnes neuroatypiques peuvent avoir des parcours en pointillés qui peuvent déprécier leur CV.

« Les personnes autistes peuvent avoir du mal à certains moments de leur scolarité à accéder un stage et du coup à obtenir leur diplôme. D'autres ont terminé leur cursus mais à la suite de mauvaises expériences chez leurs précédents employeurs ont choisi de s'orienter vers des petits boulots alimentaires. Nous avons des exemples de candidats titulaires d'un diplôme en école de commerce devenus agent de logistique, des ingénieurs ayant tout abandonné pour aller travailler quelques années comme employé dans une petite supérette ou pour faire du maraîchage bio », illustre la dirigeante.

Trois semaines d'immersion

Pour mieux repérer le talent des candidats neuroatypiques, Specialisterne va par exemple proposer au sein de Deloitte un parcours immersif de trois semaines ponctué d'activités visant à révéler leur capacité à détecter les erreurs, leur mémoire, à lire un référentiel et à le comparer avec des données existantes. Il est également prévu que les candidats puissent avoir la possibilité de visiter leur futur lieu de travail puisque les personnes autistes peuvent apprécier le fait d'avoir le maximum d'informations sur leur environnement professionnel. Des rencontres avec leurs futurs managers sont également prévues.

Au terme des trois semaines d'immersion, un comité de sélection choisira au sein de la demi-douzaine de candidats, les trois personnes qui intègreront Deloitte comme auditeurs. Les personnes non retenues recevront une synthèse de toutes les forces cognitives observées durant l'immersion et les axes d'amélioration à développer pour la recherche d'un emploi. Elles pourront être rappelées si un nouveau programme d'inclusion s'ouvre chez un client de Specialisterne.

 Une phase d'intégration est prévue pour les trois nouvelles recrues avec une sensibilisation des équipes de l'entreprise à l'autisme pour bien comprendre les besoins spécifiques à mettre en place.

« Pour que cela se passe bien avec un adulte autiste, il ne faut pas juste être gentil. En cas d'erreur, il ne faut pas que les collègues neurotypiques se taisent et compensent le travail en silence. Les autistes ne sont pas des êtres hyper fragiles qui ne peuvent recevoir aucune critique constructive. Être bienveillant, c'est aussi être capable de faire des critiques constructives, de dire les choses calmement, d'être bien explicite, d'enlever de l'arrière pensée ou du second degré dans la communication pour que la personne autiste puisse progresser sur son travail », insiste la co-fondatrice de Specialisterne France.

Après Deloitte, Specialisterne espère mettre en place un nouveau programme d'inclusion dans un groupe informatique. En parallèle, la société est contactée  ponctuellement pour accompagner l'insertion ou l'évolution professionnelle de salariés neuroatypiques.« Nous avons accompagné le groupe Accor dans l'intégration d'une jeune homme chargé l'accueil dans un espace de petit-déjeuner d'un hôtel. Et puis, il y a aussi des salariés qui sont diagnostiqués tardivement. Nous avons travaillé par exemple avec un cadre du groupe Thales qui a appris son autisme à la quarantaine et qui souhaite réfléchir sur la suite de sa carrière », illustre Gabrielle Blinet.

Avant de conclure : « L'autisme, c'est pas une maladie, c'est un style cognitif particulier qu'on considère aujourd'hui à égalité avec le style cognitif neurotypique. Nous voulons que les entreprises prennent conscience de toute la richesse générée par cette variété de styles cognitifs. »

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