À Toulouse, les ingénieurs du Cnes craignent une fuite des cerveaux

Des salariés du Cnes ont manifesté en fin de semaine dernière à Toulouse pour demander une revalorisation des augmentations compte tenu de l'inflation. Les ingénieurs de l'agence spatiale française craignent une vague de démissions, conséquence d'un « décrochage » des salaires avec l'industrie. Ils alertent aussi sur une perte de maîtrise d'oeuvre sur les grands projets au profit du privé.
Des ingénieurs du Cnes ont manifesté en fin de semaine dernière à Toulouse pour demander une revalorisation des salaires compte tenu de l'inflation.
Des ingénieurs du Cnes ont manifesté en fin de semaine dernière à Toulouse pour demander une revalorisation des salaires compte tenu de l'inflation. (Crédits : Regis Duvignau)

« Avant, on ne quittait pas le Cnes. Les salariés y faisaient toute leur carrière. Mais depuis quelques années, nous avons observé des départs parce que les salaires commencent vraiment à décrocher avec l'industrie », alerte Damien Desroches, élu CGT au Centre national d'études spatiales. Après dix ans d'ancienneté, cet ingénieur toulousain titulaire d'une thèse touche 2.700 euros nets par mois.

Le 10 mars dernier, à l'appel des six syndicats du Cnes (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, UGT et FO), plusieurs dizaines de salariés se sont rassemblées dans une salle attenante à la cérémonie de clôture de l'exercice de spatial militaire AsterX organisé par le Commandement de l'espace.

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« 10% de pouvoir d'achat perdu »

« La direction nous annonce que nous n'aurons pas plus que 2,2 % d'augmentation générale et pas d'augmentation individuelle. C'est inacceptable compte tenu de l'inflation actuelle. D'autant que les augmentations ont été très faibles, autour de 2% les années précédentes. Au total, sur les quatre dernières années, c'est quasiment 10 % de pouvoir d'achat perduNous essayons de nous faire entendre au-delà du cercle du CNES pour faire savoir que la recherche française est en difficulté », plaide Franck Darnon, délégué syndical CFDT à Toulouse.

Les représentants du personnel demandent une augmentation générale de 5% afin de maintenir le même niveau de salaire et surtout éviter la fuite des cerveaux.« Le Cnes a enregistré 40 démissions en 2022, c'est quatre fois plus que l'année précédente », signale Franck Darnon.  De son côté, Damien Desroches complète : « On a l'impression que l'expertise du Cnes est immuable mais parfois l'expertise sur un sujet c'est une seule personne. Il existe un réel risque de perte de compétences. » Contactée par La Tribune, la direction du Cnes n'a pas souhaité faire de commentaire sur le sujet.

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 Un soutien au secteur privé qui fait grincer

Le centre spatial de Toulouse concentre à lui seul 1.700 salariés sur un effectif global de 2.350 salariés. Au-delà de la question du pouvoir d'achat, les salariés du Cnes dénoncent les financements massifs vers le privé notamment dans le cadre de France 2030 qui prévoit une enveloppe d'1,5 milliard d'euros vers le secteur spatial.

« Nous sommes de moins en moins maîtres des projets puisque la tendance générale impulsée par le gouvernement, c'est de tout confier à l'industrie directement. Certains collègues nous disent que leur travail perd de son intérêt. Le schéma traditionnel d'une agence spatiale nationale forte avec un rôle de superviser le développement de projets spatiaux peut créer une certaine lourdeur mais cela assure un certain niveau de suivi de la dépense publique », explique Franck Darnon.

Les salariés alertent sur le risque de verser un soutien financier à des startups dont l'assise technique est bancale. « La logique de Bruno Le Maire et du gouvernement, c'est de dire qu'en finançant 1.000 startups, il y en a bien cinq qui sortiront du lot. Mais il va y avoir des millions perdus d'argent public. Nous voyons passer des projets portés par des startups pour certains à mi-chemin entre l'incompétence et l'escroquerie. Décarboner l'atmosphère ou déplacer des objets par ondes gravitationnelles, c'est de la science-fiction, ça n'existera pas », assène Damien Desroches.

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