Sur la cybersécurité, l'Occitanie est victime d'une pénurie de talents

Dans un contexte où la cybersécurité est devenue essentielle pour protéger leur business et leurs données, les entreprises toulousaines cherchent désespérément des profils qualifiés dans ce domaine. Face à cette pénurie de profils, le territoire tente de s'organiser en matière de formation. Analyse et témoignages.
L'Occitanie cherche désespérément des talents dans la cybersécurité.
L'Occitanie cherche désespérément des talents dans la cybersécurité. (Crédits : DR)

« Désormais, les demandeurs d'emploi dans ce secteur d'activité ont de nouvelles volontés pour leur futur poste, que ce soit financièrement avec des salaires parfois plus élevés que la moyenne, une adaptabilité des horaires ou encore du télétravail », remarque Clara Couronnaud, responsable ressource humaine de BigSo. Cette entreprise toulousaine experte en réseau et sécurité a témoigné lors du dernier salon Digi'Talent de sa difficulté à recruter de nouveaux profils dans le secteur de la cybersécurité.

Lors d'une étude publiée par le conseil régional en 2021, 1.609 offres d'emploi ont été postées exclusivement pour le domaine de la cybersécurité. La Ville rose regroupait alors 71% des offres d'emploi sur son son agglomération tandis que Montpellier, en seconde place, atteignait les 13%.

La société BigSo rencontre depuis trois ans, des difficultés de recrutement dans ce secteur, elle souhaite passer la barre des 50 collaborateurs d'ici la fin de l'année. Cependant, l'augmentation des exigences de la part de certains demandeurs d'emploi et le manque de profils sur le marché rendent la tâche plus ardue. « Certaines demandes ne sont pas réalisables pour de petites entreprises. D'un autre côté, les clients pour qui nous travaillons demandent des profils plus expérimentés, laissant très peu de places aux nouveaux arrivants sur le marché de l'emploi », ajoute Clara Couronnaud.

L'Occitanie est en première ligne face aux tensions de recrutement dans le domaine de la cybersécurité. Malgré sa deuxième position sur ce marché en nombre d'emplois, la région dénombre entre 5.000 et 8.000 postes vacants dans le numérique. Cette situation oblige certaines entreprises à faire appel à un recrutement hybride, entre la France et l'étranger pour combler les besoins. C'est le cas par exemple de la société toulousaine ITrust. Elle emploie 100 personnes en France, entre Toulouse et Paris ainsi qu'une trentaine de collaborateurs à l'étranger, notamment des ingénieurs en Europe de l'Est et en Afrique du Sud. « Il n'y a personne sur le marché, c'est même pas un problème de compétences, c'est qu'il n'y a vraiment personne. Nous n'avons aucun CV, c'est dramatique » déclare Jean-Nicolas Piotrowski, le fondateur d'ITrust.

Ce manque de profils est lié à un marché tendu où d'autres bassins d'emplois proposent parfois une meilleure attractivité. Certains pays européens proposent des emplois entièrement en télétravail avec des salaires au-dessus de la moyenne. Ces propositions défavorisent la région occitane, pour laquelle ses entreprises ne peuvent s'aligner à ces critères.

« Il y a une tension sur le marché français voire européen. Nous avons des entreprises parisiennes avec des salaires parisiens qui proposent à leurs employés du télétravail à plein temps. Ces salariés-là ne viennent plus enrichir l'écosystème occitan », explique Marc Sztulman, conseiller régional d'Occitanie, délégué au numérique et président de Cyber'Occ.

Des formations quasi inexistantes

Pour le PDG d'ITrust, la clé se trouverait au sein des formations disponibles sur ces métiers, trop peu présentes à Toulouse. "Il faut former davantage de personnes. Cela fait cinq à six ans que nous parlons aux écoles et aux universités afin qu'ils forment des personnes sur ces métiers, mais ils ne comprennent pas", rétorque Jean-Nicolas Piotrowski. Pour répondre à cette problématique, l'entité toulousaine a donc décidé de créer l'école AN21, dédiée à la formation sur les métiers de la cybersécurité, du Big Data ou encore de la robotique - allant du bac+3 au bac+5.

Lire aussiIA et cybersécurité : ITrust va ouvrir un centre de recherche et une école d'ingénieurs à Toulouse

Une première promotion est sortie en septembre dernier avec une vingtaine d'étudiants éparpillés sur la région, cela a permis à chaque étudiant de trouver un emploi par la suite. Dans l'avenir, l'objectif est d'ouvrir une formation de quatre à cinq mois aux personnes en reconversion professionnelle ou en bac+0 afin d'enseigner les bases de la cybersécurité.

Même Airbus, qui figure dans le top employeurs en France, à également fait part d'une bataille de talents sur ces nouvelles compétences. Ainsi, le lycée Airbus héberge depuis septembre 2022 la première promotion de licence en cybersécurité.

« 21 élèves font partie de cette première promotion. La cybersécurité n'est pas une compétence propre à notre domaine d'activité mais sur laquelle pour recruter il faut véritablement aller se battre pour faire la différence par rapport à d'autres entreprises », remarquait en octobre dernier Thierry Baril, DRH du groupe Airbus.

Une menace qui va durer

De son côté, la région Occitanie essaie de faire bouger les choses en proposant un nouveau service, Cyber'Occ. Ce centre d'expertise régional dédié à la cybersécurité permet aux entreprises (TPE, PME, etc) d'évaluer leur niveau de sécurité, se former et même de recruter. La collectivité souhaite avoir une montée en compétences dans l'écosystème pour éviter des menaces (trop) présentes.

« La question de la cybersécurité se posera en 2030, en 2040 et encore en 2050, c'est une menace structurelle et continue envers notre économie. Une entreprise sur quatre est en danger vital et nous voulons nous battre pour cette entreprise. Les cyberattaques rapportent deux fois plus d'argent que la traite d'humains, nous savons que tous les groupes criminels de la planète vont faire de la cyberattaque. Nous estimons pouvoir apporter notre pierre au rempart que nous sommes en train de construire », explique ainsi Marc Stulzman, confiant.

Pour rappel, au printemps 2019, le spécialiste toulousain des systèmes de menuiserie Technal, filiale du groupe norvégien Norsk Hydro, a dû faire face à une cyberattaque massive. Un hacker a déclenché une attaque qui a touché l'ensemble des ordinateurs du groupe (comptant près de 35.000 collaborateurs dans le monde). La filiale toulousaine a été durement impactée pendant près de 12 jours.

« Tout est informatisé sur le site. Sans ordinateur, on ne pouvait pas savoir si un colis était en phase d'emballage ou déjà expédié. Dans le magasin où sont stockées toutes les références, les produits sont localisés de manière informatique. Nous avons perdu au total 12 jours de production dans une période d'activité habituellement très importante pour nous », témoignait alors Daniel Roy, ex-vice-président de Norsk Hydro.

Plus récemment, en début d'année, c'est la clinique de L'Union du groupe Ramsey qui a été frappée de plein fouet par une cyberattaque. Ici encore, des personnes se sont introduites virtuellement dans l'établissement mais aucun vol de données n'a été recensé.

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