
« Nous traversons à l'extérieur de nos murs, une crise sociale et sociétale sans précédent. Jamais les générations d'actifs n'ont connu une telle fragmentation et une polarisation de la société. À ceci, s'ajoute un niveau d'inflation inédit depuis des décennies », alerte Dominique Delbouis, coordinateur FO d'Airbus Group, dans un courrier adressé ce mercredi 22 février à la direction des ressources humaines du géant européen. Le premier syndicat de l'avionneur (41,3% aux dernières élections professionnelles) profite de la missive pour demander « de rouvrir la politique salariale 2023-2024 dans les meilleurs délais ».
Augmentation de 6,8% sur deux ans
Il y a un an, les syndicats avaient obtenu la plus forte hausse consentie chez Airbus depuis 20 ans et l'une des plus importantes du secteur aéronautique. L'accord prévoit une hausse des salaires de 6,8 % sur 24 mois, dont 3,9 % pour la période allant de juillet 2022 à fin juin 2023 (2 % d'augmentation générale et 1,9 % d'augmentation individuelle) et de 2,9 % minimum (1 % de général et 1,9 % d'individuel) pour 2023-2024. Au-delà de l'inflation des prix, cet accord avait été signé après deux années de modération salariale à cause de la Covid (pas d'augmentation en 2020 et 1% de hausse sur l'année 2021).
Mais au moment où les partenaires sociaux s'étaient mis autour de la table avec la direction, la France venait d'enregistrer une inflation de « seulement » 2,8% fin 2021 alors que l'Insee a observé une augmentation générale des prix de 5,2% sur l'ensemble de l'année 2022.
Clause de revoyure des salaires
« Nous demandons la prise en compte du dérapage de l'inflation ces derniers mois. L'accord signé il y a un an prévoit une clause de revoyure. Nous partirons de l'inflation constatée en décembre 2022 pour démarrer les négociations pour la période 2023-2024 », explique Dominique Delbouis à La Tribune.
« Ce n'est pas parce qu'on travaille chez Airbus que la question des salaires n'est pas primordiale. Les salariés nous disent aujourd'hui que c'est difficile pour eux avec l'augmentation des prix sur l'essence, l'énergie mais aussi sur les produits du quotidien », faisait remarquer au mois de septembre Florent Veletchy, coordinateur CFTC du groupe Airbus. Son syndicat compte obtenir dans les prochaines semaines « une enveloppe supplémentaire correspondant au moins au delta d'inflation observé en 2022 ».
Contactée par La Tribune, la direction d'Airbus fait savoir que « les négociations sur la politique salariale 2023/2024 débuteront avant fin mars, comme prévu par la clause de revoyure de l'accord signé en 2022 ».
Voyant l'inflation déraper, les syndicats étaient montés au créneau dès le début du mois de septembre pour demander une geste immédiat de la direction en attendant les négociations prévues par la clause de revoyure. Airbus avait décidé de verser fin octobre une prime inflation de 1.500 euros bruts à ses salariés dans le monde entier.
Profits historiques pour Airbus
Lors des négociations, Force ouvrière souhaite aussi obtenir « une prise en compte de la mise en oeuvre des nouvelles classifications » de salaire. Au terme de 127 jours de négociations, la direction des ressources humaines d'Airbus en France et les syndicats viennent d'adopter le 10 février dernier le projet Reload, ce vaste programme de remise à plat et d'unification des accords d'entreprise qui intègre notamment une nouvelle grille salariale unique pour les près de 50.000 salariés d'Airbus en France. « Les nouvelles classifications vont avoir un impact assez fort sur les bases salariales. Mais il faut garder une marge de manoeuvre pour les salariés qui seraient déjà au minimum de la grille », fait valoir Dominique Delbouis.
Airbus a dévoilé le 16 février un bénéfice net record de 4,2 milliards d'euros pour l'année 2022 pour un chiffre d'affaires en progression de 13%, à 58,9 milliards d'euros, malgré des difficultés à augmenter comme prévu la production d'avions en raison des problèmes rencontrés par certains fournisseurs. Le groupe prévoit de recruter 3.500 salariés en France cette année dont 80% d'embauches prévues en Occitanie.
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