Après les raffineries de TotalEnergies, la grève s'étend en France à d'autres secteurs : éducation nationale, santé, transport ... mais aussi dans le secteur aéronautique. À Toulouse, une poignée de sociétés du secteur (Airbus, Safran, Thales...) ont répondu ce mardi 18 octobre à l'appel national à la grève générale pour réclamer une hausse des salaires face à l'inflation galopante.
Cortège toulousain de la manifestation du 18 octobre (Crédits : Rémi Benoit).
Les bas salaires de Sabena mobilisés
Au sein de la filière, la mobilisation monte crescendo depuis le début du mois. Les ouvriers du site toulousain de Sabena Technics, sous-traitant spécialisé dans la maintenance et la peinture aéronautique, ont ouvert la voie dès le 6 octobre dernier.
« Nous sommes à peu près 130 ouvriers dans l'entreprise et 100 % de ces ouvriers ont participé à la grève. Notre site compte 70% de bas salaires. Quand on enlève les tickets restaurant et les impôts sur les revenus, certains salariés se retrouvent avec 1.200 euros par mois », explique Ryan Roman, élu CGT au sein de Sabena Technics.
Difficile pour ces bas salaires de boucler les fins de mois face à l'explosion des prix de l'énergie et la hausse généralisée des étiquettes. Pendant quatre jours durant, les salariés ont tenu le piquet de grève. Ils espéraient une prime de 1.500 euros. Ils ont obtenu une prime kilométrique de 85 euros brut par jour et une prime de 250 euros brut par avion décapé. « Certains ouvriers étaient prêts à poursuivre la grève mais nous avons décidé de lever l'ancre parce que pour les collègues qui sont au Smic cela fait perdre trop d'argent de faire grève », ajoute Ryan Roman qui compte demander une augmentation générale de 10% lors des négociations annuelles sur les salaires.
Les syndicats de Safran maintiennent la pression
La semaine dernière, c'était au tour des syndicats CFDT, CFE-CGC et FO de Safran d'appeler à une grève sur l'ensemble des sites du groupe en France. Un mouvement très suivi à Toulouse où le groupe aéronautique a établi le siège social de Safran Electrical & Power et dispose de plusieurs sites de production. Près de 300 personnes ont fait grève sur trois sites de la Ville rose d'après David Dijoux,coordinateur FO chez Safran. Chez l'industriel, les grèves ne sont pas légion. Même pendant la crise de la Covid, les syndicats avaient rapidement obtenu un accord sans départ contraint sans connaître de grandes manifestations comme à Airbus par exemple.
« Nous avons vécu la crise aéronautique et nous avons accepté de faire des compromis pour maintenir les emplois. L'année dernière, nous avons accepté de continuer à nous serrer la ceinture car la reprise du trafic était plus lente que prévu. Nous avons accepté une politique salariale plafonnée à 2,8% pour 2022. Mais à ce moment-là, l'inflation n'était pas à aussi élevée qu'aujourd'hui. Et maintenant, la direction nous demande encore de nous serrer la ceinture alors que des dividendes vont être reversés aux actionnaires. Ce n'est pas possible », dénonce David Dijoux.
Les salariés ont bien obtenu cet été une mesure de rattrapage mais cela reste insuffisant pour l'intersyndicale. « Cela représentait 52 euros bruts pour les salaires en-dessous de 40.000 euros. Mais aujourd'hui, l'inflation est trop importante, avec l'augmentation des factures de chauffage, l'hiver va être compliqué. Il faut absolument des mesures pour les salariés », ajoute l'élu. L'intersyndicale demande une prime immédiate pour compenser l'inflation et notamment un retour de l'abondement vers les plans d'épargne en attendant les prochaines négocations annuelles sur les salaires. Les syndicats appellent à une nouvelle grève ce jeudi. De son côté, la direction indique que « les réunions de concertation avec les partenaires sociaux se poursuivent dans la continuité des revalorisations salariales réalisées en début d'année puis à l'été ».
Dilemme au sein des syndicats de Daher et Airbus
En revanche, chez Daher, la CGT a mis fin en fin de semaine dernière à trois jours de grève menés sur le site près de Toulouse. Les salariés n'ont pas obtenu gain de cause concernant leurs revendications à savoir 10% d'augmentation des salaires et une prime de 1.000 euros. « Depuis 2020, l'inflation frôle les 10% et depuis deux ans, nous avons obtenu autour de 6 % seulement d'augmentation alors que Daher est l'une des sociétés aéronautiques qui a le mieux traversé la crise », déplore Jacques Vigneron, trésorier CGT chez Daher. L'industriel prévoit 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires cette année, un montant supérieur à celui de l'avant-crise (1,2 milliard d'euros en 2019).
Pour autant, le mouvement initié par la CGT n'a pas été suivi par les autres organisations syndicales de Daher. « Nous ne sommes pas dans le même schéma qu'un groupe comme Total générant des super profits. Quand on regarde le résultat de Daher, notre société ne gagne pas assez d'argent malgré le chiffre d'affaires annoncé. De notre côté, nous misons plutôt sur les prochaines négociations annuelles sur les salaires pour obtenir un réel amortisseur social et non pas juste des primes », fait valoir, Jérôme Crespin coordinateur CFDT Daher. Avant d'ajouter : « La responsabilité d'un syndicat, ce n'est pas non plus de mettre des gens dans la rue pour gagner une prime de quelques centaines d'euros ni de leur faire perdre encore plus de pouvoir d'achat avec des jours de grève non payés ». De son côté, la direction de Daher indique « être fortement mobilisée sur les difficultés de pouvoir d'achat rencontrées par ses salariés » en citant par exemple « la monétisation des heures supplémentaires » ou encore « la mise en place d'une application de covoiturage pour atténuer la hausse des prix des carburants ». "Par ailleurs, les mesures salariales prévues par accord ont été avancées de deux mois et versées dès le mois de septembre", ajoute-t-elle.
Faut-il manifester aujourd'hui pour décrocher rapidement des avancées ou attendre le début d'année prochaine pour obtenir potentiellement plus ? C'est le dilemme auquel sont confrontés les syndicats de la filière.
À Airbus, des salariés de la FAL A320 à Toulouse se sont mis en grève soutenus par la CGT ce mardi pour demander des efforts immédiats sur les bulletins de paie. Une action qui n'a pas été suivie par FO, le premier syndicat de l'avionneur, qui compte privilégier les négociations collectives avec la direction. Pour autant, les principaux syndicats d'Airbus sont en train de monter au créneau auprès de la direction sur ce sujet. « Au vu du dérapage actuel de l'inflation, qui est quand même assez exceptionnel, nous réfléchissons à ce qui pourrait être mis en place dans l'urgence et à demander à la direction une avance avant la fin de l'année pour l'ensemble des salariés du groupe », annonçait dans La Tribune début septembre Dominique Delbouis, coordinateur FO d'Airbus Group.
Sujets les + commentés