Depuis plusieurs jours, ils ont installé le piquet de grève. À Launaguet (Haute-Garonne), les salariés de Mecachrome se relayent devant leur usine pour maintenir la pression. Quatre jours par semaine, des salariés organisent un débrayage de trois heures pour chacune des trois vacations qui animent la vie de ce sous-traitant aéronautique, où s'affairent au quotidien 150 salariés habituellement sur ce site. De source syndicale, ce mouvement serait suivi par 80 à 90% des salariés de la production, à Toulouse, le seul site de l'entreprise qui a lancé un mouvement de grève. En cause ? Les négociations annuelles obligatoires (NAO) ouvertes à la fin du mois d'avril.
Dans sa première proposition, la direction du sous-traitant aéronautique qui emploie au total 2.400 salariés proposait une augmentation générale des salaires de +2%. Une offre pas du tout à la hauteur des demandes des syndicats. "Nous avons consulté les salariés. Ils demandent une revalorisation salariale générale de +7%, avec un talon de 200 euros (augmentation minimum, ndlr)", revendique un membre de la CGT au sein de Mecachrome, qui préfère taire son nom. Du côté de Force Ouvrière (FO), "nous étions partis au début des négociations avec une demande d'augmentation générale de +5%, +2% en augmentation individuelle, soit une enveloppe de +7% aussi. Mais nous demandions un talon de 100 euros", ajoute Jacky Chauvière, délégué du syndicat chez Mecachrome, travaillant sur le site d'Amboise (Indre-et-Loire). En raison notamment de cette divergence sur la question du montant du talon, la CGT, FO et la CFTC n'ont réussi à mettre sur pied une intersyndicale.
Et ce malgré le contexte économique pressant pour les salariés. Entre l'augmentation des prix de l'énergie et des denrées alimentaires ces dernières semaines, ainsi que la revalorisation du SMIC, les salariés du sous-traitant aéronautique se sentent pris en étau. "Le coût de la vie repart fortement à la hausse depuis un certain temps et on ne nous donne rien pour y faire face, donc nos demandes sont légitimes", estime un salarié, qui était présent sur le piquet de grève organisé au rond-point de la Crabe, devant un site d'Airbus à Toulouse, jeudi 12 mai. Ce jour-là, certains grévistes de Mecachrome sont venus soutenir les salariés grévistes de l'ESN Capgemini, eux aussi mobilisés pour obtenir une revalorisation salariale.
Des positions qui se rapprochent légèrement
Spécialisée sur l'assemblage de sous-ensembles et de pièces de grandes dimensions, la société qui a installé son siège social à Blagnac (Haute-Garonne) paierait les pots cassés de plusieurs années de revalorisations salariales quasiment nulles. "Aujourd'hui, on galère avec nos salaires car l'inflation est là. Mais cela fait des années que les augmentations de salaire sont ridicules voire inexistantes", explique Clément Verger, le secrétaire syndical CGT de Mecachrome, chaudronnier depuis neuf années au sein de la société. "Cela fait des années que les salaires ne sont pas augmentés, ou très peu. Nous avons retracé l'historique des sept dernières années. Sur celles-ci, nous avons trois années blanches et d'autres avec des augmentations minimes", confirme Jacky Chauvière. À l'occasion de la NAO de l'année 2021, les salariés avaient tout de même obtenu une révision générale à la hausse des salaires de +1% selon des représentants du personnel.
Contactée par La Tribune, la direction ne souhaite faire aucun commentaire sur ces discussions, alors que le dernier round de négociations avec les syndicats a eu lieu dans la matinée du mardi 17 mai. Il semblerait néanmoins que celle-ci, au jeu des négociations avec les syndicats, ait lâché un peu de lest.
"La société, consciente de la difficulté des contextes économiques et sociaux actuels et au vu des principales revendications des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, a centré ses principales propositions sur des mesures principalement axées sur le pouvoir d'achat et a réitéré son souhait de privilégier un dialogue social de qualité", peut-on lire sur le projet d'accord entre les deux parties que La Tribune a pu consulter.
Lors de cette réunion décisive, la direction a proposé pour les salariés non-cadres une augmentation générale de +3,5% avec un talon de 65 euros. Du côté des salariés cadres, une augmentation individuelle de +3,5% est prévue, avec aussi un minimum de 65 euros si l'ancienneté dans l'entreprise est supérieure à un an. En plus de la possibilité d'un acompte sur le versement du 13ème mois, les représentants du personnel ont obtenu une revalorisation de la valeur du ticket restaurant de 8 euros à 8,80 euros.
"Pour 20 jours travaillés, cela fait 9,60 euros net supplémentaires par mois pour un salarié (...) Avec cette NAO, nous avons réussi à compenser la hausse du SMIC pour les bas salaires. Dans l'ensemble, ce que nous avons obtenu n'est pas insatisfaisant mais ce n'est pas mirobolant non plus...", commente le représentant FO, qui précise la présence d'une clause de suivi dans le contrat, et donc de potentielles négociations à venir, seulement en cas de revalorisation du SMIC décidée par le futur gouvernement d'Élisabeth Borne.
Mecachrome en pleine réorganisation
Néanmoins, FO a décidé de soumettre le projet d'accord au vote du personnel avant de prendre position, comme d'autres syndicats. Ces derniers ont jusqu'au vendredi 20 mai pour signer le document, sans quoi la direction de Mecachrome pourrait appliquer d'autres mesures de manière unilatérale bien que cela ne soit pas dans son intérêt. À contrario, la CGT a déjà fait savoir son désaccord et son intention de ne pas signer le texte.
"Ce n'est toujours pas satisfait à nos yeux donc nous avons vôté en assemblée générale la reconduction de la grève pour mercredi (18 mai), jeudi (19 mai) et lundi (23 mai). C'est trop loin de nos attentes", justifie Clément Verger.
Dans les rangs des salariés, une certaine incompréhension entoure le comportement de la direction alors que les actionnaires de la société (Tikehau à 66% et BPi à 34%) ont consenti dernièrement à d'importants investissements dans des opérations de croissance externe. Actuellement, Mecachrome prépare avec WeAre la naissance, avec leur fusion, d'un géant de la sous-traitance aéronautique de 3.600 salariés et 450 millions d'euros de chiffre d'affaires.
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