À Toulouse, le site d'Air France Industries menacé ?

Des salariés du site d'Air France Industries à Toulouse sont en grève depuis plusieurs jours. Face au remplacement annoncé par la compagnie des avions de la famille A320 au sein de sa flotte par des A220, les 280 salariés toulousains spécialisés sur la maintenance des premiers cités se retrouvent sur le papier sans activité. De quoi craindre une fermeture du site quelques mois après un plan de départs volontaires ? Contactée par La Tribune, la direction d'Air France se veut rassurante à ce sujet et propose un tournant militaire à ce site industriel. Une mono-activité dangereuse selon les syndicats.
Le site d'Air France Industrie à proximité de l'aéroport Toulouse-Blagnac est ouvert depuis 2004.
Le site d'Air France Industrie à proximité de l'aéroport Toulouse-Blagnac est ouvert depuis 2004. (Crédits : Rémi Benoit)

Après un nouveau débrayage de plusieurs heures jeudi 12 mai, les 280 salariés du site Air France Industries, situé à proximité de l'aéroport Toulouse-Blagnac, ont décidé de reconduire leur mouvement de grève pour les jours à venir. La raison ? La confirmation de la commande de 60 A220 de la compagnie française auprès du constructeur Airbus. Le lien entre les deux ? Les conséquences sur leur activité et donc la pérennité de leur emploi.

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Air France a opté pour cet appareil, dont cette première commande comprend aussi une trentaine de ces avions en option, afin de retirer de sa flotte les A318, A319 et A320 dans les toutes prochaines années. Ces avions nouvelle génération sont tout particulièrement moins bruyants et surtout moins énergivores. Seulement, ce choix stratégique a des conséquences sur le site de maintenance d'Air France basé à Toulouse, qui est d'ailleurs le seul en province.

"Ici, nous étions en charge de tout l'entretien et de la maintenance des avions de la famille A320 de la flotte. Aujourd'hui, on nous dit qu'ils vont être remplacés par des A220. Mais leur maintenance se fait et est prévue de se faire uniquement dans les centres parisiens", regrette Rémi Carlier le délégué syndical CGT chez Air France Industries.

Un front syndical face à la direction

En plus de la CGT, les syndicats Force Ouvrière et Sud Aérien sont aussi opposés à cette réorganisation. "Les salariés revendiquent légitimement que la maintenance de la nouvelle flotte venant se substituer à la famille A320 leur revienne afin de maintenir l'activité du centre et ainsi pérenniser leurs emplois et leur avenir", ont ainsi écrit tous les trois dans un communiqué commun.

"Le plan d'entretien des appareils de nouvelle génération nécessite des opérations de maintenance moins fréquentes (que les appareils d'ancienne génération) avec de premières échéances fixées à 2026 pour l'A220. L'activité du site devait donc être organisée afin d'assurer sa pérennité à court et moyen-terme", explique à La Tribune un porte-parole d'Air France.

Pour les syndicats, l'autre aspect de ce sujet est d'ordre financier. "La direction nous a expliqué qu'il n'était pas possible de mener en doublon les investissements pour la maintenance de ces nouveaux appareils, à savoir sur les sites parisiens et sur le site de Toulouse", peste Rémi Carlier. "Toutes les entités d'Air France participent au plan de transformation de l'entreprise visant à améliorer ses résultats, dans le contexte d'une crise dont les effets persistent", tient à contextualiser cette source au sein de la compagnie française.

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En soit, cette annonce n'est pas nouvelle en interne. La direction d'Air France précise que ce projet a été présenté aux salariés du site toulousain à l'été 2020. Depuis, la crise sanitaire a compliqué la mobilisation des salariés et les opposants à cette décision se sont donc mobilisés principalement depuis la mi-avril. Aujourd'hui, 85% des salariés de la production seraient en grève selon les syndicats.

Un plan de départs volontaires récent

Cependant, la viabilité du site à court terme n'est pas menacée de l'aveu même de plusieurs sources syndicales. Malgré la perte annoncé de la maintenance de la famille A320, le site de Toulouse doit récupérer l'entretien et la maintenance d'avions gros porteurs selon le plan prévu par la direction d'Air France. Environ 12 millions d'euros d'investissement sont prévus sur place pour mener à bien des travaux d'adaptation des hangars, entre juin et octobre 2022.

"Le projet de la direction d'Air France consiste en un changement de paradigme puisque la production historiquement basée sur l'entretien de la flotte Air France disparaitrait pour laisser place à une production issue de chantier de maintenance d'avions militaires (AWCS, A330 MRTT)", écrivent les trois syndicats dans leur communiqué.

Dans les faits, "ils vont remplacer les six lignes qui pouvaient accueillir chacune un A320 par seulement deux lignes pour accueillir ces avions", précise le représentant de la CGT. "Aujourd'hui, l'AWCS ne rentre pas dans nos hangars. Par ailleurs, ces avions mobilisent moins de personnel. Un AWCS c'est seulement 30 agents par jour", poursuit-il. Un aspect dont la direction d'Air France a conscience puisqu'elle a mené un plan de départs volontaires au cours de l'année 2021 pour son site de Toulouse, qui a concerné 80 personnes. Une réduction progressive des effectifs qui inquiète les syndicats alors que cette usine comptait 575 salariés à son ouverture en 2004.

Les 280 salariés encore en place vont quant à eux être amenés à travailler sur les sites parisiens quelques semaines, le temps des travaux, ce qui permettra à la compagnie de les former à la maintenance de "leurs" futurs appareils. "Toutes les dispositions ont été prises pour prendre en charge et avancer auprès des salariés les frais lorsqu'ils effectuent des renforts à Paris-Charles de Gaulle", promet Air France. Selon les syndicats, et dans le souci de motiver les salariés, un accord avec un hôtel aurait été trouvé pour éviter à ces techniciens d'avancer les frais de leurs déplacements qui s'annoncent réguliers jusqu'à la fin du troisième trimestre.

Éviter la mono-activité

Malgré ces perspectives pour le site de Toulouse, les salariés concernés ne semblent pas autant rassurés sur leur avenir. "Ce projet nous enfermerait dans une mono-activité qui pourrait mettre en péril l'entièreté des emplois du site, si les contrats militaires n'étaient pas renouvelés", explique l'intersyndicale.

"L'AWAC est un programme qui a 45 ans déjà ! Voilà ce qu'on nous donne...On nous promet également de récupérer la maintenance des A330 de la flotte civile d'Air France mais eux aussi doivent être retirés de la flotte à horizon 2024/2025. Pour ce qui est des A330-MRTT de l'armée française, ils en ont seulement trois aujourd'hui et l'armée prévoit d'en avoir une douzaine maximum. De plus, Air France est en train de négocier avec Airbus pour renouveler le contrat de maintenance de ces appareils. Et s'il n'est pas renouvelé ?", questionne Rémi Carlier de la CGT.

Malgré ces craintes, la direction d'Air France se veut rassurante. "La charge de maintenance des AWACS, transférée depuis le site d'Air France Industries de Paris-CDG, sera complétée par la maintenance d'appareils long-courriers Airbus pour le compte d'Air France ou de compagnies clientes d'Air France Industries", garantit un porte-parole de l'entreprise. Suffisant pour éloigner le spectre d'une mono-activité périlleuse pour n'importe quel site industriel comme peut en témoigner l'usine Bosch de Rodez dans l'Aveyron ?

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Commentaire 1
à écrit le 13/05/2022 à 19:38
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Edifiant ! Cela sous-tend un état d'esprit ... particulier dans cette entreprise, et de nombreuses autres issues de structures nationales. Si les mêmes étaient à la SNCF on en serait encore au train à vapeur, pour protéger les agents en charges de...

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