"S'il y a une offre mieux-disante pour Sigfox, c'est celle d'OTEIS" (Rafi Kouyoumdjian)

Dans la dernière ligne droite avant la désignation du repreneur du spécialiste de l'IoT Sigfox, jeudi 21 avril, chacun des candidats fait valoir ses arguments pour être sélectionné par le tribunal de commerce de Toulouse. Alors que la lumière se porte actuellement vers le candidat Unabiz, bloqué par Bercy, son principal concurrent OTEIS souhaite ne pas être oublié et prend la parole dans La Tribune. "Il commence à s'installer l'idée qu'il y a un seul et unique repreneur sérieux pour Sigfox et qu'il n'y a pas d'alternative", regrette et conteste fermement Rafi Kouyoumdjian, le PDG d'OTEIS. Entretien.
Rafi Kouyoumdjian, le PDG d'OTEIS France, pourrait devenir le prochain directeur général de Sigfox si sa société est retenue par le tribunal de commerce de Toulouse.
Rafi Kouyoumdjian, le PDG d'OTEIS France, pourrait devenir le prochain directeur général de Sigfox si sa société est retenue par le tribunal de commerce de Toulouse. (Crédits : OTEIS France)

La Tribune - Contrairement à d'autres candidats dans ce dossier Sigfox, vous, OTEIS, étiez discret jusqu'à aujourd'hui et ce depuis le début de la procédure fin janvier. Pourquoi prenez-vous la parole aujourd'hui ?

Rafi KOUYOUMDJIAN - Nous étions discrets car les procédures de redressement judiciaire sont toujours des situations délicates. Trop sortir dans les médias et trop communiquer peut être interprété comme une sorte de pression exercée sur le tribunal de commerce de Toulouse.

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Mais là, nous souhaitons nous exprimer car il commence à s'installer l'idée qu'il y a un seul et unique repreneur sérieux pour Sigfox et qu'il n'y a pas d'alternative. C'est Unabiz, ou la faillite pour Sigfox, et que le seul problème de ce candidat est le fait que ce soit une société étrangère. Alors, nous, nous levons le doigt pour montrer que nous sommes aussi présents dans la course, avec des arguments à mettre en avant.

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À ce propos, quels sont les points de différence entre vous et vos concurrents (Actility et Unabiz), notamment sur le volet social, pour la reprise de Sigfox, qui est un aspect très regardé par le juge-commissaire ?

Sur la reprise des effectifs en France, nous sommes quasiment identiques avec notre principal concurrent. Nous proposons de reprendre 127 salariés de la startup, soit un de moins qu'Unabiz. Mais contrairement à lui, OTEIS propose de reprendre également la filiale Sigfox Dubaï, qui compte cinq salariés dont trois Fiançais.

Par ailleurs, lors des divers échanges, le CSE de la société et les administrateurs judiciaires nous ont demandé d'accompagner financièrement les salariés non-conservés à l'issue du processus. Pour cela, nous proposons une enveloppe de 150.000 euros, contre 100.000 pour le second et 50.000 euros pour le dernier concurrent. Tous les salariés non gardés ne piocheront pas dans cette enveloppe car elle est destinée à financer des solutions de reclassement pour ceux qui en ont besoin. Gérée par les administrateurs judiciaires, elle est distribuée aux salariés qui ont ou auront besoin de formations, coachings et divers accompagnements. Donc s'il y a une offre mieux-disante pour Sigfox, c'est celle d'OTEIS.

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Quelles sont vos ambitions financières avec cette entreprise spécialisée dans l'Internet des Objets (IoT) ? Quels sont vos engagements sur le volet économique pour le redressement de Sigfox ?

C'est une société qui a besoin d'engranger rapidement du chiffre d'affaires (...) En 2023, pour Sigfox Corp (Sigfox Corp et Sigfox France sont concernées par la procédure de redressement judiciaire, ndlr), nous prévoyons un chiffre d'affaires de 20,8 millions d'euros et en 2024 nous tablons sur 26,4. En matière d'investissements, notre projet comprend 18 millions d'euros d'investissement sur les trois ans à venir et nous pourrons aller plus loin si nécessaire. Nous avons dans les caisses ces montants évoqués, au sein d'un groupe qui est rentable. En face, nous avons des réserves financières qui dépassent largement les 18 millions d'euros nécessaires.

Ce n'est pas le cas de nos deux concurrents, qui ne sont pas encore rentables et qui perdent de l'argent. Je ne suis pas sûr qu'ils aient dans leurs caisses tout l'argent nécessaire sans dépendre de décision extérieure.

Selon des informations de La Tribune, le CSE s'inquiète dans votre offre du grand ménage que vous souhaitez effectuer au sein du comité de direction actuelle de Sigfox et des impacts potentiels que cela pourrait avoir sur la transition. Si OTEIS reprend la société toulousaine, quelle organisation souhaitez-vous mettre en place ?

Dans la direction actuelle, il y a un certain nombre de personnes qui ne souhaitent pas poursuivre l'aventure tout d'abord. Il n'y a qu'avec Christophe Fourtet, l'inventeur de la technologie Sigfox et cofondateur de la société, que nous avons pris l'engagement de tout faire pour trouver un accord avec lui afin de poursuivre l'aventure ensemble. Nous souhaitons qu'il occupe un rôle stratégique à nos côtés. Pour ma part, je me suis engagé personnellement à prendre la direction générale de Sigfox et à y passer du temps.

Dans une équipe d'un peu plus d'une centaine de personnes, il n'y a pas besoin de beaucoup de "grands patrons". Il faut revenir à une certaine réalité. Si OTEIS reprend Sigfox, nous voulons pour cette dernière un management plus simple, plus direct et plus efficace. Dans notre esprit, il y aurait trois responsables techniques avec des domaines précis (cloud et services, télécoms, technologies), et un qui coordonne l'ensemble. Est-ce-qu'il faudra une couche de management au-dessus d'eux ? Je ne sais pas, mais si besoin nous compléterons. La couche n-1 actuelle de Sigfox est une couche de qualité que nous souhaitons responsabiliser. Mais pour retenir l'ensemble des talents de la société, nous souhaitons leur proposer de s'engager pleinement à nos côtés. "Vous savez faire, nous, on va vous aider à le faire et à le faire ensemble", voilà la ligne.

Parmi les trois derniers concurrents sérieux pour la reprise de Sigfox, vous semblez être celui qui connait le moins bien l'univers de l'IOT, ou du moins pour lequel l'intérêt de s'engager dans ce dossier est le moins évident. Alors, pourquoi OTEIS s'intéresse de très près à Sigfox ?

Une partie de la réponse repose tout d'abord sur moi. Je suis un entrepreneur et j'ai passé toute ma vie dans la tech. J'aime bien développer des entreprises et je m'y connais dans le redressement des entreprises. De plus, j'ai un réseau dans le domaine des télécoms et j'en connais ses codes. Oui, on peut me dire que je ne connais pas autant que untel ou untel le domaine de l'IoT, mais regardez où ont mené Sigfox ceux qui s'y connaissaient...

Pour ce qui est de OTEIS, il peut y avoir énormément de synergies avec Sigfox, notamment en développement l'IoT dans le domaine du bâtiment (OTEIS est spécialisée dans le conseil et l'ingénierie du bâtiment). Nous avons un vrai savoir-faire sur ce point, et nous travaillons avec des partenaires comme Bouygues, Vinci ou Eiffage. Nous pourrons discuter directement avec eux pour voir comment accélérer le digital dans leur domaine. Enfin, grâce à notre réseau de 22 agences OTEIS en France, nous pourrons faire du développement commercial avec Sigfox France et enclencher rapidement une dynamique.

Mais, au-delà du bâtiment, nous aurons une approche multi-sectorielle pour les compétences de Sigfox.

Quelles seront les premières mesures fortes que vous pourriez prendre rapidement à la tête de Sigfox, au-delà du maintien du centre de décision à Toulouse ?

Nous avons mis sur pied un plan à 100 jours pour agir dès le lundi qui suivra la décision tribunal de commerce de Toulouse, décliné en sept axes, avec une série d'actions pour chacun. Par exemple, nous devons remettre à plat tous les accords de distribution pour le bénéfice de tous, tout comme nous devons nous occuper de la migration du réseau français dont les coûts d'hébergement aujourd'hui sont trop importants. L'objectif est d'avoir pris l'ensemble des décisions importantes avant juillet 2022.

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