Télécoms : comprendre le différend Scopelec - Orange en quatre questions

Le groupe Scopelec vient d'assigner en justice l'opérateur Orange pour "rupture brutale de la relation commerciale", après une relation partenariale historique entre les deux acteurs des télécoms. Voici un décryptage en quatre questions pour identifier les raisons d'un tel dénouement.
Le groupe Scopelec, partenaire historique d'Orange dans l'entretien et le développement des réseaux télécoms, se rebiffe.
Le groupe Scopelec, partenaire historique d'Orange dans l'entretien et le développement des réseaux télécoms, se rebiffe. (Crédits : Pierrick Merlet)

Qui est Scopelec ?

Son nom ne vous dit peut-être rien et pourtant, elle est la plus grande Scop de France, avec 3.600 salariés. Ces dernières années, ce modèle d'entreprise a pris une nouvelle ampleur avec le désir de nombreux salariés dans les entreprises d'une prise de décision partagée et d'un souhait d'investissement autour de leur outil de travail. Basée à l'Abbaye-Ecole de Sorèze (Tarn), l'installateur et le réparateur de réseaux de télécommunications peut se vanter d'avoir près de 75% de ses salariés comme sociétaires actuellement. Fondée en 1973, Scopelec est devenue avec le temps une référence dans son secteur, en étant notamment un fidèle et important partenaire d'Orange ces dernières décennies. "Scopelec faisait partie de nos deux plus gros sous-traitants", confirmait même récemment à La Tribune Marc Blanchet, directeur technique et du système information d'Orange France. Ces dernières années, le business de la Scop a été porté en particulier par le plan France très haut débit, lancé en 2014, avec une enveloppe de 20 milliards d'euros, qui doit permettre à l'ensemble des territoires de disposer du haut débit en 2022. Mais aujourd'hui, l'entreprise qui pèse pour 475 millions d'euros de chiffre d'affaires dans l'univers des télécoms est menacée par l'amputation à venir de 40% de son chiffre d'affaires, soit le poids des contrats qu'elle vient de perdre avec Orange suite à des nouveaux appels d'offres pour l'entretien et l'installation de réseaux télécoms émis par l'opérateur pour la période 2022-2025.

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Pourquoi Orange a décidé de réduire sa relation commerciale avec la société ?

Selon l'opérateur français, ce sont principalement des défauts de qualité dans les interventions qui l'ont mené à prendre cette décision envers Scopelec. "Scopelec n'a pas respecté ses engagements contractuels, avec des défaillances répétées qui ont impacté la qualité de service de nos clients. Malgré nos avertissements et nos mises en demeure, la direction de Scopelec n'a pas pris les actions nécessaires pour rétablir la qualité de service. Il s'agit des délais d'intervention, de rendez-vous manqués avec les clients ou de la qualité des interventions qui nécessitaient parfois d'intervenir une nouvelle fois. Nous évaluons cela grâce à divers indicateurs", avait ainsi confié Patricia Goriaux, la directrice Orange Grand Sud-Ouest dans un entretien accordé à La Tribune le 20 janvier dernier. Il y avait de "très gros défauts et problèmes de qualité", a confirmé Marc Blanchet il y a quelques jours, ce que refuse d'entendre Scopelec et son président du directoire Thomas Foppiani. "Dans des zones perdues (après l'appel d'offres, ndlr) ces derniers mois, nous avons eu une suractivité de plus de 25% par rapport au contrat qui s'achève alors qu'on dit de nous qu'on est de piètre qualité dans nos interventions. C'est incohérent...", lui a alors répondu le dirigeant le 21 mars.

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Quel est le noeud du problème dans ce différend entre Orange et Scopelec ?

Placée en procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce de Lyon tout récemment, Scopelec et sa direction ne contestent pas la perte des contrats mais plutôt la méthode, et tout particulièrement les délais de prévenance sur la perte des contrats. Aujourd'hui, tout le débat se trouve autour de ce point. Interrogé par La Tribune, Thomas Foppiani dit avoir été notifié officiellement "il y a quelques semaines" de la perte de ces contrats, ce que conteste Orange. "Le contrat actuel est entré en vigueur en 2015 et il prend fin au 31 mars 2022. Comme le veut la procédure, nous avons formalisé auprès de la dizaine de partenaires que nous avons au niveau national de la fin de ce contrat il y a 18 mois. Nous avons rédigé un nouveau cahier des charges, avec toujours l'entretien des réseaux cuivre et fibre, pour les années 2022 à 2025, inclus. Pour celui-ci, la France est découpée en 35 zones à remettre à la charge de nos futurs partenaires, dont trois en Occitanie. Au cours du premier semestre 2021, il y a eu des dossiers remis par les candidats, gérés au niveau national, puis des oraux réalisés. À l'issue de cela, nous avons arrêté une short-list, dans laquelle ne figurait pas Scopelec. La direction de Scopelec a été informée à l'été 2021 qu'elle n'était pas dans ce listing", avait tenu à exposé Patricia Goriaux dans son entretien. Pas satisfait de la réponse et des discussions entamées à l'amiable avec Orange, Scopelec vient d'assigner en justice l'opérateur pour "rupture brutale de la relation commerciale" et Orange ne cesse de marteler qu'il a respecté les délais de prévenance légaux. Cette décision n'est en soit pas une surprise. Thomas Foppiani avait annoncé dans La Tribune quelques jours plus tôt son intention de se battre "avec de nouvelles armes", dans une affaire qui aller "prendre un tournant judiciaire", après avoir été jusqu'alors "un sous-traitant docile".

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Quels sont les enjeux dans ce dossier ?

C'est principalement Scopelec qui a le plus à sauver dans le cadre de ce dossier, tout d'abord sur le plan économique. La société qui a connu une croissance fulgurante (son chiffre d'affaires n'était "que" de 120 millions d'euros en 2012) doit accélérer sa transformation et sa diversification afin de combler comme il le peut les 40% de chiffre d'affaires (sur 475 millions) qui vont s'envoler à la fin du contrat au 31 mars. "Tout ne s'arrêtera pas brutalement au 31 mars pour eux et nous allons fournir à l'entreprise 200 millions d'euros d'activité en 2022", avait réagi Marc Blanchet, directeur technique et du système information d'Orange France auprès de La Tribune. Pas réaliste pour Thomas Foppiani qui espère à l'issue de cette procédure judiciaire "un accompagnement, y compris financier, face aux préjudices subis" dans un objectif de pouvoir financer la mutation de Scopelec et sauver les emplois. La direction de cette dernière assure qu'environ un millier de salariés vont se retrouver sans activité d'ici la fin de semaine et la fin du contrat majeur avec Orange. L'objectif pour Scopelec est donc aussi de faciliter l'aboutissement d'un accord entre le CSE et les nouveaux entrants sur le marché de l'entretient des réseaux télécoms dans les régions concernées afin de favoriser le transfert de salariés de Scopelec vers ces sociétés. Seulement, les salariés veulent garder leur salaire et leur ancienneté, ce qui semble être un point de blocage pour une partie des nouveaux prestataires d'Orange.

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