A Toulouse, les livreurs ubérisés, interdits de manifestation, maintiennent leur rassemblement

Alors que leurs conditions de travail se dégradent d'année en année, les livreurs ubérisés toulousains entendent se réunir ce samedi 5 décembre pour manifester. Un rassemblement qui fait écho à celui du 30 octobre, ce dernier ayant provoqué un succès inattendu. Pour autant, le préfet de Haute-Garonne n'a pas accordé le droit de manifester aux coursiers, provoquant incompréhensions et possibles désobéissances.
Les livreurs ubérisés proteste notamment contre l’augmentation du prix des commandes et la fin des blocages de compte.
Les livreurs ubérisés proteste notamment contre l’augmentation du prix des commandes et la fin des blocages de compte. (Crédits : Reuters)

« Ce samedi sera un jour de très forte affluence dans les rues de Toulouse notamment parce que tout le monde veut pouvoir faire ses courses de Noël et profiter de la réouverture des commerces. La présence de manifestants viendra accroître l'affluence dans le centre-ville. Le virus circule très activement et les mesures barrières ainsi que le confinement doivent être respectés au maximum. Nous devons rester extrêmement vigilants et attentifs aux autres. Les forces de l'ordre ne tolèreront aucune perturbation liée à ces manifestations. Elles seront pour l'occasion en nombre et très mobilisées. Si la liberté de manifester est un droit inaliénable, celles de se déplacer et de travailler en toute sécurité le sont également", tel est le message communiqué par le préfet de Haute-Garonne Etienne Guyot ce vendredi 4 décembre.

Cette ordonnance s'applique notamment à la grève des livreurs ubérisés prévue le samedi 5 décembre 2020 à 18h30. A travers celle-ci, les coursiers des plateformes Uber Eats, Stuart ou Deliveroo entendent défendre l'augmentation du prix des commandes, la fin de la mise en concurrence des livreurs et la fin des blocages de compte, entre autres.

"Une manifestation à 10 heures est organisée à l'occasion de la journée contre la précarité, explique Yohan Taillandier, secrétaire général du syndicat des livreurs ubérisés toulousains. Une autre est prévue à 14 heures contre la loi sécurité. Il y a trop de manifestations demain et la nôtre n'est pas la bienvenue. La préfecture nous a dit qu'elle craint que des personnes d'autres manifestations se joignent à notre cortège et que cela dégénère. Nous sommes surpris de cette interdiction, nous sommes privés d'un droit constitutionnel. Nous avions même envisagé de raccourcir notre trajet pour satisfaire la préfecture mais cela n'a pas suffi. Nous ne savons pas encore ce que nous ferons au final, mais nous appelons malgré tout les livreurs à se réunir au point de rendez-vous demain."

"Le rapport de force semble commencer à s'inverser"

Le secrétaire général du syndicat des livreurs ubérisés toulousains ne comprend pas cette décision de la préfecture. D'autant plus que le 30 octobre dernier, le secteur s'était déjà réuni pour manifester pour les mêmes raisons. Aucun débordement n'a d'ailleurs été à signaler lors de ce rassemblement. Pourtant, celui-ci a pris une dimension plus importante que prévu.

"La manifestation du 30 octobre a été un gros succès, raconte Yohan Taillandier. Nous nous attendions à 15 ou 20 livreurs, nous étions au final entre 110 et 130. Il y a eu aussi d'autres grèves à Bordeaux, Lyon, Agen ou encore Lille. Nous avons écrit un courrier à Deliveroo et Uber Eats. Ce dernier nous a répondu, mais ils ne répondent à aucune de nos revendications. Ils nous disent juste que le nombre d'entreprises sur la plateforme va augmenter, donc le nombre de commandes aussi. Mais cela est loin de résoudre nos problèmes. Mais le rapport de force semble commencer à s'inverser. Nous avions appelé les livreurs à ne pas prendre de commandes les soirées de grèves. A 21h30, le prix d'une livraison plafonnait à 11 voire 12 euros. Je n'avais jamais vu ça. Cela prouve bien que nous pouvons faire réagir les plateformes".

Lire aussi : Les "livreurs ubérisés" de Toulouse appelés à suspendre leur activité pour obtenir une meilleure paie

Une dégradation constante des conditions de travail

Si les coursiers entendent bien poursuivre leur mouvement, c'est parce que leurs conditions ont eu tendance à se dégrader au fil des années. Vincent Rivière, livreur depuis un peu moins de 3 ans à temps complet avec 55 heures par semaine parle du revenu qu'il touche actuellement.

"Si nous retirons les charges et les frais de fonctionnement, le seuil de rentabilité d'un micro-entrepreneur sur la livraison ne devrait pas dépasser les 25 euros bruts de l'heure. C'est ce que nous faisions quand j'ai commencé en 2018, nous étions alors rentables. En 2019, nous sommes passés à 15 euros bruts de l'heure. Nous étions donc déjà déficitaires. Mais cela s'est amplifié en mars 2020 avec l'arrivée du 'free shift' qui fait que nous tournons environ à 8 ou 9 euros de l'heure maintenant."

Le 'free shift' permet aujourd'hui aux livreurs de se connecter sur la plateforme quand ils le souhaitent. Or, cela était contrôlé auparavant, ce qui a eu pour conséquence de diminuer les commandes de chaque coursier, qui ont souvent tendance à se connecter au même moment. Mais en plus de cette baisse du salaire horaire des coursier s'ajoute les impôts et différentes charges à payer.

"Il faut enlever l'URSAFF qui représente 22% de notre chiffre brut pour avoir notre net avant impôt, poursuit Vincent Rivière. A celui-ci, les livreurs qui font suffisamment de chiffre d'affaires sont redevables à l'impôt sur revenu. Il y a aussi la CFE (cotisation foncière des entreprises, ndlr) qui s'élevait à 400 euros l'an dernier à Toulouse. Enfin, il y a tous les frais d'entretien et d'achat des véhicules et des équipements, voire même de carburants pour ceux qui se déplacent en scooter ou moto. Pour moi qui suis à vélo avec des frais de maintenance assez bas, je suis environ à 10 euros bruts de l'heure. Il me reste à peu près 6 euros nets au final. Cela pourrait être moins pour un de mes collègues en scooter".

Mais si cette dégradation des conditions de travail pourrait ne pas être portée jusque dans les rues toulousaine ce 5 décembre. Il est d'ores et déjà prévu pour l'ensemble des coursiers de ne pas assurer les commandes ce premier samedi de décembre.

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