Thales Avionics : 1 000 emplois menacés et la crainte d'une délocalisation de l'ingénierie

Face à la crise sanitaire qui impacte durement la filière aéronautique, le groupe Thales n'a d'autre choix que d'ajuster ses effectifs comme le reste des acteurs du secteur. Ainsi, 1 000 emplois sont menacés chez Thales Avionics en France, et plus particulièrement à Mérignac (Gironde) et Toulouse (Haute-Garonne). Pour autant, la direction assure ne pas vouloir procéder à un PSE et en appelle au volontariat et à la mobilité interne. Reste quand même la crainte pour les syndicats de voir ces emplois au final délocalisés dans un nouveau centre d'ingénierie en Inde. Les explications.
Le groupe Thales, et plus particulièrement la filiale dédiée à l'aéronautique, Thales Avionics, doit faire face à une chute de son activité.
Le groupe Thales, et plus particulièrement la filiale dédiée à l'aéronautique, Thales Avionics, doit faire face à une chute de son activité. (Crédits : Rémi Benoit)

Le nouvel employeur de Yannick Assouad est, comme beaucoup d'entreprises du secteur aéronautique, dans une situation sociale complexe. Thales Avionics (branche aéronautique du groupe éponyme), dont l'ancienne directrice générale de Latécoère en est la directrice générale adjointe depuis le 1er octobre, a annoncé lors de son dernier comité social et économique central son intention de réduire de 1 000 postes ses effectifs.

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Pour donner un ordre de grandeur, Thales AVS emploie 5 300 personnes en France, dont 4 200 rien que dans l'aéronautique et ce sont ces dernières qui sont concernées par ce plan d'économies. "La crise de la Covid-19 a fortement fragilisé certains emplois au sein du groupe Thales, principalement dans le secteur de l'aéronautique civile", justifie la direction, contactée par La Tribune.

Du côté des syndicats, c'est la douche froide. "C'était dans l'air depuis un bon moment, mais nous nous attendions pas à un tel volume", admet un représentant de la CGT. Le syndicat majoritaire de la filiale quant à lui, la CFDT, parle "d'une estimation au doigt mouillé de la part de la direction qui reste encore à travailler".

Appel au volontariat

Alors, afin de débuter les négociations dans le meilleur climat possible, les dirigeants de Thales Avionics ont fait savoir qu'ils ne procéderait pas à un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) pour mener à bien cette restructuration, engagement que La Tribune est en mesure de confirmer.

"Une négociation a été engagée au sein du groupe faisant appel au volontariat des salariés concernés pour adapter l'emploi et éviter les licenciements. Outre le gel de certains recrutements, la diminution du recours à l'intérim et de la sous-traitance, Thales s'appuie sur sa forte expérience dans la mobilité interne pour favoriser les mouvements des talents des activités durablement affectées vers les activités en croissance (notamment dans le domaine de la défense). La politique active de mobilité interne a permis à plus de 1 700 personnes en France, seulement sur l'année 2019, d'évoluer dans le groupe. Aujourd'hui en 2020, 1 100 postes sont ouverts en France chez Thales", précise un représentant de la direction auprès de La Tribune.

Soit autant que le nombre d'emplois menacés et l'activité spatiale pourrait d'être l'une des portes de sortie les plus exploitées en raison de la croissance d'activité de Thales Alenia Space, qui vient de décrocher plusieurs importants contrats, notamment dans le cadre du programme européen Copernicus.

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Ainsi, déjà une cinquantaine de personnes auraient fait la navette entre ces deux branches selon les syndicats, mais les engagements annoncés de la direction restent insuffisants pour eux. "Cela fait partie d'un plan d'adaptation de notre activité, mais il reste encore beaucoup de données à connaître et que nous avons demandé aux dirigeants pour comprendre leurs calculs. Au final, nous ne savons pas où nous allons atterrir à l'issue de ce plan", conteste un porte-parole de la CFDT.

Transfert de compétences en ingénierie vers l'Inde ?

Si une mesure de départ à la retraite anticipé est également sur la table, les syndicats ont surtout beaucoup d'inquiétudes pour l'avenir des 380 emplois dans l'ingénierie faisant partie du millier de postes à supprimer dans les mois à venir, sans parler des négociations en cours autour de l'instauration de l'activité partielle longue durée (APLD) dès janvier 2021.

"Nous craignons fortement que les suppressions de postes en France soient réalisés au profit des centres de compétences en ingénierie à l'étranger, installés au Qatar, en Roumanie et en Inde à Bangalore. Aujourd'hui, ce dernier emploie 1 000 personnes mais la direction veut monter ses effectifs à 3 000 rapidement. Les axes de rebond pour la direction de Thales sont en Inde ! C'est la stratégie qui était déjà déployée avant la crise de la Covid-19 et ils vont profiter de celle-ci pour accélérer cette restructuration", peste un représentant de la CGT.

Pour le moment, il est impossible de confirmer ce transfert de compétences en dehors de la France. Néanmoins, six sites dans l'Hexagone vont être directement touchés par les réductions d'effectifs. Le siège social de Thales Avionics à Mérignac (Gironde), qui emploie 1 200 personnes est ainsi concerné, tout comme celui de Toulouse et ses 900 postes, Valence (Drôme), deux implantations à Châtellerault (Vienne) et Cergy (Val-d'Oise). "Mais la répartition par site n'est pas encore connue", poursuit cette même source syndicale.

Un acompte sur les dividendes versé

Parallèlement à ce plan de restructuration actuellement négocié, un dernier aspect est venu perturber le début des négociations et pas des moindres car il s'agit d'un versement de dividendes aux actionnaires. Lors du conseil d'administration du 30 septembre, il a été décidé le versement d'un acompte de 85 millions d'euros au titre de l'exercice 2020. De quoi faire réagir la CGT, qui a publiquement regretté ce choix dans une lettre ouverte adressé à Patrice Caine, le PDG de Thales, et que La Tribune s'est procurée.

"Nous vous demandons donc formellement, par ce courrier de convoquer un nouveau Conseil d'Administration pour, non seulement revenir sur votre décision de versement d'un acompte sur dividende, mais aussi de renoncer pour les deux années à venir à tout versement de dividende", peut-on notamment y lire.

Cette demande, et plus globalement ce texte est resté lettre morte pour le moment.

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