Le dossier BVA devient un feuilleton aux épisodes innombrables. Le nouveau procureur général de Toulouse, Franck Rastoul, a décidé d'interjeter appel de la décision du tribunal de commerce, rendue mardi 15 septembre dans cette affaire.
"Il faut étudier les éléments avancés par les quatre offres de reprise présentées, sur la stratégie à court et moyen termes, la solidité financière des repreneurs et l'impact social. L'objectif est d'analyser les forts enjeux économiques et autres afin de permettre un examen, sous un second regard dans le cadre du double degré de juridiction, d'un dossier majeur qui nécessite une analyse technique approfondie. La Chambre commerciale de la Cour d'appel de Toulouse va tout faire pour 'audiencer' dans les meilleurs délais", a justifié Franck Rastoul, contacté par La Tribune.
Pour mémoire, le groupe BVA et ses 1 800 salariés dans le monde (dont 500 à Toulouse où se situe son siège social) a été repris à la barre du tribunal de commerce par le fonds de dettes anglais Alcentra, après le placement en redressement judiciaire de l'entreprise. Une décision vivement critiquée par le candidat Xpage, l'offre de reprise portée par la direction actuelle de BVA Group, s'inquiétant de la casse sociale à venir et de la délocalisation du siège au Luxembourg.
"Il y a des questions à se poser sur les motivations profondes des repreneurs. De plus, le soutien unanime des salariés et du CSE à une seule et même offre, à savoir Xpage, interpelle", souligne un proche du dossier.
"Surprise" et "vice préoccupation" du côté d'Alcentra
Face à ces vives inquiétudes internes, et après le rendu du tribunal de commerce de Toulouse, le directeur exécutif du fonds Alcentra Nicolas Besson avait tenu à prendre la parole dans un long entretien accordé à La Tribune. Dans celui-ci, il a assuré "avoir besoin de tout le monde (les salariés, ndlr)", s'engager à ne pas délocaliser des activités dont le siège social et surtout "vouloir être un acteur de long terme au sein de BVA". Mais ces engagements n'ont pas séduit le parquet qui, sans le dire, s'inquiète de la souveraineté économique de BVA Group dans un temps d'incertitudes sociales et économiques face à la crise sanitaire. Une position qui a vraisemblablement pris de court le fonds de dettes Alcentra.
"Alcentra exprime sa surprise de l'appel du parquet général et sa vive préoccupation pour le futur du groupe BVA et le devenir de ses employés (...) La décision du tribunal a été prise à l'issue d'un processus approfondi, objectif et transparent. L'appel de cette décision prolonge la période d'incertitude et met en jeu des centaines d'emplois. Il compromet le futur du groupe BVA dont la trésorerie a été durement éprouvée par le redressement judiciaire et dont les opérations souffriront de son prolongement. Alcentra était et reste prête à prendre le contrôle de BVA et à soutenir financièrement le groupe afin d'en préserver les emplois et de le replacer sur le chemin de la croissance, conformément à la décision du tribunal de commerce de Toulouse", a réagi le repreneur initial dans un communiqué transmis à La Tribune quelques minutes après la prise de position de Franck Rastoul.
Au-delà de cette décision juridique, la principale conséquence de celle-ci est surtout la suspension immédiate du verdict du tribunal de commerce toulousain. Par conséquent, la direction actuelle de l'entreprise reste en place et garde la main jusqu'au rendu de la chambre commerciale de la Cour d'appel de Toulouse.
"Le tribunal de commerce de Toulouse est composé de chefs d'entreprises locaux, tandis que la Cour d'appel regroupe des magistrats. L'appréciation des offres sera forcément différente", prévient un fin connaisseur des rouages des tribunaux de commerce.
"Un certain soulagement"
Est-ce une mise en garde pour préparer les esprits à un retournement de situation, alors que ce dossier provoque beaucoup d'émotions à Toulouse ? Sûrement... Quoi qu'il en soit, le repreneur Xpage (la direction actuelle) a tout à gagner désormais après avoir été perdant dans le premier jugement. Ce qui suscite beaucoup d'espoir.
"C'est un certain soulagement pour nous et une excellente surprise pour les salariés. L'annonce du jugement par le tribunal de commerce a été totalement incomprise par tous les collaborateurs... De plus, nous avons été vexés de voir que ce jugement balaie d'un revers de main notre expertise et notre expérience dans notre domaine d'activité. Désormais, il y a une urgence de trésorerie à sortir de cette procédure, mais aussi une urgence commerciale et psychologique", lance Dominique Lévy, directrice générale adjointe de BVA Group depuis deux ans.
Elle et les autres cadres de la direction espèrent un dénouement dans les semaines à venir, voire au plus tard en début d'année 2021.
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