SNCF : la "grève par intermittence" est née à Toulouse

A l'appel des syndicats, les salariés de la SNCF ont entamé ce mardi 3 avril 2018 une grève "perlée" ou "intermittente" pour protester contre la réforme de la Société National des Chemins de Fer (SNCF). En pratiquant 2 jours de grève sur cinq, le mouvement national s’inspire d’une initiative toulousaine apparue en 2010, quand les cheminots de la Ville rose protestaient contre le manque d’agents de conduite.
Très peu de trains circuleront mardi 3 et mercredi 4 avril dans la gare Matabiau de Toulouse en raison de la grève perlée lancée au sein de la SNCF par les syndicats.
Très peu de trains circuleront mardi 3 et mercredi 4 avril dans la gare Matabiau de Toulouse en raison de la grève perlée lancée au sein de la SNCF par les syndicats. (Crédits : Rémi Benoit)

Présenté par de nombreux médias et syndicats comme un mode de contestation tout à fait nouveau, la "grève par intermittence" ou "grève perlée" a en réalité déjà existé. C'était à Toulouse et dans l'ancienne région Midi-Pyrénées, en avril et mai 2010. Surnommée "grève cassoulet" pour sa localité par des membres de la direction hostiles au mouvement, les syndicalistes de l'époque, eux, l'avaient alors surnommée "grève intelligente".

"En 2010, nous étions dans une année noire en terme de suppression de trains par manque d'agents de conduite. Nous avions des chiffres alarmants à l'époque, où les deux tiers des suppressions étaient liés à ce manque de personnel. D'après nos calculs, il manquait 12 agents de conduite en Midi-Pyrénées, faute de budget", se remémore Laurent Saint-Supéry, secrétaire général de la CGT Cheminots à Toulouse qui avait participé activement au mouvement.

Huit lundis de suite

Les syndicats décident alors de se mobiliser tous les lundis dès le mois d'avril 2010 jusqu'à l'obtention de conducteurs de trains supplémentaires pour alléger la charge de travail des agents déjà affectés en Midi-Pyrénées. Chaque jour de mobilisation, la moyenne du taux de grévistes dans l'ancien périmètre régional était d'environ 90 %.

"Le but était de maintenir la pression sur la direction, sans trop impacter les usagers à qui on prenait le temps d'expliquer notre démarche dans les gares. Après huit lundis de grève, la direction a été obligée de refaire ses calculs de réaffectation et a admis s'être trompée. Nous avons donc obtenu nos 12 agents de conduite supplémentaires et une rallonge de quatre en prévision de l'augmentation de la charge de travail en 2012 et des départs à la retraite", raconte le syndicaliste basé à Toulouse.

Un coup d'essai qui s'était donc transformé en coup de maître puisque les grévistes avaient obtenu gain de cause et plus encore. Une mobilisation réussie qui semble bel et bien avoir inspiré les syndicalistes qui ont appelé à une mobilisation par intermittence en France dès le mardi 3 avril 2018.

Cette fois, syndicats et salariés se mobilisent contre la réforme de l'entreprise publique voulue par le gouvernement. Ils dénoncent aussi la "mise en scène de la concertation" lancée par le gouvernement pour débattre et échanger autour du projet de loi. 30 réunions auraient déjà eu lieu sans qu'aucun accord n'ait été trouvé sur la transformation du statut de cheminot et l'ouverture à la concurrence du marché ferroviaire français dès 2019 notamment.

La "grève cassoulet" de 2010 a inspiré les cheminots en 2018

Pour maintenir la pression dans les négociations et protester contre la réforme, les organisations syndicales ont donc décidé d'adopter ce mode de mobilisation née à Toulouse mais que tout le monde qualifie de "novateur".

Si on ne l'appelle plus désormais la "grève cassoulet", il n'empêche que la grève "perlée" ou grève par "intermittence" de 2018, consiste cette fois encore à s'étaler dans le temps. Cette fois-ci, les cheminots sont appelés à se mobiliser deux jours sur cinq, pendant trois mois. Ainsi, la mobilisation du mardi 3 et mercredi 4 avril 2018 sera suivie par une autre mobilisation dimanche 8 et lundi 9 avril, et ainsi de suite...

 "Avec ce mode de fonctionnement, nous n'allons pas toucher les mêmes usagers ni le même personnel. Donc tout le monde va participer. Et grâce à la 'pause' de trois jours entre chaque mobilisation, cela laissera le temps à la discussion entre le gouvernement et les syndicats", explique Laurent Saint-Supéry.

Pour Eric Ferrères, expert en dialogue social à l'association Entreprise & Personnel, les raisons sont différentes :

"Cette grève par intermittence est le meilleur moyen pour durer dans le temps sans perdre trop d'argent pour les grévistes. Mais aussi, ce type de mobilisation perturbe énormément le trafic étant donné que le lendemain de la grève il faut un certain temps pour remettre correctement en état de marche l'ensemble du réseau ferroviaire".

Pour ce premier jour de mobilisation, dans l'ex région Midi-Pyrénées, le taux de gréviste est de 93 % chez les conducteurs, 91 % chez les aiguilleurs et de 60 % pour les contrôleurs selon les syndicats.

Au niveau national, selon la SNCF, 48 % des salariés seraient en grève, dont 77 % chez les conducteurs de train.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.