La CGT dénonce dans un livre "la casse sociale chez Airbus et ses sous-traitants"

Cinq syndicalistes d'Airbus, Latécoère, Altran, Sogeti High Tech et Assystem dénoncent dans un ouvrage qui a été présenté au Salon du Bourget "le dumping social des entreprises du secteur aéronautique". L'occasion selon eux "de donner la parole à ceux qui ne l"ont jamais".
Xavier Petrachi (Airbus), Jean-Pierre Caparros (Altran), Florent Coste (Latécoère), Robert Amade (Sogeti High Tech) et Benoit Arthuys (Assystem) dénoncent dans un livre la casse sociale chez Airbus et ses sous-traitants.
Xavier Petrachi (Airbus), Jean-Pierre Caparros (Altran), Florent Coste (Latécoère), Robert Amade (Sogeti High Tech) et Benoit Arthuys (Assystem) dénoncent dans un livre "la casse sociale chez Airbus et ses sous-traitants. (Crédits : DR)

C'était une première. À l'occasion du Salon du Bourget 2017, des syndicalistes de la branche aéronautique de la CGT avaient leur stand au rendez-vous mondial du secteur. Alors que l'événement est l'occasion d'une course au nombre de commandes entre avionneurs, la coordination CGT aéronautique Midi-Pyrénées était venue présenter un ouvrage qui dénonce "le dumping social des entreprises du secteur aéronautique".

Intitulé "Comment nous résistons à la casse sociale chez Airbus et ses sous-traitants" (aux éditions Le vent se lève !), le livre recueille les témoignages de cinq membres du syndicat (minoritaire chez Airbus et Latécoère) : Xavier Petrachi (Airbus), Jean-Pierre Caparros (Altran), Florent Coste (Latécoère), Robert Amade (Sogeti High Tech) et Benoit Arthuys (Assystem).

"L'objectif de cet ouvrage était de raconter la naissance d'une coordination aéronautique qui réunit des syndicats de différentes entreprises du secteur mais qui travaillent pour le même avion", explique Xavier Petrachi délégué central CGT d'Airbus.

Les délégués syndicaux dressent un constat commun : "alors que le carnet de commandes d'Airbus est rempli pour une décennie, l'emploi est de plus en plus précaire".

Selon eux, les conditions de travail dans la supply chain ont commencé à se dégrader suite à l'annonce en 2006 du plan de restructuration Power 8, au moment où l'avionneur rencontrait des retards de livraison avec l'A380. "On s'est retrouvé à l'annonce du plan avec des sous-traitants qui travaillaient sur site chez nous et qui du jour au lendemain sont retournés dans leurs entreprises car leurs postes avaient été supprimés chez Airbus", se remémore Xavier Petrachi.

Lire aussi : Aéronautique : année record en 2016, mais des difficultés pour la supply chain

Le Risk Sharing partnership pointé du doigt

Le délégué de Latécoère, Florent Coste, pointe notamment du doigt la mise en place dès le début du programme de l'A380 du Risk Sharing Partnership :

"Ce nouveau modèle vise à transférer du donneur d'ordres vers le sous-traitant, c'est-à-dire du fort vers le faible, les coûts liés au développement des nouveaux avions. Au gré des nombreux contrats en RSP, Latécoère a dû faire l'avance de montants importants qui ont creusé la dette. C'est donc grâce à Latécoère et ses autres partenaires qu'Airbus a pu sortir des années 2000 riche d'une trésorerie de plus de 10 milliards d'euros alors que les programmes lancés durant cette même décennie auraient dû au contraire assécher sa trésorerie".

Dans une situation financière difficile, Latécoère a annoncé en juin 2016 un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui prévoit au terme des négociations avec les syndicats 157 licenciements et 75 mutations (majoritairement vers le site de Gimont dans le Gers), la création d'un nouveau site de production près de Toulouse et une nouvelle implantation en Bulgarie pour les activités d'assemblages à faible valeur ajoutée. La direction présente alors ce plan comme un moyen d'améliorer la compétitivité du groupe "dans une industrie aéronautique en profonde mutation et un écosystème concurrentiel toujours plus exigeant".

Dans l'ouvrage, Florent Coste regrette également le changement de politique salariale au sein de l'entreprise :

"Chez Latécoère on était relativement bien payés ; nos salaires étaient alignés sur ceux d'Airbus et la même grille était appliquée. Mais depuis 2007-2008 et l'arrivée de Pierre Gadonneix, ancien PDG d'EDF, en tant que président du conseil de surveillance de Latécoère, ce modèle social se fissure à vitesse grand V... La direction a désaligné nos salaires de ceux d'Airbus".

La précarité dans les sociétés d'ingénierie

Les syndicalistes des sociétés d'ingénierie dénoncent par ailleurs une précarisation des salariés des sociétés d'ingénierie comme Assystem, Altran ou Sogeti avec des "mobilités forcées à l'autre bout de la France" et "des périodes d'essai qui peuvent être prolongées jusqu'à sept mois". Robert Amade (Sogeti) cite l'exemple d'un salarié dans une société d'ingénierie "dont la mission a duré plus longtemps que la période d'essai". "Les dirigeants lui ont fait clairement comprendre qu'ils trouveraient un prétexte fallacieux pour ensuite mettre un terme à son CDI", témoigne-t-il avant d'ajouter qu'il est difficile pour un collaborateur avec seulement quelques mois d'ancienneté de poursuivre son ancien employeur aux prud'hommes.

"D'un côté, on est des couturières de l'aéronautique et de l'autre, il faudrait qu'on ait un statut d'auto-entrepreneur. C'est un peu antagoniste", résume Robert Amade.

Au terme de l'ouvrage, les syndicalistes s'interrogent des conséquences de ce climat social sur la sécurité des avions. En 2014, comme le rapportait La Tribune, Airbus a dû rappeler des A380 pour un problème de portes. "Je pense qu'aujourd'hui, on peut se poser la question : est-ce qu'Airbus, dans son évolution, n'est pas en train de prendre des risques qui pourraient ternir son image, qui est synonyme d'avions innovants et sûrs ? L'objectif de satisfaction est de dépasser les 99,8%. Que l'avion soit opérationnel à 99,8% de son temps de vol, cela veut dire que la compagnie aérienne sait qu'elle peut avoir 0,02% de panne", interpelle Xavier Petrachi.

Le délégué central d'Airbus a fait partie de la délégation CGT reçue la semaine dernière par le Gifas à l'occasion du Salon du Bourget. Interrogé sur la parution de ce livre, le Gifas avait expliqué "être toujours dans le dialogue avec les partenaires sociaux sur ce sujet".

 Lire aussi :  Ingénierie aéronautique, quelles perspectives à Toulouse ?

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Commentaire 1
à écrit le 03/07/2017 à 16:02
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Quand on a plus qu'un strapontin dans une entreprise de cette taille, il faut bien brasser du vent devant la porte....

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