« Tout le monde dit qu'on va s'habituer à l'inflation. Moi, je crains réellement que nous passions un seuil qui gèle des projets », lance Gilles de Raffin. Ce dirigeant est à la tête du sous-traitant aéronautique R-Meca. Né en 2005 de la reprise des sociétés R-Meca précision Sud Ouest (usinage) et Arias (équipements pour les réseaux de distribution de gaz) toutes deux implantées à Toulouse, le groupe a réalisé plusieurs opérations de croissance externe avant la Covid : une société dans le Cher (devenue R-Meca Rectification) et CMA Industry dans l'Ariège.
Un bâtiment devenu « complètement obsolète »
Cette dernière société dispose d'un savoir-faire atypique dans le domaine des hélicoptères avec une vingtaine de procédés spéciaux développés pour fabriquer sièges, trains et planchers notamment pour Airbus Helicopters. Le constructeur européen a même auréolé CMA Industry d'un award de meilleur fournisseur en 2022. Le sous-traitant ariégeois aimerait aussi faire grandir son activité notamment dans le domaine de l'armement.
Seulement, pour continuer à croître, « il nous faudrait plus de place et des moyens supplémentaires aussi », lance Gilles de Raffin. C'est là que le bât blesse. Depuis plusieurs années, le groupe envisage de moderniser le site de Tarascon-sur-Ariège. « Ce bâtiment de 3.500 m2 datant des années 80 est devenu complètement obsolète. Les salariés ont bien du courage à travailler dedans : il fait chaud l'été et froid l'hiver. Outre les problèmes d'isolation, il y a quelques fuites d'eau, il faut refaire tous les toits, l'électricité et les sols, sans compter les mises aux normes liées aux nouvelles règlementations environnementales et de sécurité », décrit le président de R-Meca dont l'ensemble des entités génère un peu plus de 18 millions d'euros de chiffre d'affaires.
« Des coûts qui explosent de mois en mois »
Sauf qu'avec l'inflation, la facture flambe. « Il y a deux ans, nous estimions le budget des travaux à un million d'euros. Et puis à chaque fois, soit de nouvelles normes arrivent, soit les prix augmentent. Il y a les coûts qui explosent de mois en mois. C'est assez hallucinant. On fait des devis qu'on doit mettre à jour trois mois après. Au final, aujourd'hui l'enveloppe du chantier en cours est évaluée autour de 2,5 millions d'euros. Cela revient plus cher que de construire du neuf. Nous envisageons d'arrêter certains métiers en raison des coûts de mises aux normes » poursuit-il. En raison de ses procédés spéciaux qualifiés pour le bâtiment existant, le groupe ne peut pas déménager certains métiers vers un autre site.
Mais le sous-traitant a toujours dans l'idée de construire une extension à deux kilomètres du site historique, cette fois dans du neuf. Là encore, ce projet est dans l'incertitude face à la flambée des coûts.« Il y a un an, nous visions un nouveau bâtiment de 2.000 m2. Aujourd'hui, nous sommes descendus à peu près à 1.000 mètres carrés », ajoute Gilles de Raffin. Le dirigeant espère décrocher un soutien financier des collectivités ou de l'État pour grandir même si la puissance publique voit aussi ses finances devenir exsangues ces dernières années.
« Nous réfléchissons deux fois avant de faire tourner une machine »
En attendant, R-Meca réduit la voilure de son activité usinage à Toulouse dont le chiffre d'affaires a été divisé par trois depuis la Covid et qui devait à l'origine être rapatriée sur le nouveau bâtiment ariégeois.
« Je ne cours pas après la croissance mais j'ai envie aujourd'hui de me concentrer et de sauver ce qui marche. Arias a réalisé trois bonnes années sur l'activité gaz, CMA Industry a aussi de bonnes perspectives. Aujourd'hui, notre stratégie est axée sur la prudence. Nous réfléchissons deux fois avant de faire tourner une machine, nous avons vendu quelques vieilles machines très gourmandes en énergie. Face à l'incertitude, nous n'allons pas prendre des risques inconsidérés », conclut le dirigeant.
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