Aéronautique : comment la filière se prépare au risque de coupures d'électricité

Frappée de plein fouet par la crise sanitaire, l'industrie aéronautique s'est lancée dans une spectaculaire remontée des cadences. Face au risque de coupures d'électricité en janvier, plusieurs patrons de la filière alertent sur la désorganisation, les retards de production et les surcoûts que peuvent engendrer des délestages dans une période très tendue pour le secteur.
L'industrie aéronautique est sur les chapeaux de roues pour suivre les cadences annoncées par Airbus.
L'industrie aéronautique est sur les chapeaux de roues pour suivre les cadences annoncées par Airbus. (Crédits : Rémi Benoit)

« Évidemment, nous sommes pas au même titre que les hôpitaux, une activité vitale mais une coupure d'énergie pourrait nous pénaliser très fortement », alerte Grégory Mayeur, directeur général du Toulousain Satys Aerospace. Ce sous-traitant aéronautique toulousain est le leader mondial de la peinture d'avions neufs. « Nous sommes sur des activités qui nécessitent beaucoup d'apports d'énergie. Si l'on perd la température lorsqu'il faut appliquer la peinture sur un avion ou à un moment où l'on en a besoin au niveau des bains de traitement de surface, l'impact peut être très fort. Cela pénalise l'activité mais aussi le produit qui nous est confié par le client. Il existe aussi des répercussions pour les salariés puisque sans électricité, pas de ventilation des pièces et c'est un problème pour la continuité de l'activité », assure le dirigeant. Comme d'autres acteurs de la filière aéronautique, l'entreprise a fait part récemment au préfet de ses inquiétudes en cas de délestage.

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Anticiper les coupures pour réorganiser la production

Le gouvernement a chargé fin novembre les préfets de présenter des schémas de délestage permettant de réduire la consommation d'électricité en France. dans les zones concernées. Pour l'instant, le scénario du blackout semble peu probable mais des coupures allant jusqu'à deux heures pourraient avoir lieu à partir du mois de janvier aux moments des pics de consommation, entre 8h et 13h le matin, et entre 18h et 20h le soir. Trois jours avant le possible délestage, les usagers des secteurs concernés pourront voir un signal orange ou rouge apparaître sur l'application Ecowatt.

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« Il est très important que ce soit bien anticipé et que nous ne soyons pas prévenus à la dernière minute parce que passer deux heures sans électricité dans une usine, cela s'organise, au grand maximum 24h avant, idéalement une semaine en amont », plaide Clémentine Gallet, présidente du Comité Aéro-PME du GIFAS. Le temps pour les entreprises de reprogrammer la production.

« Cela va demander une sacrée réorganisation des plannings. Une machine qui est arrêtée deux heures par jour devra rattraper à un autre moment de la journée pour maintenir la production. Cela aura un coût pour les entreprises puisque on ne va pas demander à un ouvrier de travailler plus tard le soir gratuitement. Ce risque de coupures va rajouter de la désorganisation et des surcoûts potentiels à un moment où nous n'avons ni une heure ni un euro à perdre. Nous sommes déjà en difficulté pour livrer les clients à l'heure avec des contraintes économiques colossales au vu de la flambée du coût de l'énergie », ajoute-t-elle.

Un défi de plus dans la remontée des cadences

Après un trou d'air avec la crise sanitaire, la filière aéronautique est effectivement sur les chapeaux de roues pour suivre les cadences impressionnantes annoncées par Airbus. Alors que le rythme de production sur l'A320 NEO était descendu de 60 à 40 appareils par mois pendant la crise, l'avionneur européen a confirmé il y a quelques jours son ambition d'atteindre 75 appareils par mois d'ici le milieu de la décennie.

« Nous avons enregistré une augmentation d'activité assez significative d'un peu plus de 30 % en 2022 et nous allons à nouveau augmenter de 30 % l'année prochaine. Il est donc évident que chaque heure compte aujourd'hui pour pouvoir livrer nos clients en temps et en heure. D'autant que nous sommes confrontés à de la désorganisation dans notre chaîne d'approvisionnement, avec parfois des ruptures d'approvisionnement sur certains matériaux comme le titane, ce qui nécessite d'avoir beaucoup de souplesse et de flexibilité sur l'organisation », livre Christian Cornille, président de Mecachrome.

Le dirigeant lui aussi insiste sur l'anticipation pour pouvoir réorganiser le temps de travail : « La première chose qui est importante pour nous, c'est d'avoir un prévisionnel suffisant et fiable. À partir du moment où les coupures sont prévues, nous serons en mesure d'engager un dialogue social avec nos salariés pour décaler les horaires de travail. Si les pouvoirs publics ont une visibilité suffisante, il serait possible d'organiser avec des journées off pour libérer de la bande passante mais dans ce cas de figure il faudrait l'anticiper au moins un mois à l'avance le temps de passer par les différentes instances du personnel.»

Du côté d'Airbus, la situation est un peu différente puisque l'avionneur européen peut compter sur des groupes électrogènes en cas de coupure. « Nous ne prévoyons pas d'impact sur la production. Il est déjà arrivé d'avoir des coupures d'une heure ou deux, nous savons gérer », précise-t-on au sein du groupe.

Dernier point de débat, les entreprises aéronautiques ayant des contrats pour le secteur de la défense peuvent-elles être protégées des coupures ? Le gouvernement a déjà recensé les sites critiques comme les casernes de pompiers, les gendarmeries et les hôpitaux qui seront mis à l'abri des coupures. Quelques sites industriels ont également été placés sur les listes de clients prioritaires, de même que les installations classées disposant de groupes électrogènes. « Plusieurs entreprises aéronautiques travaillant pour le secteur de la défense ont demandé un régime particulier auprès des préfets et n'ont pour l'instant pas eu de réponse. Il est urgent maintenant d'organiser et d'informer les entreprises sur ces risques de délestage parce qu'il y en a certains qui pensent encore que cela ne va pas leur arriver », conclut Clémentine Gallet.

Lire aussiComment l'industrie aéronautique s'engage dans une décroissance énergétique. Enquête

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Commentaires 2
à écrit le 16/12/2022 à 16:04
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Bonjour, S'est moche , avec toute cette place sur les halls d'assemblage ( des avion s) , ils n'y avez psa de place pour des panneaux photowoltaiques. Bien sur ils ne faut pas le dire... D'ailleurs sa coûter un peux chere, ils faut dire que fabr...

à écrit le 14/12/2022 à 11:35
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Il faut beaucoup d'énergie pour construire un avion, beaucoup d'énergie pour le faire voler, beaucoup d'infrastructures pour l' accueillir et l' entretenir. Pour quel rôle économique? Pour favoriser le transport rapide au service d'un "tourisme" de...

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