Blue Spirit Aero veut produire des centaines de petits avions à hydrogène près de Toulouse

Fondée par un ancien cadre de Dassault, la jeune société Blue Spirit Aero développe depuis Toulouse un avion à hydrogène de quatre places équipé de douze piles à combustible. Elle compte installer sa première chaîne de production dans le futur campus hydrogène de Francazal pour atteindre un rythme de fabrication de 150 avions par an à l'horizon 2030.
Blue Spirit Aero veut installer sa première chaîne de production dans le futur campus hydrogène de Francazal.
Blue Spirit Aero veut installer sa première chaîne de production dans le futur campus hydrogène de Francazal. (Crédits : Blue Spirit Aero)

Jamais Toulouse n'avait connu une telle effervescence autour de l'aviation décarbonée. Airbus a fait grand bruit il y a deux ans avec son ambition de faire voler un avion régional à hydrogène d'ici à 2035, entraînant dans son sillage l'émergence d'une multitude de projets d'aéronefs électriques, hybrides ou à hydrogène.

Olivier Savin fait figure de pionnier dans ce domaine. Dès les années 90, ce diplômé de Supaéro a travaillé au sein de Honeywell aux États-Unis pour le remplacement de la pile à combustible de la navette spatiale mais aussi sur des projets d'avions solaires. De retour en France au début des années 2000, il a rejoint le groupe Dassault Aviation dans lequel il a mené là encore plusieurs projets hydrogène. Une expertise que le conduit à devenir chairman du groupe de travail international sur la standardisation des solutions piles à combustible et hydrogène.

Quatre places, douze moteurs et trois heures d'autonomie

En 2020, il quitte Dassault pour créer Blue Spirit Aero, une jeune société qui a l'ambition de faire voler dès 2026 un avion de quatre places uniquement avec de l'hydrogène.

blue spirit aero

L'avion de Blue Spirit Aero disposera de douze moteurs répartis sur les deux ailes de l'appareil (Crédits : Blue Spirit Aero).

« Mes 25 ans d'expérience m'ont permis d'imaginer l'avion idéal. Plutôt que d'avoir un seul moteur électrique alimenté par une grande pile à combustible qui reçoit l'hydrogène, j'ai préféré immédiatement répartir ma propulsion à puissance sous la forme de douze petits moteurs dispatchés sur les deux ailes de l'aéronef. Ce design renforce la robustesse de l'appareil face à la panne. L'avion peut continuer à voler avec jusqu'à huit moteurs sur douze en panne. Ensuite, l'avantage de la pile à combustible est de fournir trois fois plus d'énergie qu'une batterie. Cela permettra à notre appareil de voler 700 kilomètres à 230 km/h avec autrement dit près de trois heures d'autonomie, soit beaucoup plus que de petits avions électriques alimentés par des batteries », détaille Olivier Savin.

Autre avantage de l'hydrogène par rapport à un système électrique, ajoute-t-il, « l'avion n'aura pas à se recharger sur le réseau électrique mais le fera via une station de ravitaillement d'hydrogène, une opération qui prendra seulement 5 à 10 minutes ».

Jumeau numérique et essais à Toulouse

Si son siège social est installé dans la région parisienne, le coeur du développement de Blue Spirit Aero est mené depuis Toulouse. À l'été 2021, la jeune société a pris ses quartiers au sein du B612, bâtiment totem des projets aéronautiques et spatiaux innovants dans la Ville rose. Désormais, ils sont une quinzaine à imaginer le futur avion dont une moitié de jeunes diplômés de l'Isae-Supaéro mais aussi des ingénieurs seniors passés par les grands noms de l'aéronautique et qui apportent leur expertise au projet.

« Le coeur de l'activité c'est la constitution d'un jumeau numérique, autrement dit une représentation totalement fidèle de l'avion sur ordinateur. Il s'agit d'un travail informatique reposant sur des modèles 3D pour traduire le comportement de l'avion de manière à valider toute une série d'hypothèses. L'autre grande activité menée à Toulouse consiste à accompagner les démonstrations à venir », avance Olivier Savin.

Avant le premier vol du futur avion prévu fin 2024, Blue Spirit Aero va tester les différentes composantes de l'appareil. La société va faire voler sa pile à combustible sur un avion de voltige du Basque Aéro Mécanic's avec le soutien de la Région Occitanie. « La pile à combustible ne participera pas au fonctionnement de l'avion mais sera embarquée comme un passager pour observer son comportement au gré des manœuvres sévères que subira l'avion », décrit l'entrepreneur.

Des essais sont également menés en soufflerie pour caractériser les performances aérodynamiques de l'aile de l'appareil. Enfin d'ici la fin de l'année, Blue Spirit Aero devrait faire voler une maquette à échelle réduite de trois mètres d'envergure et télé pilotée via un partenariat avec le droniste Delair. La jeune pousse a noué également des liens pour ses essais avec le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'Onera. Les logiciels de Dassault Systèmes sont utilisés notamment pour les jumeaux numériques.

Lire aussiLe constructeur de drones Delair veut grossir pour devenir un leader européen

Un fort besoin de renouvellement dans les aéroclubs

C'est près de Toulouse que seront fabriqués les futurs avions de Blue Spirit Aero. La société va intégrer le futur campus hydrogène qui sera construit au coeur de l'aéroport de Francazal.

« Ce lieu accueillera notre première chaîne de production destinée à fabriquer l'avion de démonstration. Ensuite, nous nous agrandirons pour avoir en 2025 une capacité de production d'une dizaine d'avions par an et atteindre jusqu'à 150 à 200 avions par an à l'horizon 2030 », détaille Olivier Savin.

Des chiffres ambitieux mais qui reflètent d'après le fondateur de Blue Spirit Aero la forte demande à venir de petits avions plus économes.

« Notre avion de quatre places est destiné à contribuer au renouvellement de la flotte d'avions qui équipent les aéroclubs. Sur les 250.000 avions existants de cette gamme, nous estimons qu'il y aura besoin de renouvellement sur 1.500 à 2.000 appareils par an. Ce sont des aéronefs qui ont en moyenne 45 ans, ils ont été maintenus opérationnels en les rafistolant au fur et à mesure. Mais aujourd'hui, cela revient plus cher de faire voler un avion que ce que cela rapporte en termes de location.

Il y a aussi besoin d'avions de nouvelle génération, qui ne reposent pas sur le pétrole et qui génèrent moins de nuisances sonores pour les riverains. Et puis, il existe a un déficit gigantesque de pilotes. Sur les 20 prochaines années, on doit former 600.000 nouveaux pilotes, les écoles de pilotage sont en train de s'équiper de dizaine d'avions pour répondre à ce besoin », complète-t-il.

Blue Spirit Aero s'apprête à boucler un premier tour de table auprès de business angels et devrait compléter avec une levée de fonds au premier trimestre 2023.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 04/10/2022 à 18:47
Signaler
l'aviation à base d'hydrogène est vouée à l'échec. C'est une question de densité énergétique. On fera des avions à 4 places qui auront une autonomie de quelques dizaines de km...

à écrit le 03/10/2022 à 23:52
Signaler
cocorico maintenant action !!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.