Comment le Toulousain Agenium contribue à la surveillance de l'espace

Le Toulousain Agenium a mis au point une solution logicielle pour aider les militaires français à avoir une meilleure vue des mouvements de satellites en orbite. Un outil utilisé au cours des exercices AsterX menés par le Commandement de l'espace à Toulouse pour détecter de possibles manoeuvres inamicales ou des risques de collisions avec des débris alors que la menace d'une guerre des étoiles est prise très au sérieux par la France.
Le Commandement de l'Espace dispose de locaux provisoires au sein du Cnes à Toulouse.
Le Commandement de l'Espace dispose de locaux provisoires au sein du Cnes à Toulouse. (Crédits : Frédéric Scheiber)

Avec sa constellation Starlink, Elon Musk va envoyer des dizaines de milliers de satellites dans l'espace. Le dirigeant de Space X ambitionne au travers de ce projet gigantesque de connecter le monde entier à Internet. "Mais ce nouveau type de constellation pose plusieurs difficultés. Le premier enjeu considérable consiste à gérer l'encombrement de l'espace pour éviter les collisions et le risque de créer des débris supplémentaires", pointe Joël Castets, président d'Agenium.

Une PME pionnière dans la surveillance de l'espace

Cette PME toulousaine fondée en 2003 accompagne depuis près de 20 ans le ministère des Armées dans l'utilisation de logiciels pour la surveillance de l'espace.

"Nous fournissons des outils qui permettent d'avoir une bonne vue de la situation spatiale et nous accompagnons les militaires à l'utilisation de ces produits. Trois éléments sont essentiels en matière de surveillance de l'espace. Tout d'abord, la situation spatiale, autrement dit à quel moment un satellite passe au-dessus de nos têtes. Ensuite, il faut vérifier les mouvements suspects de satellites pour détecter des manoeuvres hostiles ou d'espionnage à l'égard de nos satellites. Et puis, il faut regarder les retombées à risque, autrement dit estimer où va retomber un débris", détaille Joël Castets.

La surveillance de l'espace est devenue ces dernières années une préoccupation grandissante des militaires français. Et pas seulement en raison de la multiplication d'objets en orbite avec l'essor des constellations de type Starlink. Florence Parly (alors ministre des Armées) avait révélé en 2018 à Toulouse une tentative d'espionnage russe ciblant un satellite français, Athena-Fidus, mettant en évidence la vulnérabilité de l'infrastructure spatiale nationale. Plusieurs pays comme la Chine, l'Inde et plus récemment la Russie ont été jusqu'à tirer sur un satellite pour faire une démonstration de force. De cette menace croissante est né en 2019 le Commandement de l'Espace qui a pris ses quartiers au sein du Cnes à Toulouse. L'une des premières concrétisations du CDE a consisté en l'organisation de deux exercices AsterX au printemps 2021 et 2022 durant lesquels une dizaine de scénarios d'anomalies dans l'espace ont été testés de manière virtuelle.

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Faciliter le repérage d'anomalies dans l'espace

Parmi les outils logiciels utilisés au cours des deux éditions d'AsterX, les militaires français se sont appuyés sur une solution imaginée par la PME toulousaine Agenium.

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"Nous avons développé un outil baptisé SACS (pour système d'agrégation de catalogues spatiaux) qui facilite la recherche d'informations sur les données orbitales des satellites dans l'interface STK (logiciel de référence utilisé dans le spatial et mis au point par l'éditeur américain AGI).

Notre solution permet aux opérateurs d'aller chercher plus vite des informations dans le catalogue STK et de produire simplement des graphiques pour avoir quelques analyses assez rapides, de manière à ce que l'opérateur, qui n'est pas forcément un expert du spatial, puisse avoir une information pertinente de manière à remonter une anomalie, un comportement anormal d'un satellite", décrit le président d'Agenium.

La société toulousaine réfléchit à d'autres innovations logicielles pour les futures éditions d'AsterX. Elle a aussi développé une solution équivalente à celle utilisée pour la surveillance de l'espace mais à destination cette fois de la Marine. "Notre outil est déjà utilisé sur des bateaux militaires. Il permet à un bateau en amont d'une mission ou en temps réel de savoir s'il risque d'être observé ou écouté par un satellite ami ou ennemi sur son passage", indique Joël Castets. La branche industries d'Agenium a également conçu un boîtier pour gérer la disponibilité des antennes GPS pour les périphériques des bateaux militaires.

Doté d'une soixantaine de salariés, Agenium escompte une nette progression de son chiffre d'affaires qui avait atteint 7 millions d'euros en 2021. Une croissance organique portée par le soutien du ministère des Armées et plus particulièrement de la direction générale de l'armement (DGA). 80 % du chiffre d'affaires d'Agenium est lié au ministère des Armées dont 60% via des contrats directs et 20% supplémentaires par le biais de contrats indirects en tant que sous-traitant d'industriels comme Airbus ou Thales. "La DGA fait vraiment confiance aux PME du secteur de la défense qui proposent des améliorations dans la vie de tous les jours des militaires. Cela passe aussi par la digitalisation des métiers. Auparavant, il fallait utiliser beaucoup de feuilles Excel, nous essayons d'automatiser tout une série de processus", précise le dirigeant d'Agenium.

La PME a aussi l'atout de ne pas dépendre d'actionnaires étrangers. Elle joue sur la carte tricolore pour accompagner de manière indépendante les armées françaises dans la sélection d'outils logiciels étrangers parfois américains. La montée en puissance annoncée du Commandement de l'Espace à Toulouse, installé à deux pas des locaux d'Agenium et l'arrivée prochaine du centre d'excellence de l'OTAN dans le même quartier pourrait encore davantage booster la croissance de la société. "Le regroupement des effectifs militaires à Toulouse va créer une dynamique et la proximité physique facilitera encore plus les échanges", espère Joël Castets.

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