Une grande maison de luxe française entre au capital du toulousain Authentic Material

L’entreprise toulousaine vient de clôturer un levée de fonds de 2,5 millions d’euros pour soutenir son projet d’industrialisation. L’entrée au capital d’un acteur du luxe français va permettre à Authentic Material de bénéficier de leur expertise métier. Fondée en 2016, la société valorise les déchets animaux ou végétaux des maisons de luxe en matériaux innovants, de haute qualité et naturels.
Vincent Menny, président et fondateur d'Authentic Material.
Vincent Menny, président et fondateur d'Authentic Material. (Crédits : DR)

Après avoir levé 1,5 million d'euros en 2019, l'initiateur d'une technologie de recyclage des matières nobles pour l'industrie du luxe, Authentic Material, annonce un nouveau tour de table d'un montant de 2,5 millions d'euros en partie auprès de Chanel. L'entrée au capital d'un acteur du luxe français est un choix assumé et stratégique afin de bénéficier de leur expertise métier.

Fondée en 2016 dans la Ville rose, Authentic Material collecte, recycle et transforme les matières nobles inexploitées, vouées à être détruites, en matériaux de haute qualité avec de nouvelles propriétés techniques. Les clients, notamment les maisons de luxe, peuvent ensuite réintégrer directement ces matériaux dans leur chaîne de production ou leur trouver un nouveau potentiel créatif. Pour cela, l'entreprise s'appuie sur une maîtrise de la chimie des protéines naturelles et sur des technologies et des procédés brevetés de fragmentation et de recomposition des matières organiques issues du monde animal (cuir, corne, coquillage), végétal (bois, racine, café) et minéral (pierres précieuses). Sa technologie de pointe, qui repose sur un traitement à 100% naturel et sans perte, permet ainsi aux sociétés de l'industrie du luxe et de l'artisanat d'art d'accélérer leurs efforts en matière de valorisation de leurs chutes ou invendus, dans une logique d'économie circulaire.

"Nous travaillons avec Chanel depuis très longtemps. Donc c'est une maison qui nous connaît bien. Ils ne viennent pas seuls. La condition pour que cette opération puisse se faire était que l'ensemble de nos autres partenaires puissent continuer à nous accompagner. Chanel entre de manière minoritaire au capital de l'entreprise pour soutenir son déploiement. Nous sommes ravis car il s'agit d'un gros acteur du luxe qui connaît bien le métier, l'environnement et qui a une forme d'élégance y compris dans les négociations", réagit Vincent Menny, fondateur d'Authentic Material.

L'opération ne change rien à la direction de l'entreprise, son président et fondateur, Vincent Menny ainsi que son associée opérationnelle, Noémie Dumesnil, restent aux commandes et détiennent toujours une part majoritaire du capital. Chanel devient un nouveau partenaire d'Authentic Material et intégre le board aux côtés des investisseurs historiques que sont Bpifrance, Cuir Invest et Giralda.

Lire aussi 2 mnÀ Toulouse, Authentic Material veut faire sa place dans l'industrie du luxe

Une usine pilote pour internaliser toute la chaîne de traitement

Cette augmentation de capital servira principalement à internaliser les procédés industriels de l'entreprise. "En plus de la levée de fonds, il y a un certain nombre de mécanismes d'ingénierie financière qui nous permettent de compléter l'assiette des dépenses", précise Vincent Menny. En tout, levée de fonds comprise, une enveloppe globale d'un montant 5 millions d'euros, sur quelques années, sera dédiée à l'industrialisation.

La première phase est d'ores et déjà lancée puisque Authentic Material vient d'investir dans un nouvel espace de travail plus grand. Situés à Portet-sur-Garonne, au sud de Toulouse, ses nouveaux locaux sont dotés d'une partie bureaux administratifs ainsi que d'une halle de 600 m2 qui sera transformée en bâtiment technique. Dans ce lieu seront réunis tous les savoir-faire en un seul endroit ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Cette usine pilote de matériaux naturels recyclés va permettre à la société de gagner en autonomie d'un bout à l'autre de la chaîne de traitement, de la réception des matériaux à leur transformation en passant par l'approvisionnement, la gestion des intrants et le traitement. Ce nouvel outil industriel, l'achat de machines et le déménagement, prévu pour septembre prochain, ont nécessité un investissement de près de deux millions d'euros sur deux ans.

"En 2019, nous avions déjà opéré une levée de fonds qui avait pour vocation à nous mettre le pied à l'étrier d'un point de vue industriel. Là, nous insistons dans cette voie. Jusqu'à présent, on savait mettre en forme les matériaux. Dorénavant, nous allons continuer à accroître notre autonomie, notamment sur la partie amont du traitement de la matière. Toute la partie broyage sera internalisée. Jusqu'à présent, nous travaillions sur des petits volumes ou avec des plateformes techniques", précise le président de la société.

Authentic Material

Authentic Material transforme les déchets des marques de luxe en matériaux de qualité. (Crédits : DR)

Monter en capacité et renforcer les équipes

La deuxième phase de la feuille de route de la société prévoit la mise en service de l'usine pilote dès 2023. Une fois opérationnelle, l'objectif sera de traiter entre 30 et 50 tonnes de cuir par an, d'ici deux ans. Ce volume est "une fourchette basse de ce que l'entreprise peut espérer faire à terme". "Les volumes de matériaux à traiter et à valoriser sont colossaux", affirme le dirigeant. En attendant d'atteindre ces capacités, dès l'année prochaine, avec "un outil en rodage" le fabricant de matériaux souhaite revaloriser 20 tonnes de cuir. Aujourd'hui, la petite société traite 8 à 10 tonnes de cuir par an.

Le cuir est la matière phare et représente près de 70 % des activités d'Authentic Material. Le reste, sont des matériaux comme les coquillages et des matières anecdotiques en terme de volume de traitement et plus atypiques comme les déchets de parfums comme la vanille, le cacao ou le café par exemple.

"Nous allons continuer à travailler avec des partenaires en fonction des arrivages, des rythmes et des besoins en ressources humaines. Nous n'avons pas l'intention de nous couper de tout l'écosystème que l'on a construit jusqu'à présent et qui fonctionne bien. Nous avons pour vocation de nous simplifier la vie et à rapprocher tous nos corps de métiers stratégiques et scientifiques."

Le nouvel outil industriel devrait amener la jeune entreprise à renforcer son effectif. À très court terme, trois postes sont ouverts sur la partie technique (traitement de matière). Le recrutement de l'année 2023 se fera en fonction des volumes de production. "Les machines que l'on achète ont vocation à nous simplifier la vie, y compris en terme de ressources humaines. Je ne dis pas que nous n'allons pas embaucher nous en avons besoin", rassure le chef d'entreprise. La structure qui emploie 12 personnes à l'heure actuelle, souhaite compter une vingtaine de collaborateurs à moyen terme.

Rester un acteur majeur de la valorisation des déchets pour le milieu du luxe

Malgré sa future usine et l'augmentation de sa capacité de production, l'entreprise ne compte pas élargir son champ d'action. Elle va poursuivre sa mission initiale qui est de revaloriser les résidus, chutes et matériaux inutilisés des maisons de luxe. Aujourd'hui, elle travaille avec une trentaine d'entre elles. Parmi son portefeuille clients, figurent des grands noms reconnus dans leur industrie comme LVMH, Hermès, Chanel ou Kering.

À travers eux, elle touche près de 70 % du marché du luxe qui est principalement concentré en France, Italie et Suisse mais qui exporte ses produits, dont ceux réalisés par Authentic Material, aux quatre coins du monde. Elle souhaite accélérer et convaincre des clients dans le domaine de l'horlogerie notamment sur le marché Suisse.

"À court terme et de manière assez pragmatique, nous avons suffisamment de pain sur la planche à customiser nos produits pour l'ensemble de l'industrie du luxe. Nous voulons rester un acteur majeur de la valorisation des déchets pour le milieu du luxe. On agit en boucle fermée, nos produits sont customisés, on récupère les déchets d'un client pour ce même client. Assumons le carnet de commandes actuel et restons dans ce périmètre là qui nous fourni largement de quoi faire."

Après avoir réalisé un chiffre d'affaires de 400.000 euros en 2021, la société en croissance prévoit de doubler ce résultat sur l'exercice en cours. Dès 2023, grâce à sa nouvelle capacité industrielle, elle espère passer la barre du million d'euros.

"Avant, la question qui était posée était si l'on serait toujours là un an plus tard et si nous allions développer des recettes. Désormais, les questions que l'on nous pose, c'est combien nous pourrons traiter de volumes dans un an et quelle va être la dégressivité des coûts de revient. Notre enjeu est maintenant car nous avons lâché les chevaux en terme d'investissement et de croissance", se projette Vincent Menny.

Lire aussi 4 mnCler Verts lève 10 millions d'euros pour se préparer à "la révolution" du recyclage des biodéchets

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.