Circuit court : le Toulousain "Minjat ! " tire son épingle du jeu sur un marché en déclin

Lancée fin 2018, le petit commerce, à la fois marché local et cantine en circuit court, a très vite grandit et su capitaliser sur son succès soudain dû à la crise sanitaire. Après avoir connu une baisse de la fréquentation et du montant du panier moyen en début 2022, "Minjat !" semble retrouver du poil de la bête et a connu un taux de fréquentation record dernièrement. Ambitieuse et prudente à la fois, l’enseigne souhaite ouvrir un second commerce en 2023, à Toulouse idéalement.
De gauche à droite, les trois fondateurs de Minjat ! Anton Dmitriev, David Pagès et Cyril Picot.
De gauche à droite, les trois fondateurs de "Minjat !" Anton Dmitriev, David Pagès et Cyril Picot. (Crédits : DR)

Durant le premier confinement, "Minjat !", a été prise dans un tourbillon d'affluence, comme le reste des commerces alimentaires, par des consommateurs inquiets. L'euphorie de la crise sanitaire désormais retombée, l'enseigne, à la fois marché local et cantine en circuit court, essaie de consolider ses activités sur ce succès inattendu et ce, malgré un marché en décroissance.

Son modèle bien loin de celui des géants de la grande distribution, reposant sur l'envie de rendre les produits issus des circuits courts accessibles à tous et de démocratiser l'alimentation locale semble validé. Lancée en septembre 2018, à Colomiers, près de Toulouse, la philosophie de la société repose sur la défense du bien manger local accessible à tous, au prix le plus juste tant pour le consommateur que le producteur.

"Depuis le dernier confinement, ce type de commerce en circuit court et plus généralement le commerce de proximité, s'est essoufflé. Les ventes des produits bio en magasins spécialisés ou en grande distribution se cassent la figure. Le centre de préoccupations et le pouvoir d'achat des gens s'est déplacé de l'alimentation, qui était le sujet central pendant deux ans, aux loisirs. L'année dernière, nous avons réussi à refaire le même résultat qu'en 2020. Nous pouvons nous féliciter de cela car nous avons réussi à nous maintenir malgré cette baisse", raconte Cyril Picot, cofondateur de "Minjat ! ".

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Une baisse allant jusqu'à 20 %

Ainsi, sur les deux exercices précédents, le petit commerce revendiquant autour de 3,7 millions d'euros de chiffre d'affaires. Malgré une baisse de la fréquentation et du panier moyen de près de moins 20 % en début d'année 2022, les activités de l'enseigne semblent repartir à la normale.

"Le début d'année a été chaotique. Cela a été très dur. Après le mois de janvier, cela a été la descente infernale. Mais depuis Pâques, les clients se sont remobilisés. Nous sommes prudents et avons mis de très fortes actions en place ces derniers temps avec notre équipe pour capitaliser sur cette période qui est porteuse car nous imaginons que la rentrée prochaine sera compliquée. Les prévisions ne sont pas bonnes", se projette le président de la structure.

Durant le mois de mai dernier, "Minjat !" a réussi à passer la barre des 2.600 clients par jour, uniquement sur la partie magasin, un record. Le montant moyen du panier qui était descendu jusqu'à 25 euros est de nouveau autour de 30 euros.

Une activité cantine encore trop faible

Côté cantine, c'est plus compliqué. Car installée dans une zone tertiaire, l'activité restauration de "Minjat !" a du mal à pleinement décoller et elle n'a pas été aidée par les nombreuses fermetures des deux dernières années dues à la Covid-19 et la normalisation du télétravail. La cantine ouverte uniquement le midi sert en moyenne 70 couverts par jour. "En plus du service à table, nous avons une offre à emporter avec des sandwichs, des salades, etc", précise le chef d'entreprise. La partie bouche, représente aujourd'hui près de 20 % du chiffre d'affaires de l'entreprise. Une part jugée insuffisante pour les dirigeants qui souhaitent "au moins atteindre les 25 %".

Pour se diversifier, le commerce local a lancé une offre BtoB de livraison de plateaux repas et de corbeilles de fruits. Existant depuis peu, elle séduit quelques entreprises voisines de la zone commerciale Le Perget, à Colomiers, comme Décathlon, Leroy Merlin, Boulanger ou Sopra Steria.

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Un second magasin et une marque propre

En parallèle, l'ouverture d'une deuxième enseigne est à l'ordre du jour. Idéalement, ce second lieu devrait voir le jour en 2023 (2024 au plus tard). La localisation n'a pour l'instant pas été choisie, mais les dirigeants penchent plutôt vers une duplication du modèle dans une zone commerciale. "La logique voudrait que ça soit encore à Toulouse pour bénéficier d'un effet de communication, de notoriété et de facilité de gestion mais nous nous interdisons pas ailleurs et des villes de taille moyenne ou rurales. Pour faire tourner deux magasins il faut rapidement doubler le chiffre d'affaires", confie Cyril Picot.

Avec un "besoin de retrouver de l'espace et du confort de travail", l'entreprise est à la recherche d'un entrepôt où elle pourra regrouper en un seul lieu sa plateforme support, logistique et transformation culinaire et pourquoi pas y ouvrir son deuxième magasin/cantine. Une surface de 600 m2 serait idéale. Actuellement, "Minjat !" dispose de 465 m2 d'espace magasin/réserve/cantine et de 100 m2 de terrasse. Ce nouveau local lui permettrait d'installer des outils et un espace de transformation de certains aliments en produits du quotidien qu'elle commercialiserait ensuite sous marque propre. Aujourd'hui, la société achète ces produits transformés à l'extérieur car elle n'est pas en capacité de les réaliser elle-même.

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Peu impacté par le contexte économique et mondial actuel

Le commerce spécialiste des produits locaux issus de circuits courts compte près de 2.500 références permanentes, provenant de 400 fournisseurs qu'elle gère en direct, dans ses rayons. Produits frais, fruits et légumes, boucherie, épicerie sucrée, salée... "Minjat !" ne manque de rien. Les différents produits sont issus de l'agriculture locale et durable et de producteurs français dans la majorité. Aujourd'hui, 80 % d'entre eux proviennent de département limitrophes. "Les seuls produits extérieurs sont les avocats et les agrumes qui viennent de producteurs labélisés bio et équitable en Espagne", précise-t-il. Pas "dogmatique" sur le bio, "Minjat !" travaille avec éleveurs et producteurs qui ont "une philosophie de travail la plus raisonnable possible".

"Chez nous, il y a des produits accessibles pour tous et ce, même pour les familles les plus modestes avec enfants. Nous avons aussi une politique de bons plans et d'offres en lots qui est à la racine de notre commerce. Cela permet aussi aux agriculteurs de commercialiser une partie de leur production qui n'est calibrée pour le marché classique. Nous achetons et appliquons des prix justes, sans négociations avec les producteurs et une marge honnête pour le distributeur que nous sommes. Nous ne faisons pas de compensations de marges."

Minjat

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Contrairement aux géants de la distribution, la petite enseigne n'a pas connu de période de pénurie sur certains produits importés depuis les quatre coins du monde. Son modèle d'approvisionnement local fait qu'elle est très peu impactée par l'augmentation des prix du carburant, des matières premières, la hausse des coûts de revient, les conflits internationaux et les interdictions d'exportations de certains qui chamboulent particulièrement le bon fonctionnement de la grande et moyenne distribution.

"En terme d'approvisionnement, on ne manque de rien, au contraire. Il y a certains producteurs à qui nous sommes capables de faire produire ce qui manque. Notre huile bio est moins chère que la conventionnelle vendue ailleurs. La réussite de notre modèle réside dans notre capacité à valoriser tous les produits du territoire et à tout vendre."

Dans une période où le pouvoir d'achat des Français est largement impacté par l'inflation, qui a atteint 5,2% sur un an au mois de mai, selon l'Insee, "Minjat !" est "plus résiliant". Dans ses rayons, les augmentations de prix arrivent "au compte-gouttes" et sont souvent minimes.

"Certains éleveurs nous avertissent de certaines augmentations car leur modèle ne tient plus. Nous travaillons avec des personnes en autonomie alimentaire qui subissent moins la hausse des matières premières. Une inflation de 5% existe sur les produits manufacturés car il y a une augmentation des salaires et sur la viande autour de 3 %. Chez nous, certains fruits et légumes sont moins chers que l'année passée et le poulet élevé en plein air coûte toujours 8,50 euros le kilo", analyse Cyril Picot qui emploie trente personnes à temps plein.

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