Toulouse. Des riverains envisagent une action en justice contre la dark kitchen Popafood

Deux semaines après son ouverture à Toulouse, la cuisine fantôme, ou dark kitchen, Popafood se voit déjà accusée de plusieurs nuisances sonores et olfactives par une association de quartier. Celle-ci envisage de poursuivre en justice le restaurant multi-marques, et regrette la position de la mairie de Toulouse quant à l’ouverture de cet établissement nouvelle génération.
De gauche à droite : Marie-Laure Ichanjou (Présidente de l’association de quartier Chalets-Roquelaine), Alain Roy (Vice-Président), et des habitants du quartier.
De gauche à droite : Marie-Laure Ichanjou (Présidente de l’association de quartier Chalets-Roquelaine), Alain Roy (Vice-Président), et des habitants du quartier. (Crédits : Rémi Benoit)

Leur discrétion n'était pas le signe d'un apaisement des tensions. Près d'un an après la mise en ligne d'une pétition qui demandait l'abandon du projet de dark kitchen Popafood, l'une des plus grandes cuisine fantôme de France basée au coeur du quartier des Chalets à Toulouse, des riverains ont décidé de reprendre publiquement la parole, mardi 3 mai. C'est par le biais de l'association 'Chalets-Roquelaine Toulouse' qu'ils ont convié la presse afin de rappeler leur rejet total de ce projet d'envergure s'étalant sur 400 m2, pourtant ouvert depuis le 18 avril.

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Pour rappel, ces Toulousains s'indignent contre les nuisances sonores et olfactives que pourrait provoquer l'établissement une fois ses capacités de production maximales atteintes, soit 600 repas servis chaque jour. Ils dénoncent également un manque de prise en compte de leurs demandes par les porteurs de projet et la mairie de Toulouse, et n'excluent donc pas de mener l'affaire devant les tribunaux.

"Les tensions ne se sont pas apaisées", indique l'association

Un retournement de situation dans cette affaire qui semblait close, puisqu'Olivier Arsac, adjoint au maire en charge du commerce dans la Ville rose, avait rencontré les deux parties l'été dernier afin d'apaiser les esprits.

La mise en place d'un agent de sécurité à l'entrée de l'établissement, chargé de gérer les livreurs, semblait convenir aux deux camps. Mais cela n'a finalement pas été mis en place. Eric Descargues avait expliqué ce choix à La Tribune en avril, considérant qu'il valait mieux privilégier le dialogue humain. La réalité serait en fait économique selon l'association, qui s'appuie sur des propos tenus lors d'une visite organisée le 8 avril pour rassurer les riverains. Celle-ci a été menée avec quelques habitants inquiets, la Maire de quartier Caroline Adoue-Bielsa et Florent Garin (co-fondateur de Popafood). Interrogé par notre média sur les craintes exprimées par les habitants quelques jours avant l'ouverture de la dark kitchen, Eric Descargues déclarait : "Ce sont des peurs, ce ne sont pas des problèmes avérés". C'était sans compter sur la vigilance du voisinage, qui attendait cette inauguration au tournant...

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Alain Roy, vice-président de l'association de quartier, entouré d'habitants des rues qui entourent le restaurant multi-marques (Crédits : Rémi Benoit).

Car les habitants des rues Honoré Serres et Cabanel (située à l'arrière du restaurant multi-marques) tiennent un autre discours : "Ça sent la frite, le soir, tard !", affirme un riverain qui habite à seulement quelques mètres de l'établissement qui ferme ses portes au public à 23 heures.

Des scooters franchissent déjà la ligne continue pour faire demi-tour et roulent sur le trottoir.

Communiqué de presse de l'association « Chalets-Roquelaine Toulouse ».

"Huit containers poubelle vont stationner dans la rue, trois fois par semaine", complète Marie-Laure Ichanjou, présidente de l'association de quartier, avant d'ajouter que cela correspond au même cycle de ramassage des ordures que celui des ménages. Bien que leur refus catégorique d'accueillir dans leur quartier cette société puisse parfois pousser certains riverains à tenir des propos incohérents, force est de constater que cela n'enlève rien à la légitimité de quelques-unes de leurs craintes.

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Poubelles, extracteurs de fumée, manque de places de stationnement dédiées aux livreurs... L'association de quartier pointe du doigt plusieurs problématiques (Crédits : Rémi Benoit).

Si les calculs de l'association sont bons, 450 à 550 allers-retours de livreurs à scooters pourraient être effectués chaque jour si l'entreprise atteint ses objectifs de fin d'année. Or, comme le dénonce l'organisation, aucun parking de stationnement ou local destiné aux livreurs n'a été aménagé, contrairement à d'autres établissements de cette catégorie. Seule une porte dédiée a été ajoutée à la façade avant du bâtiment.

Ils peuvent essayer de réduire les nuisances, mais s'ils atteignent leurs objectifs, ce sera difficile !

Propos d'un habitant du quartier.

À ce sujet, Florent Garin aurait indiqué lors de la visite du 8 avril que ce type d'aménagement n'est pas du ressort de l'entreprise.

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Un manque d'anticipation de la part de la mairie de Toulouse ?

La mairie de quartier a donc proposé pour solution la création d'une zone de regroupement des scooters ou la mise en place d'une zone blanche téléphonique autour de Popafood pour empêcher les livreurs de stationner devant, leur smartphone étant leur principal outil de travail. En l'état, ces propositions restent au stade d'hypothèses, ce que regrettent les plaignants puisque l'ouverture de l'établissement était annoncée depuis des mois. Ces déclarations ont renforcé le sentiment des riverains de ne pas être écouté ou pris au sérieux. Car bien que le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, ait répondu à un de leurs deux courriers, les habitants disent déplorer le fait que la municipalité ne fasse pas tout ce qui est en son pouvoir pour préserver, autant que faire se peut, leur cadre de vie.

Les adhérents à l'association de quartier prennent pour exemple les mesures prises par les métropoles de Nantes, Lyon ou encore de Lille pour restreindre l'accès des scooters thermiques au centre-ville sur certaines plages horaires, ou encore pour lutter contre la prolifération des dark kitchens et autres dark stores. Dans son courrier, Jean-Luc Moudenc défend sa position par "un principe supérieur de la liberté commerciale au coeur notre système économique". Dans La Tribune, Olivier Arsac expliquait déjà ce raisonnement en juillet 2021.

Les collectivités n'ont pas à donner des autorisations pour s'installer, quelque soit l'activité, sauf pour les établissements proposants des débits de boissons.

Olivier Arsac, adjoint au maire de Toulouse en charge du commerce

L'occasion pour Marie-Laure Ichanjou de rappeler qu'il existe "un vide juridique en ce qui concerne les dark kitchens", fait régulièrement rapporté lorsque ce type d'établissement pose problème en France. Popafood est effectivement enregistrée au code NAF 6820B, qui correspond à une activité de location de terrains et d'autres biens immobiliers. S'il ne fait aucun doute que l'entreprise sous-loue ses boxs de cuisine, quid des équipiers qui servent des plats aux clients tout au long de la journée ?

"Ce n'est pas un projet créateur d'emplois, juste un investissement bankable"

Au-delà des quelques nuisances déjà constatées par ces habitants, l'association de quartier rappelle sa ferme opposition au principe même de l'ouverture de ces établissements fantômes, qui pullulent dans les grandes métropoles de l'Hexagone. Supermarchés, restaurants, commerces divers et variés : tous ou presque sont désormais concurrencés par des déclinaisons de leurs établissements, dédiées exclusivement à la livraison, sous forme d'entrepôts urbains. "Est-ce que l'on veut que nos rues commerçantes se transforment de la même manière ?", s'interroge ironiquement la présidente de Chalets-Roquelaine Toulouse.

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Sans transition, elle tacle ensuite la position des deux entrepreneurs derrière Popafood concernant la création de richesse. Dans La Tribune notamment, Eric Descargues a répété à plusieurs reprises sont souhait de "créer de la valeur, de l'emploi". Marie-Laure Ichanjou rétorque qu'une grande partie de ces emplois sont précaires, tout comme ceux des livreurs des plateformes numériques telles que Deliveroo ou Stuart, sociétés avec lesquelles collaborera bientôt la société toulousaine.

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Pour toutes ces raisons, l'association espère pouvoir déposer plainte contre la société Popafood dès qu'elle réunira suffisamment de preuves permettant d'attester que ses inquiétudes sont nourries par des faits avérés. Les établissements fantômes seront-ils, outre le marqueur d'une transformation de nos modes de consommation, celui d'un réaménagement de nos centres-ville ?

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Commentaire 1
à écrit le 04/05/2022 à 13:33
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les cuisines centrales n'ont pas non plus de service à table et sont diversifiées avec des menus différents. Il y a même des services de restauration privés qui font la même chose.

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