Covid-19 : l'aéroport de Toulouse négocie un dédommagement financier avec l'État

Alors que l'aéroport Toulouse-Blagnac tourne encore à des niveaux inférieurs de 50% de son trafic d'avant crise sanitaire, la société ATB qui exploite la plateforme sous forme de concession demande un dédommagement financier à l'État face à la chute de son chiffre d'affaires. En attendant un accord, en plus d'un plan d'économies, ses dirigeants misent sur la diversification immobilière de la plateforme et le redémarrage du trafic avec 79 destinations au départ de Toulouse.
L'Aéroport Toulouse-Blagnac (ATB), confronté à une forte baisse de son activité, demande réparation auprès de l'État.
L'Aéroport Toulouse-Blagnac (ATB), confronté à une forte baisse de son activité, demande réparation auprès de l'État. (Crédits : Rémi Benoit)

Comme de très nombreuses entreprises françaises, les aéroports du pays ont été secoués par la crise sanitaire de la Covid-19. "En 2019, nous faisions plus de 160 millions d'euros de chiffre d'affaires, contre 84 en 2020 puis 90 en 2021", expose Philippe Crébassa, le président du directoire de l'Aéroport Toulouse-Blagnac (ATB). Parallèlement, le résultat opérationnel courant d'ATB était en déficit de 11 millions d'euros fin 2022, contre "seulement" 1,6 million fin 2021. Conséquence, aujourd'hui, la société exploitante de l'infrastructure aéroportuaire demande réparation auprès de l'État.

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"Pour soutenir les aéroports, l'État a instauré une fausse mesure, qui est une avance remboursable de la taxe aéroportuaire. Les aéroports français devront rembourser, par une surtaxe entre 2024 et 2030, 750 millions d'euros. Cela posera à terme un problème de compétitivité de nos aéroports par rapport à d'autres plateformes européennes. Alors que dans d'autres pays, comme la Pologne, l'Allemagne, l'Italie ou encore le Royaume-Uni, ces États ont obtenu le feu vert de la Commission européenne pour aider financièrement leurs aéroports sous forme de subventions ou d'allongement du contrat de concession. Clairement, les aéroports ne font pas partie des entreprises les plus aidées par le gouvernement français", peste Philippe Crébassa.

Face aux pertes engagées, ATB semble avoir été entendue et mène, avec le soutien de ses actionnaires (Eiffage, la CCI Toulouse-Haute-Garonne et trois collectivités locales), des discussions avec l'État (qui détient lui aussi une part minoritaire du capital d'ATB). Comme d'autres aéroports régionaux.

"Il y a des discussions pour faire valoir nos droits dans le cadre du contrat de concession et nous sommes aujourd'hui encore dans une démarche à l'amiable. Ce qui nous intéresse est d'arriver à un accord très rapidement et nous sommes ouvert à tout. L'essentiel est d'avoir un équivalent euros qui compense le préjudice", explique Christian Cassayre, le nouveau président du conseil de surveillance d'ATB et directeur financier d'Eiffage.

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Pour mémoire, fin 2019, le groupe français Eiffage a acquis pour près de 500 millions d'euros 49,99% du capital d'ATB auprès du consortium chinois Casil Europe, alors actionnaire principal de l'infrastructure depuis 2015 et un investissement de 308 millions pour ces mêmes parts. ATB, qui gère sous concession la plateforme pour le compte de l'État jusqu'en 2046 selon le contrat en vigueur, n'est pas contre un prolongement de celui-ci en dédommagement, cette mesure étant simple à mettre en oeuvre.

ATB fonce vers la diversification immobilière

Ce dédommagement financier, tant attendu, doit permettre de combler les trous dans la caisse liés directement à la baisse du trafic aérien. Pour preuve, en 2021, l'aéroport de Toulouse-Blagnac n'a accueilli que 3,8 millions de passagers, soit près de 40% de son niveau d'avant crise sanitaire. "Il y a néanmoins plusieurs signaux positifs avec notamment une reprise nettement marquée depuis l'été dernier, avec des semaines, au cours du second semestre à 70% du trafic de l'année référence de 2019", commente Philippe Crébassa. Et le début de l'année 2022 s'annonce comme 2021, à savoir très hétérogène. ATB projette un premier trimestre à 57% du niveau du trafic d'avant la Covid-19, malgré un mois de janvier chamboulé par le variant Omicron. Par exemple, en semaine deux, ce sont 57.000 passagers qui ont transité par ATB, contre 121.000 en semaine huit du fait des vacances d'hiver.

Philippe Crebassa

Philippe Crebassa, le président du directoire de l'Aéroport Toulouse-Blagnac s'inquiète pour la compétitivité de son aéroport (Crédits : Rémi Benoit).

En attendant donc un éventuel accord avec l'État pour surmonter cette baisse d'activité bien que la reprise soit amorcée, l'Aéroport Toulouse-Blagnac a tout d'abord engagé un plan d'économies. Tout d'abord, "les investissements ont été divisés par quatre", ne cache le président du directoire, passant de 45 millions d'euros en 2019 à 10 millions deux ans plus tard, sans parler du fait que les actionnaires ont décidé de ne pas se verser de dividendes afin d'utiliser les réserves financières de l'aéroport pour passer le creux de la vague. Par ailleurs, ce plan d'économies s'est également traduit par une réduction des charges, avec notamment la fermeture du hall A pendant deux ans (qui va rouvrir prochainement) et l'usage très partielle du hall B, après avoir concentré l'activité de la plateforme sur les halls C et D. Côté ressources humaines, des départs naturels n'ont pas été remplacés et les 290 collaborateurs de ATB font l'objet d'un accord d'activité partielle de longue durée (APLD) jusqu'à la fin de l'année 2022.

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Cette réduction des charges se fait en concomitance avec un plan de développement des recettes, notamment sur le plan immobilier avec la location de foncier à des entreprises comme Sabena Technics, Fedex, ou encore NH Group (hôtel quatre étoiles face à l'aéroport). Lors de sa conférence de presse annuelle, mardi 22 mars, ATB a ainsi présenté un nouveau projet immobilier de 80.000 m2 en surface plancher, dédiés à des activités tertiaires. "Nous ne lancerions pas le projet si nous n'avions pas de clients intéressés car contrairement à certains promoteurs nous ne faisons pas d'opération à blanc. Avec cette nouvelle offre immobilière professionnelle neuve et répondant à des normes écologiques ambitieuses, nous sommes convaincus de pouvoir faire la différence sur ce marché", commente Philippe Crébassa qui projette une livraison en 2025 et qui fait remarquer que Toulouse souffre d'une pénurie de l'offre sur ce segment de marché.

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Côté hébergement d'entreprises, ATB accueille aussi désormais comme locataire depuis quelques jours la startup Universal Hydrogen, qui vient d'implanter sur place son centre de R&D européen, sur 2.900m2 de locaux. La société californienne vient de décrocher une première commande en France pour équiper des avions régionaux ATR de ses kits de conversion à l'hydrogène. Sept compagnies aériennes dans le monde ont déjà adopté la technologie dont la certification est attendue pour 2025 pour un usage sur des vols commerciaux.

Dans la Ville rose, les vols commerciaux devraient d'ailleurs reprendre du poil de la bête en 2022 avec 79 destinations (dont 61 à l'international) proposées au départ de Toulouse, contre 64 en 2021. Au total, plus de six millions de sièges seront proposés aux voyageurs depuis ATB pour le printemps et l'été 2022, soit 84% de l'offre de 2019.

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