Grippe aviaire : en Occitanie, la filière foie gras face aux crises répétées

Le scénario noir se répète pour les producteurs de foie gras en ce début d'année 2022. La France compte 281 foyers de grippe aviaire dont une trentaine rien que dans le département du Gers. Foyers de contaminations, abattages préventifs, indemnisations de l'Etat, les professionnels de la filière sont entre "désarroi" et "récurrence de ces épidémies". Comme en 2021, une hausse des prix du foie gras allant de 5% à 15% pourrait intervenir dans les mois à venir.
La filière est durement touchée par la grippe aviaire cette année.
La filière est durement touchée par la grippe aviaire cette année. (Crédits : Rémi Benoit)

À l'hiver 2016, le Sud-Ouest était pour la première fois touché par la grippe aviaire. Depuis, le coeur battant de la production de foie gras en France enchaîne les crises sanitaires avec trois épisodes d'influenza aviaire en l'espace de six ans.

En 2021, la filière palmipèdes gras a perdu 150 millions d'euros d'après le Cifog, (l'interprofession du foie gras) et le préjudice culmine autour de 500 millions d'euros en incluant l'ensemble de la filière avicole (élevage d'oiseaux et de volailles). En ce début d'année 2022, la situation est à nouveau préoccupante dans les élevages du Sud-Ouest et notamment dans le Gers. Ce dernier est le troisième département français producteur de foie gras (derrière les Landes et les Pyrénées Atlantiques) avec plus de 2.500 tonnes produites par an.

200.000 volailles abattues dans le Gers

D'après le ministère de l'Agriculture, la France compte 281 foyers d'influenza aviaire hautement pathogène au 24 janvier dont près d'une trentaine uniquement dans le Gers.

"La situation est tendue dans le Gers. Les gallinacés sont encore plus touchés que l'année dernière. Plus de 200.000 volailles ont dû être abattues dans le département et les abattages préventifs se poursuivent", indique Philip Everlet, responsable du pôle élevage aviculture à la Chambre d'agriculture du Gers.

foie gras france

carte sud ouest

Le Gers est particulièrement touché par ce nouvel épisode de grippe aviaire (Source : ministère de l'Agriculture).

Selon le responsable, quarante communes gersoises sont concernées par une "stratégie de dépeuplement complet", autrement dit d'abattage. À noter que l'ouest du Gers, proche des Landes, est la zone la plus impactée par la crise sanitaire.

Afin de soutenir les éleveurs et producteurs, l'Etat verse des indemnisations. Philip Everlet confirme que les producteurs sont dédommagés par l'Etat pour la "valeur marchande objective", c'est-à-dire ce que coûte l'animal qui est abattu au moment où il est euthanasié. Selon lui, les premiers acomptes ont déjà été versés aux éleveurs touchés. Une autre aide appelée indemnisation pertes production devrait elle aussi être versée aux professionnels du secteurs, comme en 2021. Le conseil départemental, lui, pourrait aussi intervenir en prenant en charge le coût des analyses avant la remise en service. L'année passée, le Gers avait pris en charge 50% du montant de ces analyses qui coûtent aux éleveurs entre 200 à 1.200 euros.

"On enchaîne crise sur crise"

Pour Xavier Duffau, président des Jeunes agriculteurs du Gers, cette récurrence des crises commence à interroger dans la filière.

"Les indemnisations sont bienvenues et nécessaires, c'est sûr. Mais ce n'est pas valorisant pour les éleveurs. Ils voudraient pouvoir vivre de leur métier et pas des aides de l'Etat. La question de l'avenir se pose évidemment car on enchaîne crise sur crise."

Des crises à répétition qui pourraient, à terme, avoir une influence sur les consommateurs. Même s'il est encore trop tôt pour évaluer avec précision l'impact sur les prix à la vente, Xavier Duffau et Philip Everest sont d'accord pour dire qu'une possible hausse des tarifs est à envisager en 2022, comme en 2021. Entre les canards tombés malades dans les exploitations, le plan d'abattages préventifs mis en place par le ministère de l'Agriculture et le nombre d'animaux qui n'ont pas été mis en production depuis le début de l'épisode de grippe aviaire, ce sont près de sept millions de canards qui, cette année, vont manquer à la filière selon les syndicats. À cette pénurie, s'ajoute un coût plus élevé des matières premières.

"Nous sommes sur le même profil qu'en 2021 avec une hausse des prix des céréales et de l'énergie qui pourrait avoir une répercussion sur le prix de vente des foies gras. Cette hausse pourrait varier entre 5% et 15% en fonction des entreprises", évalue Philip Everlet.

Cependant, la profession se veut rassurante envers les consommateurs qui plébiscitent toujours ce produit et son image de marque. "Il y aura assez de foie gras pour les fêtes et la qualité sera toujours au rendez-vous", soulèvent les représentants syndicaux.

Une filière en danger ?

Ces épisodes de grippe aviaire à répétition peuvent-ils menacer à terme la filière foie gras du Sud-Ouest ? Philip Everest et Xavier Duffau ne pensent pas que la filière soit en danger. Par contre, ils soulèvent l'inquiétude des producteurs autour de la gestion des virus, qui est "légitime". Pour le président des Jeunes Agriculteurs du Gers, "la filière a de beaux jours devant elle" même s'il reconnaît qu'il y a "toujours des choses à revoir". Comme dans tous les secteurs agricoles, le nombre de nouveaux paysans baisse. Philip Everlet estime qu'il y a une quinzaine d'années, 1.300 éleveurs produisaient du foie gras contre 700 aujourd'hui. Le renouvellement générationnel sera crucial dans les années à venir. "C'est une filière porteuse pour la jeunesse qui est bien installée dans le Gers. Dans notre département, le foie gras jouit d'une belle image de marque", rassure Xavier Duffau.

Une image de marque défiée ces dernières années alors que de plus en plus de Français s'intéressent au bien-être animal. 86% d'entre eux jugent la protection des animaux importante selon un sondage réalisé par l'Ifop en 2021. Les professionnels du secteur affirment prendre en compte cette préoccupation. "Des efforts ont été faits depuis des années", estime le président des JA32. Mais pour lui, il faudrait surtout "s'intéresser encore plus au bien-être des éleveurs".

Lire aussi 4 mnAviwell invente le premier foie naturellement gras sans gavage de l'animal

À retenir


  • 100.000

    emplois directs ou indirects sont générés par cette filière en France.

  • 70%

    des capacités d'élevage en 2010 étaient localisées dans le Sud-Ouest.

  • 1er

    producteur mondial de foie gras : la France.

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