"Latécoère vise une taille critique d'1,5 à 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires"

ENTRETIEN. À l'occasion de l'inauguration du nouveau siège toulousain de Latécoère, son directeur général Thierry Mootz a dressé la feuille de route de l'équipementier aéronautique pour les prochaines années. Après une recapitalisation de 222 millions d'euros cet été, Latécoère a déjà procédé à deux acquisitions et s'apprête à annoncer une nouvelle opération de croissance externe en Europe. Grâce à la remontée des cadences et la nouvelle vague de consolidation, le groupe compte non seulement retrouver son niveau d'avant crise mais réaliser un passage à l'échelle. Composites, fibre optique et LiFi sont les technologies-clés sur lesquelles le sous-traitant mise pour l'avion de demain.
Thierry Mootz, directeur général de Latécoère, devant le nouveau siège de l'équipementier aéronautique à Toulouse.
Thierry Mootz, directeur général de Latécoère, devant le nouveau siège de l'équipementier aéronautique à Toulouse. (Crédits : Frédéric Scheiber)

Après 20 mois de pandémie, comment se porte le groupe Latécoère et à quel scénario de reprise vous préparez-vous ?

THIERRY MOOTZ - La Covid a été une épreuve très difficile pour l'ensemble de l'aéronautique et également pour Latécoère. Nous avons perdu pas loin de 50% de notre chiffre d'affaires. Nous sommes passés de 713 millions d'euros en 2019 à 413 millions en 2020. En France, l'effectif est passé de 1.600 à 1.400 salariés avec 150 départs volontaires et 56 départs contraints. Nous avons bénéficié des PGE (prêts garantis par l'Etat) et de l'APLD (activité partielle de longue durée) donc nous avons vraiment utilisé à fond les dispositifs que la France a mis en place. Et puis, nous avons fait une augmentation de capital de 222 millions d'euros qui nous permet aujourd'hui de financer la croissance externe.

Après avoir atteint au deuxième trimestre 2021 le point bas de notre activité, aujourd'hui nous remontons la pente et nous allons livrer des résultats qui sont meilleurs que ce que nous avions annoncé en début d'année. L'objectif est de retrouver l'équilibre vraisemblablement en 2023 et de réaliser une génération de cash positive à partir de 2024. Bien sûr, nous sommes très attentifs à l'évolution de l'épidémie. Cela dit, notre industrie est liée à des tendances de fond. Le tourisme reprendra à un moment ou un autre. Le trafic domestique est relativement soutenu. Et si l'on regarde les prévisions des constructeurs aéronautiques, Boeing continue d'annoncer 44.000 avions et Airbus 39.000 appareils en 2030-2035. Ces ordres de grandeur restent assez proches des tendances annoncées précédemment. Le transport aérien long-courrier mettra plus de temps à revenir, certainement pas avant 2024-2025. Et là, l'évolution de la pandémie sera un élément marquant. Par contre, sur les vols sur les court-courriers de type Boeing 737 ou A320, nous commençons déjà à voir au niveau de notre carnet de commandes que les cadences reprennent.

Depuis cet été, la consolidation de la supply chain aéronautique s'accélère. Quelle est votre stratégie en la matière ?

Nous avons déjà réalisé plusieurs opérations de croissance externe cette année avec l'acquisition en début d'année d'une usine du constructeur Bombardier au Mexique. Depuis notre recapitalisation cet été, nous avons fait l'acquisition de la société TAC en Belgique qui produit notamment des bielles. Nous avons également racheté également l'entreprise Shimtech Mexico qui est située à côté de notre site de production de portes pour le Boeing 787. Nous nous préparons à réaliser d'autres acquisitions en Europe et en Amérique du Nord. J'espère annoncer dans les jours qui viennent une acquisition en Europe.

Nous devons atteindre une certaine taille critique pour atteindre la rentabilité standard de notre industrie. Nos pairs affichent aux alentours de 10% d'Ebitda. Ce n'est pas du tout le cas de Latécoère aujourd'hui et nous avons besoin d'aller vers cet objectif. Latécoère vise une taille critique d'1,5 à 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Aujourd'hui, nous atteignons 400 millions, cela veut dire que nous allons faire des acquisitions qui vont nous permettre, vers 2025, d'arriver à la taille que nous avions avant la crise. Ces acquisitions et la remontée des cadences nous permettront de viser un peu en deçà d'un milliard. Et ensuite, se marier avec une société d'une taille équivalente à la nôtre, nous permettra d'arriver à cette cible d'1,5 ou 2 milliards d'euros.

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Thierry Mootz, nouveau DG de Latécoère (Crédits : Frédéric Scheiber).

Cette consolidation passera par une plus forte internationalisation de vos sites de production ?

Latécoère est une société qui a plus de 100 ans et qui a fait son développement en France avec des personnages illustres comme Mermoz ou Saint-Exupéry. Nous restons ancrés en France. Le nouveau siège que nous inaugurons à Toulouse en est la démonstration. C'est la première fois que nous regroupons sur un seul site dans la Ville rose les activités commerciales, techniques, financières et les ressources humaines. Nous avons des sites de production bien marqués dans la région, dans le Gers, à Montpellier avec un centre d'excellence pour le câblage des satellites, à Liposthey dans les Landes autour des nouveaux procédés industriels.

La mission que je fixe à mon entreprise est aussi d'emmener le drapeau français partout où sont les commandes. Nous avons des usines au Brésil à côté d'Embraer, au Mexique à proximité de Boeing, etc. Latécoère doit avoir une présence équilibrée entre l'Europe et les Etats-Unis. C'est d'autant plus nécessaire que Boeing est le deuxième constructeur aéronautique mondial.

Votre nouveau siège toulousain* accueille de nombreux programmes de recherche sur les composites, la fibre optique, le LiFi. En quoi c'est important pour l'avion de demain ?

Ce sont ces technologies innovantes qui seront utilisées demain pour faire un avion plus vert. Les matériaux composites permettent par exemple d'avoir un avion plus léger. C'est la raison pour laquelle nous investissons plus de cinq millions d'euros dans un centre de développement sur les composites. Implanté juste à côté de notre siège, il sera opérationnel à l'été 2022. De la même manière, le LiFi, c'est finalement une transmission de données à grande vitesse, autrement dit du Wi-Fi super rapide et sécurisé qui se fera sur des téléphones portables de future génération. C'est l'avenir donc nous voulons nous positionner sur ce type de produits. L'avion vert aura bien sûr une motorisation différente mais ce n'est pas notre coeur de métier. Par contre, travailler sur la réduction de poids, c'est aller vers notre raison d'être, qui est de servir l'aéronautique avec des solutions innovantes pour un monde durable.

*Retrouvez dans l'édition de mercredi un reportage en images sur le nouveau siège toulousain de Latécoère.

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