Navblue : après l'assistant de vol des pilotes, la filiale d'Airbus veut optimiser les missions sol

Cinq ans après la création par Airbus de sa filiale Navblue spécialisée dans l'optimisation des opérations aériennes, son CEO Fabrice Hamel fait le point dans La Tribune sur les activités de la société. Après le lancement lors du Dubai Airshow de son premier assistant de vol pour les pilotes, Navblue planche sur une solution intégrée pour toutes les missions au sol des compagnies aériennes. La filiale compte maintenir le rythme d'une centaine de recrutements par an et noue des partenariats avec les écoles comme l'Enac pour repérer ses futurs talents.
Navblue, filiale d'Airbus, a dévoilé lors du Dubai Airshow son assistant de vol numérique pour les pilotes.
Navblue, filiale d'Airbus, a dévoilé lors du Dubai Airshow son assistant de vol numérique pour les pilotes. (Crédits : Navblue)

"On a souvent cette image du pilote transportant sa grosse valise. Historiquement, le pilote devait emporter avec lui énormément de papiers : les manuels de vol des avions mais aussi toutes les cartes des zones traversées le jour du vol, la météo, les informations sur le nombre de passagers, le poids du fret, etc. Autant de données pour l'aider à optimiser la vitesse, le carburant et la sécurité du vol en évitant les orages ou les turbulences trop fortes. Depuis une vingtaine d'années, Airbus a engagé un tournant vers un cockpit beaucoup plus digital", rappelle Fabrice Hamel, CEO de Navblue.

Cette filiale à 100% d'Airbus, dont le siège est à Toulouse, est née en 2016 de l'union des compétences internes de l'avionneur européen en matière d'opérations aériennes et du rachat de la société canadienne de navigation Navtech. Cinq ans plus tard, Navblue pèse 100 millions d'euros de chiffre d'affaires pour un effectif de 450 collaborateurs répartis dans huit pays (France, Angleterre, Canada, Etats-Unis. Singapour, Chine, Thaïlande et Suède). Elle compte 500 compagnies clientes pour ses solutions digitales visant à optimiser les opérations aériennes.

Un assistant numérique de vol pour les pilotes 

La dernière en date a été annoncée il y a quelques semaines lors du Dubai Airshow.

"Mission+ est le premier assistant électronique de vol au monde qui intègre toutes les fonctionnalités dont le pilote a besoin et en suivant son enchaînement normal de tâches, décrit Fabrice Hamel à l'occasion d'une interview accordée à La Tribune.

Avant de détailler :

"Encore aujourd'hui le pilote doit jongler dans le cockpit entre un mélange de documents papier et d'applications qui sont chacune spécialisées (météo, carburant, optimisation de trajectoire, etc). C'est comme lorsque sur votre smartphone, vous devez passer d'une application à l'autre. Mission+ intègre le plan de vol, les prévisions météo, les espaces aériens qui sont ouverts ou fermés le jour du vol et les informations sur le carburant nécessaire pour réaliser la mission. Ensuite, l'assistant va calculer la performance de l'avion selon sa charge passager et fret, la distance qu'il doit parcourir et le carburant à bord.

La troisième grande fonctionnalité de Mission+, c'est d'avoir tous les manuels de vol de façon digitale et contextualisée. Le pilote doit suivre une série de checklist de la mise en marche des moteurs jusqu'au décollage de l'avion. Jusqu'à présent, il devait au fur et à mesure tourner les pages de son manuel de vol. Désormais, les tâches à vérifier apparaissent au bon moment sous forme de notifications sur l'écran de sa tablette. Et puis, la solution fait apparaître toutes les cartes nécessaires durant le vol : celle de l'aéroport lors du décollage puis la carte pour la phase de croisière, etc."

Alors que sa commercialisation vient de débuter, la solution Mission+ de Navblue a déjà conquis "plusieurs grandes compagnies aériennes".

Bientôt une solution pour les missions sol des compagnies

La filiale d'Airbus, qui investit chaque année 20% de son chiffre d'affaires dans l'innovation, planche déjà sur une nouvelle solution numérique qui intégrerait toutes les mission au sol des compagnies aériennes.

"Cela comprend la planification sur le long-terme. Toutes les compagnies aériennes ont besoin de déterminer leur planning de vol pour l'été ou pour l'hiver et organiser en fonction de ces prévisions de trafic, le nombre d'avions nécessaires, mais aussi leur effectif de pilotes et d'équipage. À plus court-terme, une semaine à l'avance, elles doivent fixer les routes empruntées et les avions utilisés en fonction du nombre de passagers, des contraintes météo et des grèves dans l'espace aérien. Et lorsqu'il y a des imprévus, il faut réoptimiser en permanence tout au long de la journée le planning de vol.

Nous voulons envoyer toutes ces informations automatiquement au pilote directement sur sa tablette pour qu'il n'ait plus besoin de venir dans l'aéroport chercher les documents papier actualisés mais qu'il puisse les consulter directement depuis l'avion ou son hôtel. C'est l'intégration de tous les outils sol qui permettront d'atteindre la mission parfaite", poursuit le CEO de Navblue.

La solution devrait commencer à être expérimentée dès 2022 par les compagnies aériennes.

Autant d'outils numériques qui pourraient jouer un rôle déterminant dans la décarbonation de l'aviation dans les années à venir d'après le dirigeant de la filiale d'Airbus :

"On n'a pas besoin d'attendre des avions à hydrogène pour améliorer l'impact environnemental de l'aviation. Il est possible dès à présent d'améliorer l'usage des avions existants. L'aviation du futur, qui sera basée sur l'hydrogène, l'électrique ou les carburants durables n'arrivera pas avant les années 2030. Dans les dix à quinze ans qui viennent, nous pouvons améliorer de façon significative la décarbonation de l'aviation uniquement en organisant bien les opérations aériennes."

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Un marché de plus en plus prisé

Face à la pression environnementale accrue sur le secteur aérien, les compagnies aériennes renforcent leur appétit pour les solutions d'écopilotage. La filiale d'Airbus est loin d'être la seule à se positionner sur ce créneau. Son plus gros concurrent reste Jeppesen, la filiale analogue de Boeing, fondée en 1934 et qui est le n°1 mondial en matière de systèmes de navigation aéronautique. Même si Airbus espère rattraper le compétiteur américain dans les prochaines années.

Navblue a vu également émerger ces dernières années des outsiders par le biais de startups se positionnant sur des services d'optimisation des vols, à l'image de Safety Line (rachetée cet été par le groupe Sita) ou d'Openairlines. "Ces startups visent des solutions de niches et très spécialisées, par exemple sur l'optimisation de la montée ou la descente de l'avion, mais elles n'ont pas la capacité à offrir une expérience complète qui a un impact significatif. Les outils très spécialisés permettraient d'économiser un milliard de kilos de kérosène par an sur l'ensemble de l'aviation mondiale quand une optimisation globale des opérations aériennes pourrait réduire de 30 à 60 milliards de kilos le carburant utilisé", fait valoir Fabrice Hamel.

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Même si le trafic aérien mondial n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant-crise, Navblue compte maintenir son rythme moyen d'une centaine de recrutements par an sur l'ensemble de ses sites. Pour dénicher de nouveaux talents, la société a noué récemment des accords avec l'Enac (école nationale de l'aviation civile) à Toulouse et l'université de Waterloo au Canada.

"Les activités de Navblue se situent à la croisée du digital et des opérations aériennes. Nous recherchons d'une part des jeunes formés aux opérations aériennes et c'est le sens du partenariat avec l'Enac. D'autre part, nous recrutons des profils en pointe sur les nouvelles technologies : intelligence artificielle, analyse des données, cloud computing... Au Canada, Navblue dispose d'un grand site proche de Toronto. Dans l'université voisine, un département Digital for Aviation a été créé. D'où l'idée d'aller y chercher de très jeunes talents pour innover sur de futurs projets", conclut Fabrice Hamel.

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