Avion à hydrogène : la dure bataille d'Airbus pour recruter de nouveaux talents

Entre l'arrivée de l'avion à l'hydrogène, l'essor de l'intelligence artificielle, la robotisation accrue de la production et le départ en retraite de milliers de salariés, l'avionneur européen va devoir profondément modifier sa politique de recrutement et faire monter en compétences ses effectifs. Le DRH d'Airbus Thierry Baril a livré ce mercredi à Toulouse les grands enjeux de cette transformation.
Airbus va former ou faire monter en compétence environ 650 ingénieurs sur l'hydrogène d'ici deux ans.
Airbus va former ou faire monter en compétence environ 650 ingénieurs sur l'hydrogène d'ici deux ans. (Crédits : Rémi Benoit)

En 1997, le cabinet de conseil McKinsey employait pour la première fois l'expression "guerre des talents" pour décrire les difficultés rencontrées alors par les entreprises qui voulaient recruter des salariés qualifiés en raison des évolutions démographiques et de la demande croissante de compétences spécifiques dans de nombreux secteurs. "Cette guerre des talents existe finalement beaucoup plus aujourd'hui qu'à la fin des années 90", remarque Thierry Baril, le DRH d'Airbus. Le dirigeant a profité de l'Airbus Summit ce mercredi 22 septembre à Toulouse pour dresser les grands défis de recrutement et de formation auxquels va devoir faire face l'avionneur européen dans les prochaines années.

650 personnes formées à l'hydrogène d'ici deux ans

Premier défi, avec l'annonce de la mise en service d'un avion à hydrogène à l'horizon 2035, Airbus va devoir se doter de nouvelles compétences. "Nous savons que dans les deux années à venir, nous devons former ou faire monter en compétence environ 650 ingénieurs sur l'hydrogène", indique Jumoke Fagbemi, vice-présidente aux ressources humaines au sein du groupe.

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Problème : l'avionneur européen n'est pas le seul à partir à la recherche de ces profils. "L'hydrogène fait beaucoup parler et nous sommes nombreux à aller chercher finalement un tout petit nombre de compétences existantes aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle nous allons repérer dans nos effectifs des salariés qui ont des prérequis, soit la bonne formation, soit une expérience significative, qui puissent monter en compétence. Parce sinon il n'existe pas assez de profils par rapport à nos besoins", observe Thierry Baril.

Intelligence artificielle, cryogénie et robotisation

L'hydrogène n'est pas le seul domaine dans lequel Airbus va recruter dans les prochaines années. Cette source d'énergie va aussi demander des connaissances en cryogénie. "Nous avons beaucoup de compétences en la matière parmi nos effectifs d'Airbus Defence & Space dans la partie spatiale et dédiée aux lanceurs du groupe. Mais il s'agit de compétences dont nous avons aussi besoin aussi pour nos programmes spatiaux", ajoute-t-il.

Le DRH d'Airbus cite aussi des recrutements à venir pour accompagner la robotisation de la supply chain et de la production : "Sur ces compétences, nous allons recruter peut-être 10 à 20 personnes. Ce n'est pas énorme mais il s'agit de compétences très particulières." Enfin, le groupe n'échappe pas aux bouleversements liés à la numérisation de l'économie avec des besoins en matière de cybersécurité et d'intelligence artificielle. Airbus indique avoir fait monter en compétence plus de 1.000 salariés depuis 2017 pour de l'intelligence artificielle ou de l'analyse de données. Pour faire face à ces nouveaux enjeux de recrutement, Airbus compte enfin s'ouvrir encore davantage à de nouveaux profils. Aujourd'hui 25% des salariés ne disposent pas de compétences en matière d'aéronautique ou de spatial mais sont issus par exemple d'une école d'informatique. Ce chiffre pourrait continuer à augmenter à l'avenir.

Il est trop tôt pour connaître le nombre de recrutements qui seront réalisés les prochaines années par le groupe. Airbus qui avait embauché près de 1.500 personnes en 2019 et qui a dû lancer avec la crise sanitaire un large plan de restructuration, envisage de reprendre une dynamique de recrutement dès l'année prochaine avec "plusieurs milliers de recrutements d'ici à 2025". La remontée des cadences devrait soutenir cette relance des embauches. À Toulouse, l'arrivée d'ici fin 2022 d'une nouvelle ligne d'assemblage dédiée à l'A321 devrait mobiliser 500 personnes mais on ignore encore le nombre de créations d'emplois prévus.

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Conquérir la nouvelle génération

Le groupe va faire face dans les prochaines années à une vague de départs à la retraite. "2.000 à 3.000 personnes pourraient partir dans les trois prochaines années en France", calcule Thierry Baril. Un chiffre nettement inférieur à ce qu'il était avant le plan social, beaucoup de salariés ayant profité de conditions avantageuses du PSE pour terminer leur carrière. 

Néanmoins, Airbus anticipe déjà une transformation de sa pyramide des âges à court-terme. "La nouvelle génération représente 40% de notre effectif global mais nous savons que d'ici cinq à dix ans, ce chiffre montera à 70%", relève le DRH. Ce bouleversement implique aussi de s'adapter aux aspirations de ces jeunes. L'avionneur a mené une étude en interne pour comprendre les facteurs ayant poussé de jeunes ingénieurs à quitter Airbus pour des structures plus petites, des startups notamment. Il en ressort que pour 60% du panel interrogé, le salaire n'était pas l'élément principal de leur décision. "La nouvelle génération est extrêmement sensible aux valeurs éthiques et de développement durable. Certains peut-être s'interrogent sur le fait de rejoindre une industrie qui pollue. Il faut leur rappeler que le trafic aérien ne pèse que 2,5% des émissions mondiales de CO2. Nous offrons la possibilité de contribuer à un projet collectif qui va façonner le monde", conclut Thierry Baril.

 Airbus emploie 130.000 salariés dans le monde, dont 45.000 en France et plus de 20.000 à Toulouse.

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Commentaires 5
à écrit le 24/09/2021 à 7:52
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L'aerien ne représente que 2,5% ? d'une part c'est faux et d'autre part c'est trop. Comment travailler dans une entreprise qui participe à notre fin prochaine. Boeing anticipe une augmentation de 30% du trafic aerien!

à écrit le 23/09/2021 à 20:26
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Airbus veut faire croire que c'est compliqué que ça prend du temps alors qu'en 2 ans sur des fonds européens il a fait voler dans les années 2000 un A300 avec ce carburant projet Cryoplane

à écrit le 22/09/2021 à 20:32
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Il suffit de payer correctement les gens et de ne pas les prendre pour des imbéciles et ils viendront...

le 18/12/2021 à 9:33
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Absolument. AIRBUS paie au lance-pierre. La société met aussi souvent ses employés dans des situations hostiles ou manipulatoires. Sans doute pareillement que toutes les grosses boites. ça dépend aussi peut être des domaines de l'entrepise.

à écrit le 22/09/2021 à 19:08
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Airbus a intérêt a s'intéresser au plus léger que l'air plutôt que de chercher a propulser un avion avec cet "acide"!

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