À l'occasion de sa prise de parole sur le Space Forum de La Tribune, organisé le 10 juin dernier à Toulouse, Alexandre Tisserant avait préparé les esprits à cette décision. Celle de ne pas faire appel aux gros lanceurs et en particulier à l'européen Ariane pour mettre en orbite sa constellation françaises de nanosatellites.
"On réfléchit en termes de prix mais aussi en capacités de l'offre. C'est-à-dire que nous avons des besoins spécifiques qui sont particuliers en tant qu'acteur nouveau. On ne va pas utiliser des très gros satellites qui vont occuper de très gros lanceurs. Chacun de satellites fera environ 25 kilos et nous les lancerons par paquets de cinq, ce qui fera 150 kilos à chaque fois. Vous voyez bien qu'on ne remplit pas forcément un lanceur Véga. Il faut donc trouver des moyens en head share ou bien faire appel à d'autres lanceurs pour compléter le tout", avait notamment déclaré le président de la jeune entreprise Kinéis qui va dédier sa future constellation à l'Internet des Objets (IoT).
Pour mémoire, cette jeune entreprise s'est faite un nom dans l'écosystème du spatial en levant 100 millions d'euros en début d'année 2020 pour mettre sur pied une constellation de 25 nanosatellites totalement français et 20 stations au sol. Équipés d'un système de propulsion électrique, ces engins destinés à l'orbite basse seront par conséquent lancés par l'Américain Rocket Lab, comme vient de l'annoncer la société toulousaine par communiqué.
"Les microlanceurs nous offrent cette flexibilité technique"
"Très rapidement après l'officialisation de notre levée de fonds, beaucoup de lanceurs nous ont contacté", confie à La Tribune Alexandre Tisserant. Néanmoins, dans le cadre de l'appel d'offres émis par Kinéis, ils sont concrètement cinq à avoir déposé un dossier pour se porter candidat.
"Nous avons choisi Rocket Lab avant tout pour des considérations techniques. Les gros lanceurs au rendez-vous ne correspondaient pas à nos besoins. Faire appel à eux signifiait revoir le design de nos satellites notamment, ce qui impliquait en conséquence des problèmes de coûts en partie. Les microlanceurs nous offrent cette flexibilité technique et une précision de mise en orbite assez élevé. Par ailleurs, il n'y a pas 1.000 microlanceurs et avec eux le prix était au rendez-vous", justifie le président de Kinéis auprès de La Tribune.
Si l'entreprise au capital majoritairement privé a pu se tourner vers le microlanceur américain, c'est aussi et surtout pour le dernier étage de son lanceur Electron, le "Kick Stage", qui a déjà prouvé son efficacité et sa fiabilité avec une centaine d'autres satellites lancés.
"Pour mettre à poste une constellation entière et la rendre opérationnelle rapidement, il faut que chaque satellite soit injecté exactement sur la bonne orbite. Les performances exceptionnelles de Rocket Lab en matière de précision du déploiement orbital donnent cette assurance à Kinéis. En assurant la dernière partie du transport spatial vers l'orbite finale, le dernier étage du lanceur nommé Kick Stage facilite grandement la vie des opérateurs de constellation", a réagi de son côté Peter Beck, le fondateur et PDG de Rocket Lab.
Désigné comme lanceur unique de Kinéis, l'acteur américain enverra une première salve de satellites dès avril 2023, depuis la Nouvelle-Zélande, et quatre autres opérations suivront jusqu'en fin d'année 2023.
Une cinquantaine d'entreprises démarchée
D'ici la fin de l'année 2021, les 52 salariés de Kinéis recevront leur premier satellite et la première station sol sera déployée dans la foulée à Toulouse, afin de démarrer la phase de tests, avant la mise en production de tous les équipements.
Pour mémoire, Thales Alenia Space aura à sa charge l'architecture du système, la responsabilité du développement des charges utiles avec la société Syrlinks, les stations au sol et le centre de mission. Hemeria sera chargée des plateformes et de l'intégration satellite. C'est ce même duo industriel qui a composé le premier nanosatellite français, mis en orbite en décembre 2019 et nommé Angels, qui contient une charge utile Argos. Lui et sept autres satellites Argos déjà en orbite viendront compléter la future constellation Kinéis.
Par ailleurs, les équipes de cette dernière installées à Toulouse comptent optimiser cette période de pré-lancement de la constellation pour développer le volet commercial. "Le but du jeu est d'avoir déjà des contrats signés dans les prochains mois et ainsi avoir des dizaines de milliers d'objets connectés dès la mise en service de notre offre", fait savoir Alexandre Tisserant. En ce sens, une cinquantaine d'entreprises serait actuellement démarchée par l'acteur du New Space, notamment dans l'univers de la construction, de l'agriculture, des énergies ou même des télécommunications. Ainsi, après avoir bouclé le précédent exercice avec sept millions d'euros de chiffre d'affaires, Kinéis vise le cap des dix millions en 2021.
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