À Toulouse, l'immense majorité des discothèques fermées cet été

Les discothèques resteront, pour la plupart, fermées à Toulouse ce week-end. Pourtant, ce 9 juillet devait être un jour de fête pour les clients et les gérants de ces établissements, qui attendaient leur réouverture administrative avec impatience. Les raisons qui expliquent leur choix.
Après 16 mois de fermeture imposée, une majorité des discothèques toulousaines ont décidé de ne pas ouvrir leurs portes le 9 juillet.
Après 16 mois de fermeture imposée, une majorité des discothèques toulousaines ont décidé de ne pas ouvrir leurs portes le 9 juillet. (Crédits : Reuters)

Ce devait être un grand week-end de fête. Seize mois après leur fermeture liée aux restrictions sanitaires de la Covid-19, la plupart des discothèques ont fait le choix de rester fermées à Toulouse, malgré la possibilité qui leur est offerte de réouvrir.

Selon l'Association française des exploitants de discothèque et dancing (Afedd), trois établissements de nuit sur quatre ne pourront pas rouvrir ce 9 juillet. L'Umih (Union des métiers et des industries de l'Hôtellerie) indique de son côté que 90% de ses adhérents ont fait le choix de rester fermés au niveau national, 70% pour le SNDLL (Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs). Sans surprise, la situation est similaire dans la ville de Toulouse.

Pourtant, le gouvernement avait fait un pas en avant en acceptant de ne pas imposer le masque au sein de ces établissements, demande régulièrement formulée par les professionnels du secteur car considérée comme inapplicable dans les faits. En contrepartie, ils se sont donc vus imposer un protocole sanitaire très strict, et c'est bien ce qui pose problème au secteur, qui a le sentiment de se faire balader.

Des contraintes différentes des bars

Car pour pénétrer au sein d'une boîte de nuit toulousaine, les clients devront montrer patte blanche avec un pass sanitaire valide (schéma vaccinal complet ou test négatif de moins de 48 heures). Surtout, les gérants de ces établissements de nuit devront respecter une jauge à 75% en intérieur et mettre en place un carnet de rappel en cas de contamination. Des contraintes qui ne concernent pas les bars. Raison pour laquelle le syndicat des discothèques a posé un recours devant le Conseil d'Etat, jeudi 8 juillet, pour que le pass sanitaire soit aussi imposé à ces lieux de vie nocturnes.

"Je ne vois pas pourquoi un bar de nuit, en intérieur, avec 200 personnes, a des contraintes différentes des nôtres", dépeint René Viteur, gérant de la discothèque L'Esméralda, à Toulouse.

Un constat partagé par Philippe Belot, propriétaire du Downtown Factory et vice-président de l'Umih 31 : "Si vous organisez n'importe quelle activité, que ce soit un match, ou autre, le pass sanitaire est nécessaire à partir de 1.000 personnes. Mais les discothèques, même pour une seule personne, doivent l'appliquer", s'offusque le syndicaliste.

Selon lui, le nombre de vaccinés, trop faible, et la propagation du variant Delta sur le territoire métropolitain (qui s'apprête à devenir le variant majoritaire en France au cours des prochains jours selon Olivier Véran) auraient poussé le gouvernement à imposer des contraintes lourdes aux discothèques pour limiter leur réouverture.

Une réouverture "politique "

"Si on nous laisse ouvrir le 9, ce n'est pas une réflexion sanitaire ou scientifique. C'est parce que le président de la République a dit il y a deux mois que le 9 juillet marquerait la réouverture des discothèques. Donc derrière, ils se sont tous mis à contribution pour respecter la parole du président. Mais en même temps, ils ouvrent le parapluie sanitaire en mettant tous les contrôles possibles qui font que l'ouverture, dans les faits, n'est pas possible. On a déjà vu ça avec les stations de ski cet hiver. Le chef de l'Etat a annoncé leur ouverture, mais les remontées mécaniques sont restées fermées", explique Philippe Belot.

Avec une clientèle essentiellement composée de 20-30 ans, c'est-à-dire L'une des franges de la population qui a eu un des accès les plus tardifs à la vaccination, il craint que les discothèques ne parviennent pas à rentabiliser leur réouverture, après des mois de fermeture qui ont coûté cher.

"Une fois que les clients ont réalisé leurs deux injections du vaccin, ils doivent attendre 15 jours, ce qui nous amène à fin août. En sachant en plus que l'on doit s'occuper du contrôle des tests PCR de moins de 48 heures et des pièces d'identité à l'entrée, ça fait beaucoup de choses très lourdes. Nous estimons que l'on a 50% minimum de la clientèle qui ne pourra pas rentrer", raconte Philippe Belot pour justifier le choix de la majorité des gérants de ces établissements de rester fermés.

"Avec les aides, je génère moins de dettes que si j'ouvrais"

Il estime également que cette réouverture est un "coup politique" pour couper les aides perçues par les gérants de discothèques. Celles-ci seront effectivement arrêtées à la fin du mois d'août, et immédiatement en cas de réouverture. Or, pour des gérants comme René Viteur, dont la trésorerie est à sec, la décision a vite été prise de ne pas rouvrir.

"Devant l'établissement, il faut que l'on mette une tente pour faire les tests Covid. Les tests sont pris en charge, mais pas les infirmières ou les aides soignants. Donc sachant qu'en ouvrant je n'aurai plus droit à aucune aide, je n'ai pas envie de devoir supporter ces coûts. D'autant que si j'ouvre, je prends le risque qu'il n'y ai pas assez de monde, de ne pas faire assez de chiffre d'affaires, et de me retrouver à payer mes salariés. En temps normal, avec de la trésorerie, ça irait. Mais je n'ai plus de trésorerie !" justifie amèrement le gérant de L'Esméralda, qui s'attriste également des répercussions que cette non-ouverture aura sur ses partenaires.

En définitive, il indique générer moins de dettes en restant fermé pendant l'été. Une situation qui pourrait s'inverser à la rentrée, avec le retour des Toulousains en centre-ville. Il prévoit donc de rouvrir le 3 septembre.

Pourtant, le taux d'incidence de la Covid, bien que faible en comparaison avec les niveaux observés par le passé, augmente continuellement depuis plusieurs jours.

La crainte d'une quatrième vague après l'été

Alors certains s'attendent à un schéma similaire à celui de l'Espagne, qui vient de réimposer le fermeture des discothèques moins d'un mois après leur réouverture.

"Il y a des chances qu'on nous referme. Ce qu'il va se passer, comme l'été dernier, c'est qu'au lieu d'avoir des jeunes dans des endroits où on contrôle et où on peut voir à peu près ce qui s'y passe, on va se retrouver avec des fêtes sauvages. Il y en a déjà partout. Il y a aujourd'hui plus de discothèques sauvages, que de vrais discothèques", désespère le vice-président de l'Umih 31.

Une situation que René Viteur n'espère pas connaître.

"Je ne sais pas si la France a encore les moyens financiers de continuer comme ça. Le Royaume-Uni a fait un choix critiqué, qui est de dire que ceux qui ne sont pas vaccinés, c'est tant pis pour eux. Cela se réfléchit. Il faut que le gouvernement fasse un choix. Les anti-vaccins ils sont gentils, mais à un moment donné comment on fait pour revivre ? J'ai pris la décision de réouvrir le 3 septembre, j'aimerais bien pouvoir le faire", peste le gérant.

Ainsi, un certain nombre de discothèques toulousaines préfèrent attendre de voir comment se passe cette réouverture sous haute contrainte avant de s'engager à rouvrir. Parmi elles, l'Opium Club, le Zoom, l'Oclub... D'autres n'ont tout simplement pas eu le temps d'organiser la reprise. Car selon le vice-président de l'Umih 31, une discothèque est contrainte de refaire une demande d'autorisation d'ouverture après 10 mois de fermeture.

Celles qui rouvrent

Pour autant, certains établissements toulousains ont fait le choix de la réouverture. C'est le cas du Purple, de La Terrazza ou encore du Downtown Factory, tenu par Philippe Belot.

"Maintenant que nous avons annoncé de tous les côtés qu'on ouvrait, nous sommes presque coincés, donc nous ouvrons ce week-end. Nous aurons bien quelques clients qui vont venir. Mais il y a de grandes chances pour qu'on referme ensuite. Nous verrons bien", dit-il sans grande conviction.

À L'Etoile, le dirigeant se montre plus combatif et enjoué : "Cela fait plus d'un an que nous sommes fermés, nous avons fait des travaux, et nous voulons respirer et pouvoir retravailler de façon plus ou moins normales. Nous avons envie d'essayer, de prouver que l'on puisse réouvrir sans mettre en danger qui que ce soit, montrer que ce ne sont pas les clubs qui font les clusters. Ce week-end, ce sera la fête à L'Etoile !".

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